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lundi 4 novembre 2013

Balzac à Tauragė (1843)

Balzac en 1842 (daguerréotype de Nadar)

La comtesse « polonaise » Ewelina Hańska (1801 – 1882), retirée dans son domaine de Verkhovnia (district de Jitomir, en Volhynie alors dans Empire russe, aujourd’hui ukrainienne) lisait beaucoup de romans français. Elle devint une fervente admiratrice d’Honoré de Balzac (1799 – 1850) avec qui elle engagea, à partir du 28 Février 1832, une correspondance qui durera 18 ans.

La comtesse Hanska


Balzac et Mme Hańska se rencontrèrent pour la première fois le 25 Septembre 1833 sur les bords du lac de Neuchâtel et l’auteur tomba follement amoureux de son admiratrice. Celle-ci, veuve en 1841, ne se décidera à épouser l’écrivain que le 14 Mai 1850, en Ukraine, trois mois avant la mort de celui-ci (18 Août 1850).

Balzac et Mme Hańska se retrouvèrent plusieurs fois en Europe, y compris à Paris où Mme Hańska décéda par la suite, le 10 Avril 1882 (elle est inhumée aux côtés de Balzac au cimetière du Père Lachaise). Balzac, lui, fit trois fois le voyage vers l’Empire russe, une fois en 1843 (Juillet – Novembre, à Saint-Pétersbourg) et deux fois en Ukraine (Septembre 1847 – Janvier 1848 et  Octobre 1848 – Mars 1850). C’est le voyage à Saint-Pétersbourg qui nous intéresse.

Balzac quitta Paris le 19 Juillet 1843, pour s’embarquer le 21 à Dunkerque sur un paquebot à vapeur, Le Devonshire. Il arriva à Saint-Pétersbourg le 29 Juillet. Il quittera la capitale russe le 7 Octobre 1843 par la malle-poste qui traverse les provinces baltes. On connaît les détails de ce voyage grâce au sculpteur russe Ramazanoff qui se rend à Rome, et qui donne des détails pittoresques sur son compagnon de voyage dans une série de lettres.

Par exemple, à Narva (Estonie), Balzac fait la grimace lorsqu’on lui sert des lamproies au petit déjeuner …… A Dorpat (Tartu en Estonie) il s’indigne de son bifteck. A Riga, il souligne « l’activité bruyante d’une ville commerçante ». A Mitau (Jelgava en Lettonie), il a une faim de loup, mais il s’indigne cette fois « de la lavasse qu’on {lui} avait servi en guise de soupe » ! Mais il se calme lorsqu’on lui apporte une omelette. A Tauroggen (Tauragė en Lituanie), le 10 Octobre, « il trouva un excellent petit déjeuner et du bon thé ». Il sort même sa dernière bouteille de Sauternes d’un voyage décidemment péri-gastronomique pour arroser ça !  


Tauragė est une petite ville de 27 000 habitants, à la frontière avec l’exclave russe de Kaliningrad, jadis ville-frontière avec (en 1843) la province de Prusse, capitale Königsberg. Tauragė est surtout célèbre pour la Convention signée le 30 Décembre 1812 entre le Général prussien Ludwig Yorck von Wartenburg et le général de l'Empire Russe d'origine allemande von Diebitsch, par laquelle le premier cité trahissait Napoléon.



Mais ce 10 Octobre 2013, la Municipalité de Tauragė avait choisi, 170 ans plus tard, jour pour jour, de célébrer le passage du grand écrivain français (et même tourangeau ……), en dévoilant une plaque rappelant l’événement en présence de S.E. Madame Maryse Berniau, Ambassadeur de France en Lituanie. En tant que thuriféraire de l’amitié franco-lituanienne, je ne peux que me réjouir de l’initiative de la Municipalité de Tauragė en quête des traces de son patrimoine culturel européen. http://www.ambafrance-lt.org/Sur-les-pas-de-Balzac



Pour finir, je ne peux résister à la description par Ramazanoff du passage de la frontière entre la Russie/Lituanie et la Prusse : « A l’approche de notre frontière avec la Prusse, nous ne vîmes pas la sentinelle, qui, comme sa guérite, était cachée par la verdure. Sur l’immense espace s’étendant devant nous, il n’y avait que deux poules qui se promenaient. Voyez, un grand empire comme la Russie est gardé par des poules, put à peine articuler Balzac en s’esclaffant de sa remarque » !  

Pour en savoir plus sur Balzac en Russie : « Balzac dans l’Empire russe – De la Russie à l’Ukraine », Paris-Musées / Editions des Cendres, 1993


2 commentaires:

  1. un billet très complet
    les voyages devaient être sacrément rudes à l'époque et j'admire quelqu'un qui fit trois fois le voyage vers la Russie
    je souris à vos remarques sur les goûts de Balzac un peu opposés à la cuisine Balte

    de l'époque
    je trouve bien sympathique cette reconnaissance de la municipalité
    je ne parviens pas à enregistrer l'adresse de mon blog sur la liste alors le voilà
    http://asautsetagambades.hautetfort.com

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  2. Et encore, Balzac c'était au XIXe siècle. Imaginez Guillebert de Lannoy, chevalier venu "casser" du païen au début du XVe siècle et qui a fait du tourisme hivernal (car marais et rivières étaient gelés et permettaient de se déplacer) depuis Königsberg vers Nijni Novgorod, en passant notamment par Kaunas. La fourrure polaire n'avait pas encore été inventée......Sans parler des soldats de la Grande Armée, qui étaient équipés pour une guerre fraiche et joyeuse qui ne devait pas dépasser l'été .....

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