vendredi 13 août 2010

Les trois occupations de la Lettonie: la première occupation soviétique (1940 – 1941) – 1ère partie




Nous avons vu dans le post précédent que, lorsque l’Allemagne nazie a déclenché la Seconde Guerre mondiale en attaquant la Pologne, le 1er Septembre 1939, la Lettonie a fait le choix de la neutralité absolue, mais laquelle n’était garantie par aucun autre pays ni même la Société des Nations. De plus, les protocoles secrets du pacte Molotov Ribbentrop du 23 Aout 1939 étaient alors, par définition, inconnus. Le premier article de ce pacte de guerre, de partage et d’anéantissement « attribuait » la Finlande, l’Estonie et la Lettonie à l’U.R.S.S. (la Lituanie ne sera incluse dans la zone d’influence russe que le 28 Septembre 1939). En vertu de ce pacte, l’URSS envahira à son tour la Pologne le 17 Aout 1939.

Prenant pour prétexte l’évasion d’un sous-marin polonais du port de Tallinn, l’URSS concentra des troupes à la frontière estonienne et imposa à l’Estonie, le 28 septembre 1939, un traité d’ « assistance mutuelle » (sic) qui permettait notamment l’installation de bases militaires soviétiques sur le territoire estonien. La Lettonie et la Lituanie se virent imposer des traités semblables, respectivement les 5 et 10 Octobre. Par ce « traité d’assistance mutuelle » du 5 Octobre 1939, la Lettonie dut accepter le stationnement de 25 000 militaires sur son sol (soit plus que l’armée lettone de temps de paix !), dans des bases maritimes, terrestres et aériennes.

Cette fois, le point d’entrée pour l’occupation complète des Etats baltes fut la Lituanie. Moscou créa un conflit artificiel (la Lituanie aurait fait prisonniers plusieurs soldats soviétiques pour leur extorquer des secrets militaires) et, l’aggravant progressivement, lança un ultimatum dans la nuit du 15 Juin 1940, exigeant la formation d’un nouveau gouvernement lituanien et l’entrée des troupes soviétiques sur le territoire lituanien. Le gouvernement lituanien dut accepter l’ultimatum.

En Lettonie, ce même 15 Juin, des unités soviétiques du NKVD attaquèrent des gardes-frontières lettons à Masļenki mais l’URSS présenta l’incident comme une provocation et, le 16 Juin, lança là aussi un ultimatum, exigeant la formation d’un nouveau gouvernement et l’entrée en Lettonie d’un nombre illimité de troupes. Le gouvernement Ulmanis, cédant devant la force, sans même exprimer une protestation diplomatique, accepta l’ultimatum et démissionna.

Le 17 Juin 1940 à 5H du matin, l’Armée rouge pénétrait en Lettonie et 51 ans d’occupation commençaient (cf. photo, prise hier au Musée de la guerre de Riga). Ce faisant, l’URSS violait bon nombre de traités signés par elle-même. Le fait que le gouvernement Ulmanis n’ait pas émis la moindre protestation fut incontestablement une erreur, qui permet aujourd’hui à certains de dire que la Lettonie a rejoint l’URSS de son plein gré. Mais cette erreur ne doit pas masquer le principal : le comportement de la victime au moment du crime ne justifie pas celui de l’assassin.

Le 18 Juin arrive en Lettonie occupée Andrei Vichinsky, ancien procureur lors des purges staliniennes de 1936 – 1938, qui a pour mission de préparer l’étape suivante après l’occupation : l’annexion.

Le 20 Juin est formé un gouvernement de marionnettes (Augusts Kirhenšteins) qui, apparemment, ne montre pas de penchants communistes. Toutefois, sous le contrôle de Moscou, ce « gouvernement » entreprend la liquidation des organisations sociales et politiques (à l’exception de celles acquises au communisme).

L’organisation de l’élection d’un « Parlement du Peuple » est décidée à Moscou le 4 Juillet. Ces élections auront lieu les 14 et 15 Juillet, soit 10 jours après, ce qui transgressait la Constitution lettone (toujours légalement en vigueur) et la Loi sur les Elections. Le Bloc du Parti Ouvrier est créé et est le seul à être reconnu comme étant conforme à la loi. Le Bloc démocratique, qui tentait de conserver quelques miettes d’indépendance est interdit et ses leaders sont emprisonnés. Evidemment, dans ces conditions, surtout si l’on ajoute la pression de l’occupant, le Parti Ouvrier et sa liste unique obtiennent 97,6 % des voix, et même 100 % à Kuldīga.

Lors de la première séance de la « Saeima », le 21 Juillet 1940, sont exprimés les non-dits de la période pré-électorale : la proclamation du pouvoir soviétique en Lettonie et l’entrée dans l’Union soviétique, ce qui, une fois de plus, bafoue la Constitution lettone.

Le 30 Juillet, une délégation de 20 « députés » lettons se rend à Moscou pour demander l’intégration de la République Socialiste Soviétique de Lettonie au sein de l’URSS « dans l’union fraternelle des autres Républiques ». Le 5 Aout 1940, la requête de la Saeima du peuple est favorablement accueillie par le Soviet Suprême de l’URSS et la Lettonie fut intégrée dans l’Union soviétique. Elle n’était plus seulement occupée, mais désormais également annexée.

Sources : * « Le sort des Etats baltes » d’Edouard Turauskas, 1954 (qui traite principalement de la Lituanie)

* « Histoire de la Lettonie au 20ème siècle », 2006

* « The three occupations of Latvia », Occupation Museum Foundation, 2005

(à suivre, 2ème partie : le régime d’occupation)

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