Le 26 Janvier 1921, le Président de la Conférence interalliée, Aristide Briand, Président du Conseil français et en même temps Ministre des Affaires Etrangères, adressait à M. Olģerts Grosvalds, représentant diplomatique letton en France depuis Juillet 1919, président de la Délégation lettone à la conférence de Paris la lettre suivante :
Monsieur le Président,
Le Conseil suprême des Puissances alliées, prenant en considération les demandes présentées à diverses reprises par votre Gouvernement, a décidé, dans sa séance d'aujourd'hui, de reconnaître la Lettonie comme Etat de jure.
Les Puissances tiennent à marquer par là la sympathie qu'elles éprouvent pour le peuple letton et à rendre hommage aux efforts qu'il a accomplis, afin d'organiser dans l'ordre et la paix sa vie nationale.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, les assurances de ma haute considération.A.Briand
C’est un changement d’attitude car, depuis la fin de la guerre en Novembre 1918, la reconnaissance des nouveaux Etats issus de l’ancien Empire russe ne fait pas partie des priorités de la France, plus préoccupée par contrer l’expansion du bolchevisme en soutenant les Russes blancs.
D’après M. Grosvalds, la séance se serait passée ainsi :
« A la séance du Conseil suprême, "…Aristide Briand avait invité ses collègues à se prononcer sur la question de la reconnaissance des Etats baltes et de la Géorgie, en exprimant lui-même une opinion favorable. Le ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni, Lord Curzon, qu'on ne pouvait pas regarder comme un ami des petites nations, s'opposa vivement et proposa de remettre la question. Alors le délégué de l'Italie, le comte Sforza, prit la parole et déclara que le gouvernement italien était décidé à accorder la reconnaissance et qu'il agirait seul, même si les autres délégués s'y opposaient. "L'Italia farä da Sé!" En ce moment critique, Lloyd George, président du conseil de Grande-Bretagne, prononça des paroles conciliantes, en contradiction avec son propre ministre des Affaires étrangères, et exprima l'opinion qu'il était inutile d'attendre et que l'on pouvait accorder la reconnaissance tout de suite. Ainsi l'unanimité fut obtenue…" Etaient présents les représentants de la Belgique et du Japon. L'Italie avait déjà soutenu les Etats baltes lors de la session de la Société des Nations ».
Afin de marquer le rôle de la France dans le processus de reconnaissance de la Lettonie il y a 90 ans, une conférence-débat a eu lieu hier, 25 Janvier, au Ministère letton des Affaires Etrangères, sur le thème « La reconnaissance de jure de la Lettonie. Regards croisés ».
Les regards croisés étaient ceux de :
# Pour la France, Julien Gueslin, Agrégé et Docteur en histoire, Prix Duroselle 2005 pour sa thèse soutenue en décembre 2004 sur « La France et les « petits Etats » baltes : réalités baltes, perceptions françaises et ordre européen (1920-1932) »
# Pour la Lettonie, Ēriks Jēkabsons, Docteur en histoire, Professeur associe de la Faculté d’Histoire et de Philosophie de l’Université de Lettonie.
Le débat était modéré par S.E. M. Rolands Lappuķe, actuel Ambassadeur de Lettonie en Espagne et ancien Ambassadeur de Lettonie en France. (Sur la photo ci-dessous, on reconnaît de gauche à droite Julien Gueslin, S.E. Rolands Lappuķe et Ēriks Jēkabsons). L’événement a été ouvert par le Ministre letton des Affaires Etrangères, M. Ģirts Valdis Kristovskis et par S.E. Mme Chantal Poiret, Ambassadeur de France en Lettonie.