vendredi 27 décembre 2019

Gustave Eiffel et la Lettonie

Gustave Eiffel


C'est le 27 décembre 1923 que s'éteint à Paris, à l'âge de 91 ans, l'ingénieur Gustave Eiffel, connu dans le monde entier pour sa tour éponyme, mais aussi pour le viaduc de Garabit et pour la structure de la statue de la Liberté à New York.

Mais savez-vous que Gustave Eiffel a un rapport avec la Lettonie, plus particulièrement avec le port de Liepajā ?

Le 15 janvier 1890, le Tsar Alexandre III décida de faire de Liepajā le port militaire principal de l’Empire russe sur la Baltique, anticipant une possible guerre contre l’Empire allemand dont le territoire, rappelons-le, s’étendait jusqu’à Memel (appelé aujourd’hui Klaipėda). Le port militaire, libre de glace toute l’année, au nord de la ville, s’intégra dans le système de défense de la ville, construit à la même époque (1893 – 1906). Dès 1898, on comptait 30 navires de guerre dans le port. Autour se développa toute une ville réservée aux militaires et à leurs familles. L’ensemble de la construction fut dirigé par un Major Général du nom d’Ivan Alfred Macdonald (1850 – 1906).
Le port et la ville militaires recevront le nom de Port Alexandre III à la mort de celui-ci (1894) et ne prendront le nom de Karostā (contraction de Kara Osta, littéralement Port de guerre) qu’après l’indépendance de la Lettonie en 1918. Mais, jusqu’au début du XXe siècle, le port de guerre n’avait aucun lien direct avec la ville de Liepajā ; la rue menant au port était en effet interrompue par le large canal d’entrée du port. La traversée du canal n’était assurée que par un ferry à vapeur. Le trafic avec la ville devenant de plus en plus important, il fut décidé de construire un pont tournant en prolongement de la rue. La conception a débuté en 1903 et le pont a été construit en 1906. Il demeure à ce jour le seul pont tournant métallique en Lettonie.

Le pont en cours d'ouverture

La surprise vient du fait que le pont a été conçu d’après des dessins de l’ingénieur français Gustave Eiffel (1832 – 1923). Les structures métalliques du pont ont été réalisées dans la ville russe de Briansk et les mécanismes de rotation et le moteur électrique ont été fabriqués en Belgique. Le pont a une portée totale de 133 mètres en deux parties qui pivotent de 90° en 4 à 5 minutes. La largeur du tablier est de 7,30 mètres et le tablier est, encore aujourd’hui, fait de planches de bois.

Pendant la Première Guerre mondiale, le pont a été détruit, mais reconstruit après la guerre. En octobre 1939, l’armée soviétique prend possession de la zone et la ville se ferme à l’extérieur, les habitants de Liepaja n’ayant même pas l’autorisation d’y venir ! Après 1945, le port abrita pas moins de 30 sous-marins et 140 navires de guerre ! La ville et le port ne furent remis aux autorités lettones qu’en mai 1994. Déjà endommagé par un vapeur norvégien en 1926, c’est un pétrolier géorgien qui, a l’été 2006, s’écrasa contre le pilier nord !


En 2014 - Derrière moi le pont Oskars Kalpaks

Restauré, le pont de Karosta fonctionne à nouveau depuis le 28 août 2009. Il porte désormais le nom du Colonel Oskars Kalpaks / Oskara Kalpaka tilts (1882 – 1919), considéré comme le premier commandant en chef des Forces Armées lettones en 1919.

Le Colonel Oskars Kalpaks


vendredi 6 décembre 2019

5 décembre 1994 : signature du mémorandum de Budapest

Les signataires de u memorandum de Budapest : Eltsine, Clinton, Koutchma, Major

Ceux qui s’intéressent, ne serait-ce qu’à la marge, au conflit actuel en Ukraine ont entendu parler du Mémorandum de Budapest. Mais de quoi s’agit-il exactement ?


Par les Accords de Belaveja (près de Minsk au Bélarus) du 8 décembre 1991,  les Présidents des trois principales républiques constitutives de l’Union soviétique, la Russie, l’Ukraine et le Bélarus (qui avait déjà changé de nom en septembre), entérinaient la dislocation de l'URSS et créaient la Communauté des Etats Indépendants (CEI)

Le 21 décembre 1991, les dirigeants de 8 autres républiques ex-soviétiques, par la signature du Traité d’Alma-Ata (Kazakhstan), entérinaient la décision prise à Minsk et rejoignaient la CEI. Ils se mirent d'accord pour que le siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, détenu par l’URSS, passe à la Russie. Les trois États baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et la Géorgie boycottèrent la réunion et refusèrent de rejoindre la CEI. 

La disparition de l’URSS devint effective le 26 décembre 1991. Mais, parmi les problèmes de succession de celle-ci, il en était un qui était majeur : le devenir des armes nucléaires.

En 1990, l’URSS disposait de 11 815 ogives nucléaires stratégiques et de 21 700 ogives nucléaires tactiques (à titre de comparaison, les chiffres pour les USA étaient respectivement de 13 372 et 7 657). Or, environ 1 700 à 1 900 de ces ogives étaient stationnées sur le territoire de la RSS d’Ukraine, ce qui faisait de facto de la République d’Ukraine la troisième puissance nucléaire mondiale (NB : il y avait également des armes nucléaires en Biélorussie et au Kazakhstan).

Dès le 16 juillet 1990, le Conseil suprême d’Ukraine, dans sa déclaration de souveraineté politique, avait annoncé que l’Ukraine « n’utilisera pas, ne produira pas et ne stockera pas d’armes nucléaires ». Le 24 octobre 1991, soit 2 mois après la déclaration d’indépendance (24 août 1991), le Parlement ukrainien adopta un statut d’État non-nucléaire. Ce n’est toutefois qu’en novembre 1993 que le Parlement ukrainien autorisa la ratification du Traité Start 1 (accord signé le 31 juillet 1991 entre les USA et l’URSS réduisant le nombre d’ogives nucléaires et de vecteurs). 

La signature du Mémorandum de Budapest, le 5 décembre 1994, formalisa l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et le transfert de son arsenal nucléaire à la Russie. Cette accord fut cosigné par Boris Eltsine (Russie), Bill Clinton (USA), John Major (Grande-Bretagne) et Leonid Koutchma (Ukraine). En contre-partie, les signataires s’engageaient notamment à respecter l’indépendance et les frontières existantes de l’Ukraine.

Le deuxième article de l’accord est ainsi rédigé : « La Fédération de Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis réaffirment leur obligation de s’abstenir de la menace ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance de l’Ukraine, et qu’aucune de leurs armes ne sera jamais utilisée contre l’Ukraine, sauf en cas de légitime défense ou en conformité avec la charte des Nations unies. »

La France, le même jour, mais aussi la Chine, ont pris des engagements similaires vis-à-vis de l’Ukraine. Les 5 membres permanents du Conseil de sécurité ont donc une responsabilité spécifique dans la préservation de l’ordre défini au moment de la chute de l’URSS et de l’élimination des armes nucléaires du sol ukrainien.

"Petits hommes verts" russes envahissant la Crimée en 2014

En envahissant et en occupant militairement la Crimée ukrainienne en février-mars 2014 , puis le Donbass, la Russie a clairement violé le Mémorandum de Budapest. On aurait donc été en droit de s’attendre que, au moins, les deux autres signataires, les USA et la Grande-Bretagne, s’insurgent vigoureusement.

Le texte complet du Mémorandum de Budapest (en Anglais) sur :
Et en Ukrainien :