vendredi 28 juin 2019

28 juin 1919 : signature du Traité de Versailles




Dans l'inconscient populaire, la Première Guerre mondiale a pris fin le 11 novembre 1918. En fait, il n'en est rien, puisque ce jour-là ne fut signé à Rethondes qu'un armistice. Il faut attendre le 28 juin 1919 – soit 5 ans jour pour jour après l'attentat de Sarajevo – pour que soit signé à Versailles un traité de paix avec l'Allemagne, et encore n'était-ce que le premier, d'autres étant signés ultérieurement :
  • Traité de Saint-Germain-en-Laye, le 10 septembre 1919, avec l’Autriche
  • Traité de Neuilly-sur-Seine, le 27 novembre 1919, avec la Bulgarie
  • Traité de Trianon, le 4 juin 1920, avec la Hongrie
  • Traité de Sèvres, le 10 août 1920, avec la Turquie (non ratifié, il sera remplacé par le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923)

Les négociations de paix s'étaient ouvertes à Paris le 18 janvier 1919 et réunissaient 27 délégations des puissances victorieuses. Les plénipotentiaires allemands ont été tenus à l'écart des débats sur la préparation du traité. Ils ne prennent connaissance du texte final du traité que le 7 mai 1919 (sept semaines avant la séance de signature) sans qu'ils aient pu négocier quoi que ce soit. C'est une première dans les annales de la diplomatie européenne. Ils proposent des modifications le 29 mai 1919 mais elles sont toutes rejetées sauf l'une d'elles concernant la Silésie. En Allemagne, c'est l'indignation. L'opinion publique qualifie le traité de Diktat.



Le traité de Versailles a été pour l'essentiel arbitré par quatre personnes : le Français Georges Clemenceau, le Britannique David Lloyd George, l'Américain Thomas Woodrow Wilson et l'Italien Vittorio Orlando. Le président Wilson est un idéaliste qui veut imposer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes conformément à ses Quatorze Points de janvier 1918, au risque de créer des États-croupions non viables en Europe centrale. Le Premier ministre britannique Lloyd George, dans le souci de maintenir un certain équilibre entre les puissances européennes et aussi pour complaire au président Wilson, voudrait éviter de trop écraser les puissances d'Europe centrale mais son souhait est contrecarré par Georges Clemenceau. Car le «Tigre» veut punir l'Allemagne. Il y est poussé par les militaires comme le général Foch et surtout par son opinion publique, qui a le sentiment justifié d'avoir donné son sang plus qu'aucun autre dans la Grande Guerre.



Le Traité est finalement signé dans la galerie des Glaces du château de Versailles, sur les lieux mêmes où fut fondé l'empire allemand le 18 janvier 1871. En rupture avec les traditions diplomatiques de l'ancienne Europe, les plénipotentiaires allemands sont reçus de la plus mauvaise manière qui soit. La séance dure cinquante minutes. Ni décorum, ni musique. Clemenceau, debout, invite les Allemands à signer les premiers le traité (L'assemblée réunie à Weimar ne s'était résignée à approuver le traité que le 22 juin 1919). À leur suite, chaque délégation s’approche du bureau pour signer.

Alors que les Allemands s'indignent d'un Diktat, la majorité des Français jugent pour leur part le traité encore trop indulgent à l'égard de l'Allemagne, au regard de ce qu'eux-mêmes ont dû encaisser cinquante ans plus tôt avec le traité de Francfort qui a conclu la guerre franco-prussienne. Ils en tiendront rigueur à Clemenceau si bien que celui-ci sera empêché d'être élu à la présidence de la République l'année suivante ! Quant aux Américains, soucieux de concorde, ils s'indignent à l'égal des Allemands de la trop grande sévérité du traité. Le 19 mars 1920, le Sénat s'offre même le luxe de ne pas ratifier le texte signé par le président Wilson. En le rejetant, il refuse par la même occasion l'entrée des États-Unis à la SDN !

Quant aux États baltes, ils ne sont évoqués, sans être cités, que dans l'article 99 du Traité. La présence des délégations baltes à la Conférence de Paris n'était d'ailleurs qu'officieuse, et elles n'ont pas participé aux négociations de paix. Il faut dire qu'initialement le Quai d'Orsay, dans une note du 14 février 1919, voyait dans la reconnaissance potentielle de l'indépendance des « provinces baltiques » « un grave danger pour la paix en Europe » !!

Texte intégral du traité de Versailles : https://www.herodote.net/Textes/tVersailles1919.pdf



lundi 24 juin 2019

Des anniversaires napoléoniens en juin en Lituanie



Les 24 et 25 juin sont des dates très napoléoniennes dans l'histoire de la Lituanie.

En effet, Napoléon 1er est venu dans la région dès 1807 à l’occasion de la signature des traités de Tilsit. Après l’écrasante défaite des troupes russes du Général Bennigsen le 14 juin 1807 à Friedland (aujourd’hui Pravdinsk), les Français attinrent le Niémen le 19 juin 1807. Ce sont les généraux russes qui supplièrent le Tsar de solliciter un armistice.

