dimanche 3 juillet 2011

3 Juillet : un Jour de l’indépendance ubuesque et orwelien au Bélarus

Le 3 Juillet, le Bélarus fête son « jour de l’indépendance ».

Il ne s’agit pas de la proclamation de l’indépendance de la République Populaire Biélorusse, qui a eu lieu le 25 Mars 1918 et qui n’a pas été reconnue par la Russie soviétique, laquelle envahira le pays et créera, le 2 Janvier 1919, la République socialiste soviétique de Biélorussie.

Il ne s’agit pas non plus du 27 Juillet 1990, quand le soviet suprême déclara la souveraineté nationale. Le 25 Aout 1991, la République socialiste soviétique de Biélorussie devient officiellement la République de Biélorussie, dont le Président élu fut alors Stanislaw Chouchkievitch.

On notera que ces deux journées ne sont même pas considérées comme des fêtes.

Car, le 3 Juillet, il s’agit du jour de la « libération » de Minsk de l’occupation allemande, par deux divisions blindées soviétiques, le 3 Juillet 1944. Pendant la deuxième guerre mondiale, un quart de la population bélarusse va mourir, soit 1 million 400 000 personnes. 1 million de personnes seront en outre déplacées. Minsk est détruite à 100%. Il a même été question de ne pas la reconstruire. 9200 villages sont rayés de la carte… 616 autres sont brûlés avec leurs habitants, que ce soit à cause de la répression nazie ou des représailles soviétiques.

Traditionnellement, les avenues de Minsk accueillent une parade militaire (ci-dessus, les répétitions) et un défilé d’athlètes et d’organisations de jeunesse. Mais ce défilé risque, cette année, de se passer dans une ambiance très particulière.

En effet, depuis la soirée du 19 Décembre 2010, au terme d’élections présidentielles qu’aucun observateur international n’a voulu avaliser comme légitimes et régulières, le gouvernement d’Alyaksandr Ryhoravich Lukashenka (ci-dessous) est devenu de plus en plus autoritaire, en même temps que l’économie s’écroulait. Le sourire et les applaudissements sont désormais les seules armes qui restent aux Biélorusses pour contester le gouvernement.

Les manifestants se donnent généralement rendez-vous devant le palais de la République, place Ocktiabravskaïa. Ils prennent bien soin de se tenir à quelques mètres les uns des autres pour éviter d’être accusés de manifester. Ils se contentent d’applaudir et de sourire (cf. ci-dessous). Les plus courageux regardent ostensiblement les policiers et rient. Ainsi, ce dimanche, en guise de répression, quiconque se hasardera à applaudir le discours du leader, les troupes à la parade, ou, pire encore, les agents des services secrets (qui ici portent toujours le sigle KGB), sera arrêté. "Les applaudissements seront autorisés seulement au passage des vétérans et des anciens combattants. Dans tous les autres cas, nous interviendrons", annonce le chef adjoint de la police. Ubuesque, mais surtout orwellien !


Mais si Lukashenka arrive à juguler son opposition, les problèmes économiques risqueraient de le jeter à bas. Les prix augmentent à la vitesse grand V, et le rouble bélarusse a déjà perdu près de 50 % de sa valeur. L'Euro est à présent échangé contre 7 200 roubles, voire plus de 8 500 au marché noir, contre 4 000 en Décembre. Le Bélarusse cherche de 10 à 12 milliards d’Euros, afin d’éviter que les grandes entreprises nationales ne ferment. Dans le cas contraire, la rue risquerait de ne plus être maitrisable. La Russie veut bien aider, mais à ses conditions, comme d’habitude léonines.

Il serait peut-être donc judicieux de s’intéresser un peu moins à ce qui se passe en Lybie ou en Syrie, et un peu plus à l’évolution du Bélarus dont la nation, qui a vécu en parfaite harmonie pendant plus de 550 ans au sein du Grand-duché de Lituanie, est indubitablement européenne.

(NB : la redondance étant un procédé pédagogique éprouvé, je rappellerai que la Biélorussie a informé l’ONU dès le 19 Septembre 1991 que son nom officiel en Français serait désormais Bélarus. Vingt ans après, il serait temps que certains médias en soient informé……)

A Minsk, un manifestant agite le drapeau traditionnel bélarusse devant une gigantesque statue de Lénine






1 commentaire:

  1. Une manifestation dite des applaudissements réprimée par la police en civil le 3 Juillet soir.

    Voir photos et vidéos : http://www.charter97.org/be/news/2011/7/3/40168/

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