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Denis Diderot |
Le
5 octobre 1713 naissait à Langres le futur philosophe Denis Diderot.
Un prétexte pour évoquer le voyage qu'il fit à Saint-Pétersbourg
en 1773 – 1774.
Car
le philosophe et maître d’œuvre de l’Encyclopédie Denis
Diderot (1713 – 1784) sera le seul personnage important
des Lumières françaises à répondre favorablement à l’invitation
de l’impératrice Catherine II à se rendre à Saint-Pétersbourg,
mettant néanmoins 11 ans à se décider. Ce voyage
s’effectuera de l’automne 1773 au printemps 1774, soit plus de 20
ans après que Voltaire se soit rendu auprès d’un autre monarque
sensible aux idées des Lumières : Frédéric II, Roi de
Prusse.
Catherine
II, impératrice et autocrate de toutes les Russies, règne à
partir du 28 juin 1762, succédant à son mari Pierre III, Tsar
brutal et ivrogne, assassiné lors d’un coup d’état dont elle
est l’instigatrice. Elle s’était réfugiée dans la lecture et
goûtait aux idées des Lumières. Elle entretient des
correspondances avec notamment Voltaire (dont elle achètera la
bibliothèque), d’Alembert, Melchior Grimm, et Diderot, et n’a de
cesse de vouloir faire venir les philosophes à Saint-Pétersbourg.
De leur côté, les philosophes français se sentent investis d’une
mission civilisatrice et espèrent convertir les souverains européens
aux idées de progrès politique, économique et social.
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L'Impératrice Catherine II |
Dès
son accession au trône, en 1762, Catherine avait proposé à
Diderot, par l’entremise de Voltaire, de venir terminer
l’Encyclopédie à Riga. Mais le philosophe avait alors décliné
l’invitation dans la mesure où la censure en France avait desserré
son étreinte, les Jésuites ayant été expulsés en 1764. Le
fait que la tsarine vienne en aide financièrement au philosophe en
lui rachetant sa bibliothèque en 1765, par l’entremise de Frédéric
Melchior Grimm, est semble-t-il déterminant.
Avant
de partir, Diderot va se documenter, curieusement plus en lisant
l’Histoire de Russiede Voltaire (écrit en 1759 et 1763),
qui n’est jamais allé sur place, plutôt que dans l’article
« Russie » de l’Encyclopédie, écrit par le chevalier
de Jaucourt. Il consulte également leVoyage en Sibérie de
l’abbé Chappe d’Auteroche, qui décrit la Russie sans
complaisance.
Diderot
va faire ses deux voyages, aller et retour, par la route. Parti
de Paris le 11 juin 1773, il va d’abord séjourner deux
mois à La Haye, avant de reprendre la route « à marche
forcée », son compagnon de voyage, Aleksei Vasilievich
Narychkine, un jeune russe de l’une des grandes familles et
chambellan de Catherine, souhaitant arriver à Saint-Pétersbourg
pour le mariage du prince héritier, le Grand-duc Paul, le 9 octobre
1773. Ils passent par Düsseldorf, Leipzig,
Königsberg, Memel (Klaipėda), Mitau (Jelgava), Riga et Narva, et
arrivent à Saint-Pétersbourg le 8 octobre, la veille du mariage
princier !
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L'itinéraire aller et retour de Diderot |
Diderot
va séjourner à Saint-Pétersbourg du 8 octobre 1773 au 5 mars 1774,
c’est-à-dire en plein pendant l’hiver. Il espérait loger chez
le sculpteur Étienne-Maurice Falconet, que Diderot avait
recommandé à l’impératrice pour réaliser la statue de Pierre le
Grand. Mais celui-ci le reçoit avec une certaine froideur et
explique qu’il ne peut pas le loger car son fils est arrivé à
l’improviste. C’est finalement Aleksei Vasilievich
Narychkine qui lui offrira l’hospitalité dans son hôtel
particulier, au 8 place Saint-Isaac.
Âgé
de 60 ans, ce voyage, au cours duquel il est malade et dont il va
rentrer affaibli, est pour lui une épreuve. Dès la fin septembre
1773, à Narva (Estonie), il sera pris de coliques néphrétiques. A
Saint-Pétersbourg, il ne sort pratiquement pas du palais Narychkine,
car il est souvent atteint de dysenterie. Il est toutefois reçu en
moyenne trois fois par semaine par la Tsarine, dans les appartements
privés de celle-ci, pour des tête à tête qui durent de deux à
trois heures. C’est Diderot qui proposait les thèmes en présentant
à l’impératrice un essai ou un « mémoire » qui servait de
point de départ à leur discussion.
Diderot
n’a pas rédigé de « Voyage en Russie », à la
différence de son « Voyage en Hollande ». On
connaît toutefois quelques détails de son périple de retour par
ses correspondances. Diderot quitte en effet Saint-Pétersbourg
le 5 mars 1774. Les difficultés pour se loger en route est une
constante que l’on retrouvera chez d’autres voyageurs (« des
hôtes maussades, des mauvais gîtes »). Il évoque une
aventure à Mittaubrück quand la voiture que lui a fournie Catherine
II se brise au passage de l’Aa courlandaise (le fleuve Lielupe). Le
voyage était déjà devenu épopée quand il écrivait :
« Quand je me rappelle le passage de la Douina (Daugava), à
Riga, sur des glaces entrouvertes d’où l’eau jaillissait autour
de nous, qui s’abaissaient et s’élevaient sous le poids de notre
voiture et craquaient de tous côtés, je frémis encore de ce
péril ». Il laissera en chemin « quatre voitures
fracassées » ! Il
sera de retour à Paris en Octobre 1774.
La
fille de Diderot écrivit plus tard que le climat froid et humide de
Saint-Pétersbourg avait nui à la santé de son père et que le
voyage en Russie avait probablement raccourci sa vie.
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Première page de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert |