Wagon servant à transporter les déportés (Naujoji Vilnia) |
Dès
la « libération » de l’Europe de l’est par les
soviétiques, ceux-ci arrêtèrent et déportèrent des centaines de
milliers de collaborateurs, réels ou présumés, et de combattants
luttant les armes à la main contre l’occupation soviétique. De
même, les familles de ces résistants, principalement ukrainiens et
baltes, que les soviétiques désignaient comme des « bandits »,
furent déportées dans des villages de peuplement en Sibérie et
dans le Grand Nord. De fait, à partir de 1945, furent arrêtés et
déportées dans toute l’Europe centrale et orientale toutes les
personnes pouvant constituer un obstacle à la mise en place de
régimes pro-soviétiques.
En
Lituanie, entre 1945 et 1952, ce sont environ 130 000 personnes
(sans compter les partisans), dont 70 % de femmes et d’enfants, qui
ont été déportés dans des camps de travail forcé, dans des coins
reculés de l’URSS. Environ 28 000 y moururent, dont un quart
d’enfants (moins de 16 ans). Les derniers ne revinrent qu’en
1959.
La
plus importante des déportations depuis la Lituanie s’est déroulée
du 22 au 27 Mai 1948. C’est l’opération
« Vesna » (« Printemps »). Elle a
concerné 40 002 personnes (chiffres officiels du MVD et du MGB)
dont 11 066 enfants. Elle a pour caractéristique de ne
concerner que la Lituanie, sans doute parce que la résistance à
l’occupation soviétique y était la plus forte. Les personnes
étaient « évidemment » déportées sans pré alerte,
sans procès et même sans raison apparente.
"Maisons" de déportés à Kolyma |
Si
cette nouvelle vague de terreur touchait toujours les familles des
résistants, elle a coïncidé avec l’introduction de la
collectivisation, laquelle imposait aux paysans qu’ils donnent
leurs terres, leur bétail et leur matériel à une ferme collective,
le kolkhoze. Très peu de paysans rejoignirent volontairement le
procédé, puisqu'ils devaient abandonner leur propriété privée
pour rejoindre un état proche de la servitude.
« Vesna »
sera suivie d’une autre grande déportation, « Priboi » (25
– 28 Mars 1949), qui concernera cette fois les trois Républiques
baltes. En Lituanie, 25 951 personnes seront déportées, mais
ce sera la Lettonie qui cette fois, avec 41 811 déportés, sera
la plus touchée. Il y aura encore l’opération « Osen » (2
– 3 Octobre 1951) qui concernera 16 150 déportés de
Lituanie.
Les
déportations remplirent apparemment leur rôle quand on voit la
progression du pourcentage de fermes collectives par rapport à
l’ensemble : 0,08 % en 1948, 3,9 % en 1949, 60,5 % en 1950,
98,8 % en 1953.
Les
derniers déportés (359) partiront les 5 – 6 Août 1952. Après la
mort de Staline, le retour des déportés, notamment Lituaniens et
Ukrainiens, ne se fera que très lentement et, au 1er Janvier
1959, 4 900 Lituaniens étaient encore déportés.
Au-delà de la sécheresse des chiffres, il est impossible de trouver aujourd’hui une famille en Lituanie qui n’ait pas eu de déporté. Leur rendre hommage a été une des premières revendications lituaniennes de l’ère Gorbatchev. Et certains Lituaniens pensent que la Russie, héritière assumée de l’Union soviétique, devrait payer une compensation pour ce travail imposé d’esclave, tout comme l’Allemagne Fédérale a payé, à partir d’Août 2000, une compensation pour le travail forcé dans l’Allemagne nazie.