Le 25 juin 1807, entre 13H et 14H30, le Tsar de toutes les Russies et l’Empereur des Français vont se rencontrer au milieu du Niémen sur un radeau de luxe construit par le Général comte Lariboisière. Alexandre 1er aurait dit à Napoléon « Je hais autant les Anglais que vous », ce à quoi l’Empereur aurait répondu « En ce cas, la paix est faite » !  

La rencontre des deux empereurs à Tilsit le 25 juin 1807

Le premier traité de Tilsit est signé en secret le 7 juillet 1807 entre les deux empereurs. Il associe la Russie au blocus continental, mais lui laisse les mains libres pour s’emparer de la Finlande et démembrer l’Empire ottoman. Le second traité, celui-ci public, est signé le 9 juillet 1807 avec la Prusse et consacre le démembrement de celle-ci. Il est notamment créé le Duché de Varsovie à partir de terres polonaises et lituaniennes (Užnemunė). Les traités de Tilsit ressemblent à un partage de l’Europe. Mais l’accord est mal accueilli à Saint-Pétersbourg, car on subodore que l’application du blocus continental va ruiner l’économie russe. 

Napoléon 1er reviendra en 1812. Accusant le Tsar Alexandre 1er de ne pas respecter l’accord de Tilsit, il décide d’attaquer la Russie. Il faut dire qu’au début 1812, Napoléon est au faîte de sa gloire, gouvernant directement un tiers de l’Europe, de Hambourg à Barcelone, d’Amsterdam à Dubrovnik.

La Grande Armée commence à franchir le Niémen dans la nuit du 23 au 24 juin 1812. Le 24 Juin, Napoléon s’installe dans Kaunas au couvent de la Sainte-Croix, qu’il quittera le 27 juin à 4 heures du matin par celle qui est encore aujourd’hui la Prancūzų gatvė, la rue des Français, passe la nuit dans un château 4 km à l’ouest de Vievis et arrive le 28 juin midi devant Vilnius, prise le matin par Murat et entre dans la ville par la Porte de l’Aurore.

Le franchissement du Niémen le 24 juin 1812

Napoléon 1er a personnellement séjourné du 28 Juin au 16 Juillet 1812 dans le palais épiscopal de Vilnius, devenu en 1795 le palais du gouverneur russe et qui, après transformations au cours du XIXe siècle, deviendra l’actuel palais présidentiel. Au cours de ce séjour de 19 jours, que certains trouveront trop long (mais facile à dire après……), l’Empereur a mis en place la structure administrative du Grand-duché de Lituanie, mais surtout a fait de Vilnius un point essentiel de ses opérations futures. Napoléon avait notamment besoin de temps pour se réapprovisionner et pour réorganiser les territoires occupés.

Pendant cette période dite française, la vie publique fut intense. Il y eut des spectacles, des soirées dansantes, des loteries, mais aussi des fêtes pour célébrer des événements divers. Le 14 Juillet, le général comte lituanien Liudvikas Mykolas Pacas donna un bal dans son palais du 7 rue Didžioji (où il hébergeait le Prince Murat), au cours duquel Napoléon fit une apparition. Le 15 Août 1812, date anniversaire de la naissance de l’Empereur (en 1769), le Maire de Vilnius, Mykolas Römeris (1778 – 1853) fait rebaptiser la place devant le palais épiscopal en Place Napoléon.

Le retour sera plus rapide. L’Empereur quitte l’armée le 5 décembre à Smorgoni, avant de rejoindre Paris au plus vite car le Général Mallet y conspire. Le 6 décembre au petit matin, il rencontre Maret, Ministre des Affaires Étrangères, à Medininkai, atteint Vilnius à 10H15 sans y entrer, puis Kaunas le 7 décembre à 5H du matin, talonné par les cosaques. Il sera à Paris le 18 décembre à 23H45.

Cérémonie au cimetière d'Antakalnis, le 25 juin 2012 (Cherchez bien : j'y suis !)


J'envoie un message en l'air comme on dirait à l'armée. Il serait à mon sens intéressant qu'il y ait, côté lituanien, un panneau explicatif soit érigé afin de marquer le lieu de la rencontre de Tilsit, à l'image de ce qui a été (très bien) fait à Kaunas, sur la Colline Napoléon. Par ailleurs, jusqu'en 1944 (des pilotes de Normandie-Niémen se sont fait photographier devant), il y avait sur un des murs du palais présidentiel une plaque rappelant le séjour de Napoléon dans ces murs. Sans aller jusqu'à rebaptiser Napoleono la Daukanto aikštė, peut-être qu'un panneau ou une plaque serait là-aussi le bienvenu. Car, en 1812, les Lituaniens avaient mis beaucoup d'espoir dans Napoléon, espérant que celui-ci rétablisse leur indépendance perdue en 1795.

Panneau sur la colline Napoléon, surplombant le Niémen