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mercredi 25 mars 2020

25-28 mars 1949 : Opération Priboï - Déportation de 90 000 Baltes


Le 8 mai 1945 n’a pas signifié la fin de la guerre pour une grande partie de l’Europe, occupée par l’Union soviétique. Des mouvements de résistance, principalement les Frères de la Forêt, menèrent des actions armées dans les trois États baltes, et principalement en Lituanie où ils étaient le mieux organisés.

C’est Alexsandr Mishutin, procureur de la RSS de Lettonie, qui alerta Moscou dans un rapport secret,  le 21 septembre 1948, indiquant que des groupes clandestins de résistance, incluant des Koulaks (« riches » paysans), et des éléments contre-révolutionnaires, « pourrissaient la société soviétique lettone ».  

Le Conseil des Ministres de l’URSS (dont le président était Joseph Staline) prit, le 29 janvier 1949 la décision n° 390-1388ss approuvant la déportation des « Koulaks », des nationalistes (sic) et des bandits (re-sic), mais aussi de leurs soutiens et de leurs familles, depuis l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie.  L’objectif était double : forcer à la collectivisation des propriétés et éliminer les soutiens des insurgés.

Le 28 février 1949, Viktor Abakumov, le Ministre de la Sécurité d’Etat (MGB) signa l’ordre n° 0068 du MGB pour la préparation et l’exécution de la déportation par les Forces de l’Intérieur, aux ordres du Lieutenant-Général Burmak. Compte tenu de l’objectif de 30 000 familles à déporter, des troupes additionnelles sont venues en renfort de l’intérieur de l’URSS, 4 350 en Estonie, 4 500 en Lettonie. C’est au total 76 212 personnels, articulés en équipe de 9-10, y compris des activistes du parti communiste armés pour l’occasion, qui ont été impliqués dans la déportation.

Selon les chiffres officiels, mais qui parfois divergent, 19 827 personnes ont été déportées d’Estonie, 41 811 de Lettonie et 25 951 de Lituanie. Ils se répartissaient en 27 % d’hommes, 44 % de femmes et 29 % d’enfants de moins de 16 ans. Leur destination était la Sibérie, principalement les oblasts d’Irkoutsk (27 %), d’Omsk (23 %) et de Tomsk (16 %).



Compte tenu du fort taux de mortalité enregistré chez les déportés lors de leurs premières années en Sibérie, en raison de l’incapacité – que ce soit par négligence ou par préméditation – de fournir un hébergement et de l’habillement adapté, certaines sources considèrent ces déportations comme un génocide (intention d’éliminer systématiquement un groupe culturel, ethnique, linguistique, national, racial ou religieux). Se fondant sur la clause dite de Martens (1899) et sur les principes de la Charte de Nuremberg (1945), la Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué que les déportations de mars 1949 constituaient un crime contre l’humanité.

et 

Je ne changerai pas une ligne à ma conclusion de 2011 sur le même sujet : « Les crimes nazis et les crimes soviétiques sont une réalité. En aucun cas les crimes des uns ne peuvent excuser les crimes des autres. En aucun cas le commanditaire du crime, qu'il soit vainqueur ou vaincu d'une guerre mondiale, n'est absout et ne doit échapper à la justice, pas plus que l'exécutant. »


En 1949, le commanditaire du crime (mais pas seulement de celui-là) est Staline, ce même Staline réhabilité par le pouvoir russe actuel.  





jeudi 12 mars 2020

Užgavėnės, ou Mardi Gras en Lituanie



Avec cette fois pas mal de retard, retour sur une tradition lituanienne.

Užgavėnės est une tradition lituanienne qui a lieu durant la septième semaine qui précède Pâques, en principe la veille du Mercredi des cendres. Son nom signifie « le temps avant le Carême ». Cette célébration païenne correspond à la tradition catholique de Mardi gras et au Carnaval.



Toutefois, en Lituanie comme ailleurs, en semaine on travaille. C’est la raison pour laquelle Užgavėnės est généralement célébré lors du week-end le plus proche.

Le thème principal d’Užgavėnės est la victoire en apothéose du printemps (personnifié parKanapinis (l’homme de chanvre) sur l’hiver (Lašininis = le goret). Des diables, des sorcières, des chèvres, la « grande faucheuse », des bohémiens et d’autres personnages joyeux ou effrayants participent aux célébrations. Les festivités se terminent par la crémation d’une effigie de l’hiver, nommée Morė.  Le « slogan du jour » est :

Žiema, žiema, bėk iš kiemo !
(Hiver, hiver, va-t-en de la cour !)



