Il y a quelques jours,
Vladimir Poutine aurait déclaré (propos rapportés par le Süddeutsche Zeitung) : « Si je voulais, les troupes
russes pourraient arriver en deux jours, non seulement à Kiev, mais aussi à
Riga, Vilnius, Tallinn, Varsovie et Bucarest ».
Dans les Etats baltes, cette
déclaration vient renforcer des craintes élevées que la Russie n’y rejoue le
scénario qui a servi à l’invasion de la Crimée en mars et de l’est de l’Ukraine
en août, à savoir la « protection » des Russes ethniques et des
russophones.
Ces craintes ont été
étayées par une succession d’incidents.
Le 5 septembre 2014,
en Estonie, un Officier du service estonien de
sécurité intérieure, Eston Kohver, a
été kidnappé « par des inconnus » venant de Russie. Ce matin-là, l’Officier
attendait, en forêt à proximité du poste-frontière de Luhamaa, côté estonien,
un informateur dans le cadre d’une enquête sur un réseau de contrebandiers. Emmené
de force à Moscou, le FSB l’a accusé d’avoir été en réalité sur le territoire
russe, d’être en possession d’une arme, de 5 000 € et « d’appareils
faisant penser à une mission d’espionnage. Inculpé, il risque 20 ans de prison.
En pleine crise ukrainienne, deux jours après la visite de Barak Obama à
Tallinn, au dernier jour du sommet de l’OTAN au Pays de Galles, cet enlèvement
est perçu comme une provocation faite à l’OTAN.
L'Officier estonien Eston Kohver |
Au même moment, le 8 septembre 2014, la Russie a rouvert un dossier vieux de 24
ans : celui des jeunes Lituaniens qui, après la déclaration formelle de
retour à l’indépendance de la Lituanie, ont quitté l’armée
soviétique ou ont refusé de la rejoindre. Le Procureur général de Lituanie a
reçu une demande d’assistance de la Russie pour retrouver ces « déserteurs »
de l’armée rouge, mais il n’y a pas été donné suite car les faits ne sont –
bien évidemment – pas considérés comme criminels en Lituanie. D’après le
Ministère lituanien de la Défense, 1 562 jeunes gens ont refusé de servir
dans l’armée soviétique après le 11 mars 1990. 67 ont été incorporés de force,
20 furent mis en prison, les autres furent obligés de se cacher pour fuir la
répression des autorités d’occupation soviétiques. Il leur a été conseillé de
ne pas quitter le territoire de la Lituanie ou de l’Union Européenne.
On
soulignera au passage que :
# Forcer des gens à servir dans une armée
d’occupation est un crime aux yeux de la loi internationale (il est vrai que la
Russie n’a jamais reconnu avoir occupé les Etats baltes……)
# Le 29 juillet 1991, la République
soviétique socialiste de Russie et la République de Lituanie ont signés un
traité reconnaissant la souveraineté de l’Etat lituanien sur la base de sa
déclaration d’indépendance du 11 mars 1990. Il est vrai que la Russie nous a
désormais habitués à ne pas respecter les traités.
Le 13 septembre 2014,
à l’occasion d’une conférence régionale, réunissant à Riga (Lettonie) les Russes des Etats baltes, le Ministre russe des
Droits de l’Homme et de la Démocratie (sic), Konstantin Dolgov, a appelé la
communauté internationale à protéger les droits des russophones en Estonie et
en Lettonie. Il a dénoncé au passage la résurgence du néonazisme et de la
xénophobie, employant la même rhétorique imaginaire qui avait déjà servi à l’invasion
de la Crimée et du Donbass.
Enfin, le dernier incident
sérieux est survenu le 18 septembre 2014 et
concerne la Lituanie. Un navire de pêche lituanien, le Jūrų Vilkas (Loup des mers), avait été arraisonné en Mer de Barents (il s’avère
désormais que c’était dans les eaux internationales) et remorqué de force dans
le port de Mourmansk, le capitaine lituanien ayant refusé de le faire de son
plein gré, même sous la menace d’une arme. On notera une fois de plus que cet
incident est survenu, comme par hasard, alors que le Comité militaire de l’OTAN
se réunissait à Vilnius.
Le Jūrų Vilkas |
Tous ces incidents se
déroulent sur fond d’intensification de la présence de navires de guerre et d’avions
militaires russes autour de la Baltique. A titre d’exemple, jusqu’à présent, les
avions russes s’approchaient de la frontière lettone une dizaine de fois par
an. Cette année, on compte déjà 140 approches ! Et non seulement les Etats
baltes, mais la Finlande, la Suède, la Grande-Bretagne et même l’Alaska ont été
concernés !
Ces provocations répétées
ont-elles pour seul but d’intimider les Etats baltes et de les inciter à s’éloigner
de l’OTAN (il semblerait que ce soit le contraire qui se passe …..). Ou
préparent-ils, comme dans un remake de juin 1940, une invasion ?
Contrairement à certains, je pense que Poutine, qui n’a – pour l’instant - pas
le souci de sa réélection ni de son opinion publique, sait très bien où il va
mais que l’Occident a, lui, toujours plusieurs temps de retard.
A suivre de près donc !