jeudi 21 octobre 2021

La bataille des Eaux Bleues

 


La bataille des Eaux Bleues s'est déroulée à l'automne 1362 ou 1363 entre les armées du Grand-duché de Lituanie, aux ordres du Grand-duc Algirdas, et celles de la Horde d'Or, en l'occurrence de trois frères beys de Podolie. Cette bataille est relativement peu connue et pourtant elle fut décisive pour les Lituaniens qui achevèrent ainsi la conquête de la Principauté de Kyiv. 

A la mort de son chef Berdi Beg Khan en 1359 (assassiné par son frère Kulna, lui-même assassiné six mois plus tard par un autre frère, Nuruzbeg, lequel mourra peu de temps après dans des conditions mystérieuses, etc …….), la Horde d'Or connut une série de guerres de succession qui durèrent deux décades (1359 – 1381). Profitant de ce désordre interne, le Grand-duc de Lituanie Algirdas, un des sept fils de Gediminas, monta une campagne contre les terres tatares. Bloqué à l'ouest par les Chevaliers Teutoniques qui tenaient les rivages de la Baltique, son intention était d'étendre ses territoires au sud, notamment au détriment de la Principauté de Kiev.

En 1362 ou 1363, Algirdas ses armées entre le Bug et le Dniepr en direction du sud, conquérant principauté sur principauté. Puis, à l'automne, il obliqua vers l'ouest en direction de la Podolie. Les trois beys locaux (Kutlug Bey, Haci Bey et Demetrius) levèrent une armée pour résister à l'invasion.

Le Grand-duc Algirdas

On pense que les deux armées se sont rencontrées à ce qui s'appelle aujourd'hui Torhovytsia, qui s'appelait alors en russe Sinie Vody, les Eaux Bleues. Selon une brève description de la bataille, relatée en 1582, les Tatars engagèrent la bataille en envoyant des flèches sur les flancs des forces lituaniennes et ruthènes. Mais cela eut peu d'effet. En réaction, les Lituaniens, armés de lances et d'épées rompirent rapidement les lignes tatares. De leur côté, les fils de Karijotas, un des frères d'Algirdas, attaquèrent les flancs tatars. Ce fut alors une retraite désorganisée et Algirdas avait remporté une victoire décisive.

 Car, par cette victoire, le Grand-duché de Lituanie s'emparait de Kyiv et de la majeure partie de l'Ukraine actuelle. Il accédait ainsi à la mer Noire et devenait un voisin direct de la Grande Principauté de Moscou qui, elle, allait rester vassale de la Horde d'Or jusqu'en 1480. Algirdas mit son fils Vladimir sur le trône de la Principauté de Kyiv. 

Les historiens slaves, eux, ont eu tendance à minimiser l’importance de la bataille. Les Russes ont choisi de mettre en exergue la victoire de Dimitri Donskoï sur les Tatars à Koulikovo (1380). Quant aux Polonais, ils ne voulaient pas donner des arguments aux Lituaniens dans leur revendication de la Podolie.

Les diverses phases de l'extension du Grand-duché de Lituanie


 

 





jeudi 7 octobre 2021

Il y a quinze ans, Anna Politkovskaïa était assassinée

 


Le samedi 7 octobre à 17H10, c’est une voisine qui découvrit le corps sans vie de la journaliste Anna Politkovskaïa devant l’ascenseur de son immeuble à Moscou. Dans l’ascenseur, les policiers retrouvèrent un pistolet Makarov de 9 mm et quatre douilles. L'émotion avait été très forte en Occident où elle jouissait d'une plus grande notoriété qu'en Russie.

Depuis Juin 1999, Anna Politkovskaïa collaborait au journal en ligne Novaïa Gazeta (Новая газета - Le Nouveau Journal - http://en.novayagazeta.ru/), un des rares médias indépendants qui subsistent encore aujourd’hui en Russie. Elle s'était rendue à de nombreuses reprises dans les zones de combats en Tchétchénie et dans des camps de réfugiés au Daghestan, puis en Ingouchie. En octobre 2002, au péril de sa vie, elle avait accepté de servir de négociatrice lors de la prise d'otages dans un théâtre de Moscou, qui s'est terminée de manière dramatique. Régulièrement menacée, elle avait subit une tentative d'empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait en avion dans le Caucase. 

Après bien des rebondissements, l'enquête sur l'assassinat a été close en juin 2014 par le procès de cinq hommes, dont quatre originaires de Tchétchénie, condamnés à de lourdes peines. Mais aucun commanditaire n'a été retrouvé ni a fortiori inculpé. Il faut dire que l'enquête semble mener en direction de l'élite (sic) tchétchène et qu'apparemment le pouvoir russe la freine ……

Depuis 2000, six journalistes de Novaïa Gazeta ont été assassinés, dont Anastasia Babourova en Février 2009. Au-delà de Novaïa Gazeta, ce sont 21 journalistes qui ont été assassinés depuis 2000, mais aussi des avocats (comme Stanislav Markelov) et des représentants d’ONG (comme Natalia Estemirova, de l’ONG « Memorial »).   Ils avaient pour point commun de dénoncer la corruption et  les atteintes aux droits de l'homme en Russie, et la guerre en Tchétchénie. Aucun de ces meurtres n’est à ce jour élucidé.

L'assassinat de Boris Nemtsov, le 27 février 2015, a présenté bien des similarités avec celui d'Anna Politkovskaïa : des exécutants tchétchènes qu'on trouve très vite et qui avouent très rapidement sous les caméras des médias, des commanditaires par contre introuvables et, coïncidence touchante, l'assassinat d'Anna Politkovskaïa a eu lieu le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine et celui de Boris Nemtsov sous les fenêtres du même Poutine au Kremlin . En 2018, Novaïa Gazeta a reçu un colis inhabituel: une couronne mortuaire avec une tête coupée de bélier, ainsi qu'une note adressée à Denis Korotkov, qui écrit notamment sur les activités de l'opaque groupe de mercenaires Wagner. Ses enquêtes ont mis en lumière les opérations de Wagner à l'étranger et ses liens présumés avec l'homme d'affaire Evguéni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine.

 Malgré les menaces de mort et tentatives d'agression, Anna Politkovskaïa refusa le silence et s'illustra dans son combat en faveur des victimes de guerre en Tchétchénie et dans ses prises de position contre le régime de Vladimir Poutine. Lequel de nos dirigeants relèvera le flambeau ?