Les célébrations les plus populaires ont lieu au Musée en plein air de Rumšiškės, près de Kaunas.



mercredi 11 mars 2020

11 mars : Jour de la restauration de l’Indépendance de la Lituanie




En Lituanie, le 11 Mars est le « Lietuvos Nepriklausomybės Atkūrimo diena », le Jour de la restauration de l’Indépendance de la Lituanie. Il commémore ce soir du 11 Mars 1990 quand, à 22H44, le Soviet Suprême de la Lituanie a adopté l’Acte de rétablissement de l’État indépendant de Lituanie (ci-dessous).  



Dans la salle des sessions plénières, le drapeau tricolore recouvre les armoiries soviétiques. Le Soviet, devenu Diète Reconstituante, proclame le retour en vigueur de la Constitution de 1938. Ce fait doit être interprété comme un moyen pour démontrer la continuité de la souveraineté de la Lituanie, interrompue par 50 ans d’occupation soviétique.

Le Grand-duché de Lituanie avait été un État souverain de 1253 à 1795, disparaissant dans les trois partages de la Pologne – Lituanie au profit principalement de la Russie mais aussi de la Prusse. La notion de continuité est importante. Car le fait de dire que le 11 Mars 1990 serait une nouvelle indépendance, après celle de 1918 – 1940, accréditerait l’affabulation, encore en vigueur dans la Russie d’aujourd’hui, selon laquelle les États baltes auraient rejoint l’U.R.S.S. de leur plein gré et n’auraient pas été occupés.

On soulignera également que le rétablissement de l’indépendance date bien du 11 Mars 1990 et non pas d’un quelconque jour d’Août 1991 quand, après le bien étrange putsch de Moscou, la puissance occupante soviétique a daigné reconnaître cette indépendance. On rappellera d’ailleurs que l’Islande fut la première à reconnaître le retour à l’indépendance de la Lituanie le 11 Février 1991.



dimanche 8 mars 2020

Hector Berlioz à Riga




Hector Berlioz jeune 


Le 8 mars n'est pas seulement la journée de la femme. C'est aussi l'anniversaire de la mort d'Hector Berlioz, le 8 mars 1869. Quel rapport avec les Pays baltes allez-vous dire ? Eh bien, si …….

Si vous vous promenez dans le centre de Riga, vous risquez de « tomber » sur la plaque ci-dessous, apposée sur une maison au 4 Riharda Vāgnera iela (autrement dit, la rue Richard Wagner). Or, il s'avère que cette maison a abrité, jusqu’en 1863, le premier Théâtre Municipal régulier de Riga, où avaient lieu alors tous les événements culturels majeurs, musicaux et théâtraux. A cette époque, Riga était une des plus grandes villes de l’empire russe mais les germaniques (les barons baltes) tenaient le haut du pavé.



Le compositeur Richard Wagner (1813 – 1883) fut le directeur du chant du Théâtre de 1837 à 1839. Il y a fait 20 mises en scène d’opéras allemands, italiens et français. La légende dit que c’est en quittant Riga, à bord d’un bateau traversant la Mer Baltique agitée, qu’il aurait eu l’inspiration pour son opéra « Le Vaisseau fantôme ». Le cas de Franz Liszt (Liszt Ferenc en hongrois 1811 - 1886) est plus intriguant car, s’il a bien composé une pièce pour l’inauguration de l’orgue de la cathédrale luthérienne de Riga, "Nun danket alle Gott" (mais sans venir et c’était en 1884), on sait qu’il a voyagé dans toute l’Europe de 1839 à 1842 : France, Allemagne, Belgique, Suisse, Italie, Angleterre, Espagne, Portugal, Autriche, Hongrie, Serbie, Bulgarie, Russie, Roumanie, Turquie, mais sans précision quant à Riga.
A vingt ans d'intervalle, Hector Berlioz (1803 – 1869) s'est rendu, lui, deux fois en Russie (1847 et 1867-68) où il rencontra un succès triomphal. Mais il n’est venu qu’une seule fois à Riga (24 Mai – 2 Juin 1847), sur la route du retour vers la France, via Berlin, lorsqu’il a donné un concert le 29 Mai 1847, avec, entre autres, Harold en Italie et des extraits de La Damnation de Faust.

Le 4 Riharda Vāgnera iela

Pour l’anecdote, Hector Berlioz écrivait le 14 Février 1847, donc avant son voyage en Russie, à Honoré de Balzac : « Vous avez eu l’obligeance de m’offrir votre pelisse, soyez assez bon pour me l’envoyer demain rue de Provence 41, j’en aurai soin et je vous la rapporterai fidèlement dans quatre mois. Celle sur laquelle je comptais me paraît beaucoup trop courte et je crains surtout le froid aux jambes. […] ». On sait que Balzac était allé retrouver sa « bonne amie » la comtesse Hanska à Saint-Pétersbourg en 1843, voyage aller en bateau, voyage retour en malle-poste en Octobre, via Riga, afin d’aller prendre un train à Berlin.
Comme quoi, finalement, vous ne serez pas le premier Français à vous promener dans Riga …….



mercredi 4 mars 2020

4 mars en Lituanie : Saint Casimir et Kaziuko Mugė



Le week-end prochain (6-8 mars 2020), la Kaziuko Mugė (littéralement « Foire du petit Casimir ») va drainer à Vilnius des dizaines de milliers de personnes venues de très loin, y compris de Lettonie et de Pologne. Qu’est-ce donc que cette foire qui existe depuis désormais 416 ans, mais surtout, qui était ce petit Casimir qui déplace les foules ?

