lundi 25 avril 2011

Mes villes de l’Europe médiane (2) : Sarajevo

Je suis allé à Sarajevo à deux périodes différentes, à 30 ans d’intervalle :

# Dans les années 70, je n’ai fait que passer, a priori 3 fois, sur le chemin du retour de vacances plutôt balnéaires sur la côte Adriatique; l’ensemble constituait à l’époque la République Fédérale de Yougoslavie.

# Puis j’y ai résidé d’Octobre 2003 à Juin 2005, en tant que membre de la Mission de l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) en Bosnie-Herzégovine. Entre temps (1992), Sarajevo était devenue la capitale de la jeune République de Bosnie-Herzégovine (Republika Bosna i Hercegovina).
Armoiries de Sarajevo
Mais, entre les deux, étaient passés les jeux Olympiques d’hiver 1984 et surtout le siège (5 Avril 1992 – 29 Février 1996) de cette ville majoritairement bosniaque par les paramilitaires serbes, siège pendant lequel 11 000 personnes environ ont été tuées et 50 000 blessées.

Ce siège a laissé des traces. Quotidiennement, des fenêtres de mon bureau, situé au 17e étage d’une des tours UNIS, j’avais sous les yeux la carcasse du bâtiment du gouvernement (ci-dessous). Et autour de la villa où j’occupais un appartement dans le quartier de Kovačići (au-dessus du pont de Vrbanja), 50 % des maisons étaient détruites.

Les Slaves s’installèrent en Bosnie au VIIe siècle, mais Sarajevo fut officiellement créée en 1461, après que les Ottomans aient conquis la forteresse de Vrhbosna en 1429. De nombreux chrétiens catholiques se convertirent à l'islam, mais la ville accueillit également pour la première fois une importante communauté orthodoxe qui y édifia une église. En outre, au début du XVIe siècle, des Juifs séfarades fuyant l’Andalousie s’y installèrent. Sarajevo était alors une ville réellement multiculturelle. Le 28 Juin 1914, Sarajevo eut (déjà !) son « heure de gloire » lorsqu’un étudiant serbe, Gavrilo Princip, y assassina l’archiduc autrichien François-Ferdinand et son épouse, déclenchant ainsi la Première Guerre mondiale.

Sarajevo présente les influences architecturales de ses trois périodes historiques : le vieux centre ottoman, Baščaršija, construit pour l’essentiel au début du XVIe siècle mais bien rénové, avec notamment, outre de nombreuses mosquées, la place de Sebilj (ci-dessous), avec sa fontaine et ses pigeons ; le centre ville austro-hongrois, abritant notamment les bâtiments administratifs (Sarajevo, environ 420 000 habitants, est à la fois la capitale de la Bosnie-Herzégovine, de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et du canton de Sarajevo, et est – en plus – divisée en 4 municipalités !) ; et les quartiers périphériques yougoslaves, semblables à leurs cousins soviétiques, portant souvent, en outre, des traces de combats.

Place et fontaine de Sebilj


La bibliothèque nationale, détruite pendant le siège

En moyenne, Sarajevo se trouve à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais est entourée de sommets culminant à plus de 2 000 mètres (monts Treskavica et Bjelašnica). Ce n’est pas pour rien qu’on y a organisé les Jeux Olympiques d’hiver en 1984. Ça a un inconvénient : il y a souvent de la neige en ville (comme sur l’ensemble des Alpes Dinariques) et, compte-tenu de la désorganisation des services, il est parfois arrivé que ma rue ne soit pas déneigée pendant une semaine ! En outre, l’aéroport a été construit dans le seul endroit de la Bosnie où on était sûr qu’il y ait du brouillard ! Je ne compte plus le nombre de fois où mes vols matinaux ont été annulés.

Car Sarajevo n’a rien de bien attrayant pour un séjour de bureaucrate de longue durée. Heureusement, je m’échappais une fois par mois pour aller visiter les postes dans un des quatre secteurs OSCE de Bosnie-Herzégovine, allant au devant des besoins logistiques de leurs membres. Et un niveau de vie supérieur à la moyenne permettait de s’échapper régulièrement, soit en voiture vers la côte adriatique, soit vers Budapest (j’en reparlerai dans un autre post).

A noter, sur le plan culinaire, deux anecdotes qui montrent que, si elle n’est pas visible pour un œil non exercé, la partition existe bel et bien dans les esprits. Il m’est arrivé plus d’une fois dans Sarajevo, de tomber dans des cafés ne servant pas de bière (et plus généralement pas d’alcool). Par contre, dès que vous vous trouvez dans la partie Republika Srpska, le plat du jour dans les restaurants est immanquablement à base de porc……. N’en déplaise au politiquement correct, mon impression après 20 mois d’immersion a été que la Bosnie-Herzégovine n’est pas un Etat.

Une anecdote pour terminer. La ville de Trebinje (à la pointe sud-ouest de la Bosnie, en arrière de Dubrovnik, ville de Croatie dont je reparlerai ultérieurement) s'appelle ainsi depuis que Napoléon 1er aurait déclaré après un bref passage, qu'elle est "très bien". A la vérité, je ne suis pas persuadé à 100 % que Napoléon soit allé jusque là. Ceci dit, j’ai le souvenir que Trebinje était une petite ville bien sympathique……





6 commentaires:

  1. Merci, Gilles, un très bon article. En tout cas ça ne donne pas d'y aller.
    Je suis d'accord avec pour dire que ce ni un Etat ni une nation, ce n'est rien de plus qu'un conflit gelé. D'ailleurs aux dernières nouvelles (=élections de l'année dernière) les trois communautés se détestent toujours autant. Ce qui a bien sur pour effet d'exclure toute possibilité d'intégration dans l'UE.
    Enfin pour terminer : votre carte à la fin n'est pas à jour :p

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  2. Vous voulez dire que le Monténégro est indépendant depuis un certain temps ? Certes, mais comme ce n'est pas "ma" carte, je plaise responsable mais non coupable .....

    J'ai voulu faire synthétique, ce qui n'est pas toujours évident. Mais il est vrai que, au-delà des exemples que j'ai donnés, j'ai eu personnellement le sentiment à l'époque (2003 - 2005) que les diverses ethnies de la BiH n'avaient pas du tout envie de vivre ensemble. L'OSCE en était à essayer de mettre les écoliers des diverses communautés sous le meme toit (je n'ai pas dit dans la meme classe). Je crois qu'elle n'y est pas encore arrivée.....

    La guerre (et son lot d'exactions largement partagées)est sans doute encore trop récente dans les esprits, il faudra revoir ça d'ici une centaine d'années. N'oubliez pas de m'en reparler !

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  3. Lire "je plaide responsable mais non coupable ....."

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  4. Vous en reparler dans une centaine d'années? Vous avez drôlement confiance en la médecine moderne!^^

    Responsable mais non coupable? Juridiquement ca sonne très bizarrement. Mais pas plus que les récentes innovations en la matière. Donc si le législateur peut faire n'importe quoi à fortiori on vous pardonnera^^

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  5. Responsable mais pas coupable est une formule célèbre en France, lancée par une Ministre socialiste de l'époque (1999), Georgina Dufoix, à propos de l'affaire du sang contaminé. Il etait argumenté qu' "Elle n’était en droit ni responsable (elle n’a commis, en tant que chef de service, aucune faute détachable du service, le seul responsable était alors l’État), ni coupable (elle n’a commis aucun acte illégal)."

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  6. Une affaire pathétique s'il en est. En la matière être responsable devrait suffire pour être condamné. Mais la pirouette verbale est digne d'une politicienne de premier plan.

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