mardi 24 mai 2011

Aujourd’hui, où va le Bélarus ?


Le Bélarus (ou Biélorussie, comme souvent on l’appelle improprement en France) a disparu de vos médias. Ca ne veut pas dire qu’il ne s’y passe plus rien. Au contraire. Aujourd’hui, non seulement le Bélarus semble être plus que jamais une des dernières dictatures en Europe, mais sa dégringolade économique risque d’en faire bientôt un concurrent du Zimbabwe. Tout ça à 30 kilomètres de Vilnius.

Avant les élections présidentielles du 19 Décembre 2010, d’aucun avait pu croire que le Bélarus d’Aliaksandr Lukashenka semblait vouloir se rapprocher de l’Union Européenne. A contrario, il semblait que les relations entre la Russie et le Bélarus étaient au plus bas, si l’on en croit le documentaire « крестный батька Лукашенко » (Le parrain de la nation) sur la chaine russe NTV. Le président russe Dmitri Medvedev avait dénoncé les discours "hystériques" et "antirusses" de Lukashenka qui, pour sa part, avait accusé Moscou de financer ses opposants à l'approche de la présidentielle.

Qu’en est-il donc aujourd’hui ?

Sur le plan de la politique intérieure, on peut dire que Lukashenka a les choses bien en main. 7 des 9 candidats de l’opposition ont été arrêtés au cours des manifestations du 19 Décembre soir dénonçant un scrutin falsifié. L’opposant principal de Lukashenka aux présidentielles, Andrey Sannikaw (ci-dessous), (2,5 % des voix contre 79 % à Luka ……) vient d’être condamné à 5 ans d’emprisonnement pour « organisation de troubles massifs à l'ordre public ». Quatre autres candidats ont été inculpés pour les mêmes faits. Vingt-deux opposants sont encore en détention provisoire et cinq ont fui à l'étranger, notamment l'un des ex-candidats à la présidentielle, Ales Mikhalevitch, qui a obtenu l'asile politique en République tchèque. Quatre militants de l'opposition ont déjà été condamnés en février et mars à des peines de trois à quatre ans de camp pour "troubles à l'ordre public".

Andrey Sannikaw, prisonnier politique 

L’UE et les Etats-Unis ont réagi à cette répression. Hier 23 Mai, 13 noms sont venus s’ajouter à la liste des 170 responsables bélarusse, y compris Alyaksandr Lukashenka, qui ont leurs avoirs gelés et qui sont interdit d’entrée sur le territoire de l’UE. Je ne suis pas sûr que ça les impressionne beaucoup.

Mais c’est surtout sur le plan économique que le Bélarus est au bord du gouffre. C’était prévisible et c’est même la raison pour laquelle l’élection présidentielle avait été avancée en Décembre plutôt qu’en Février.

Tout d’abord, la Russie / Gazprom, qui vendait son gaz au prix de 169,22 $ les 1 000 m3 au 1er trimestre 2010, a porté ce prix de vente à 223,15 $ un an plus tard !

En outre, le salaire moyen est passé de 330 à 500 US$ juste avant l’élection, mesure purement électoraliste, ce qui a eu pour effet de vider les caisses de l’Etat. Les Bélarusses en ont profité pour faire des provisions de devises étrangères en prévision des jours difficiles. La banque centrale bélarusse a procédé à plusieurs dévaluations partielles du rouble avant une dévaluation plus drastique pendant cette nuit 23/ 24 Mai : 54,42 %, ce qui porte à 71,62 % la dépréciation du rouble depuis le 1er Janvier 2011. Les prix augmentent pratiquement chaque jour (+ 20 % pour le litre d’essence entre hier et aujourd’hui), et, avec une balance commerciale négative de près de 10 milliards$ par année et une dette extérieure dépassant les 50% du PIB du pays au 1er janvier, l'horizon est peu prometteur.

Or le FMI n’est pas actuellement un prêteur potentiel, tant que le Bélarus ne se lancera pas dans des réformes libérales (son économie est encore contrôlée à 80 % par l’Etat). La Russie a donc sauté sur l’occasion !

Vladimir Poutine était à Minsk le 19 Mai (cf. ci-dessous) et a « offert » un prêt de 3 milliards de $ (qui serait en fait fourni par l’EurAsEC, la Communauté Economique Eurasiatique), assorti de conditions drastiques, à savoir la vente à la Russie d’entreprises bélarusses stratégiques. A commencer par le réseau d’oléoducs, actuellement détenu par Beltransgaz, qui serait vendu à Gazprom, ce qui rapporterait 2,5 milliards de $ au Bélarus, et ce qui donnerait à la Russie le contrôle complet du réseau transportant le gaz de Russie vers l’Union Européenne. Mais deux raffineries de pétrole, le principal opérateur téléphonique et le principal producteur de potasse seraient également sur la liste des courses, pour un total de 7,5 à 9 milliards de $……
Deux prédateurs: Aliaksandr Lukashenka et Vladimir Poutine
On soulignera en marge que, d’une façon non conformiste, tout comme l’avait été la réception de Lukashenka à Vilnius juste avant les élections de Décembre 2010 (ci-dessous), le Président lituanien Dalia Grybauskaitė s’oppose « catégoriquement » à ce que des sanctions économiques soient imposées au Bélarus, argumentant qu’elles pénaliseraient plus les citoyens bélarusses que les dirigeants et indiquant que la Lituanie était intéressé par la stabilité de son voisin.

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