Casimir est né au palais royal de Cracovie le 3 octobre 1458, deuxième fils du Roi de Pologne Grand-duc de Lituanie Casimir IV (Kazimieras Jogailaitis). Il était le petit-fils du Grand-duc lituanien Jogaila, fondateur de la dynastie polonaise des Jagellon, par son père et de l’Empereur du Saint-Empire Romain Germanique Albrecht II de Habsbourg, par sa mère. Son précepteur principal est Jan Długosz de Wieniawa, historien, diplomate et futur archevêque de L'viv (alors Lwów).

Saint Casimir


En 1471, alors qu’il n’est donc âgé que de 13 ans, ses parents l’envoyèrent avec une armée pour occuper le trône de Hongrie sur lequel sa mère réclamait des droits de succession. Mais cette expédition fut un échec et Casimir retourna à Cracovie en 1472 pour terminer son éducation.

A partir de l’âge de 16-17 ans, il commença à voyager à travers le royaume avec son père, afin de gagner de l’expérience dans les affaires de l’État. Quand il eut atteint 22 ans, son père lui délégua un certain nombre de tâches, notamment administratives, dans les domaines de la justice, de l’armée et des finances. En 1481-1483, c’est même lui qui dirigea de facto le Royaume depuis Cracovie, alors que son père résidait en Lituanie.

Mais, parallèlement à ces tâches difficiles à remplir, Casimir menait une vie d’ascèse stricte qui affaiblit sa santé. Il contracta la tuberculose. Casimir fut alors relevé de ses tâches par son père qui lui ordonna de venir à Vilnius en 1483. Il y fut chargé de la Chancellerie du Grand-duché de Lituanie.  

Quand son père retourna en Pologne, Casimir resta avec sa mère à Grodno (Gardinas), alors dans le Grand-duché de Lituanie, pour passer l’hiver 1483-84. Mais sa santé se détériora rapidement et il mourut le 4 mars 1484, âgé seulement de 25 ans et 5 mois.

La vie sainte du jeune Prince Casimir avait attiré l’attention dès son vivant. Après sa mort, les gens commencèrent à venir prier sur sa tombe dans la cathédrale de Vilnius et, à peine 17 ans plus tard, le Pape Alexandre VI notait que de nombreux miracles avaient déjà eu lieu autour de son cercueil. En 1517, le Pape Léon X nomma une commission pour procéder à sa canonisation. Cette commission, dirigée par un évêque bénédictin, Zacharias Ferrerri, mit en exergue dans ses conclusions que le Prince avait réussi à résister aux plaisirs d’une vie terrestre de luxe, dormant sur le sol, se mortifiant, faisant l’aumône aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, déterminé à préserver une chasteté parfaite, refusant de se marier.

Il est admis que Casimir a été canonisé en 1521 par le Pape Léon X. Mais ce n’est qu’une bulle du Pape Clément VIII, du 7 novembre 1602, qui proclama que Saint Casimir avait été canonisé par Léon X et que la Lituanie et la Pologne étaient autorisées à célébrer une liturgie solennelle à cette occasion. C’est ainsi que la première de ces fêtes eut lieu du 10 au 12 mai 1604. Le cercueil du nouveau Saint fut ouvert et l’on constata que son corps était miraculeusement conservé après 120 ans.

Le cercueil de Saint Casimir dans la chapelle éponyme de la cathédrale de Vilnius


Une nouvelle chapelle fut construite en 1636 sur le côté de la cathédrale de Vilnius. Les restes du Saint furent déposés dans un cercueil en argent, placé au-dessus de l’autel. En relation avec ce transfert, le pape Urbain VIII déclara Saint Casimir Saint patron de la Lituanie, dont la fête serait souhaitée le 4 mars. Ce n’est qu’en 1948 que le Pape Pie XII en fit le Saint patron de la jeunesse.

Mais la foire de Saint Casimir dans tout ça. On a vu que, dès sa mort, les pèlerins furent nombreux à venir se recueillir sur la tombe de Casimir. Ce pèlerinage prit de l’ampleur avec sa canonisation, et il fallait bien nourrir tous ces pèlerins. On date donc de 1604, date de l’arrivée de la bulle du Pape Clément VIII à Vilnius, la première foire de Casimir. 416 ans plus tard, elle dure encore !