samedi 24 septembre 2011

Tarass Boulba, Nicolas Gogol et les Cosaques zaporogues


Lorsque j’étais en Lituanie, je me plaisais souvent à rappeler mes interlocuteurs que nombre de « Polonais célèbres » étaient en fait Lituaniens (au sens Grand-duché de Lituanie). C’était ainsi le cas d’Adam Mickiewicz et de Juliusz Słowacki, deux des plus grands poètes « polonais », ou de Tadeusz Kościuszko. Le même problème se rencontre avec ces Ukrainiens que l’on croit russes.

Prenez le personnage de Tarass Boulba. Outre que les gens de ma génération ne le connaissent guère que sous les traits de Yul Brynner (le film est sorti en 1962), il fallait être à l’époque (celle de l’U.R.S.S.) vigilant pour comprendre que les Cosaques dont il était question dans le film étaient zaporogues, c'est-à-dire ukrainiens. Ce qui était logique puisque l’auteur du roman, Nicolas Gogol (en Ukrainien Mykola Vassyliovytch Hohol) était lui-même ukrainien !  
Nicolas Gogol

Nicolas Gogol est en effet né le 1er Avril 1809 (calendrier grégorien) dans l’oblast de Poltava, au cœur de l’Ukraine, au sein d’une famille de petite noblesse campagnarde. Son père, décédé alors que Nicolas avait 16 ans, lui donna le goût pour l’écriture. Sa mère lui donna, elle, une éducation religieuse traditionnelle qui évoluera vers un mysticisme maladif. D’abord modeste employé dans un ministère à Saint-Pétersbourg, la première publication du jeune Nicolas date de 1829, un poème médiocre. 

En 1831, il quitte l’administration pour devenir professeur à l’Institut patriotique pour filles d’officiers nobles. Encouragé par Pouchkine, il publiera à nouveau, dont Les Soirées du hameau près de Didanka, un recueil de nouvelles inspirées de la vie des paysans ukrainiens. Une première version de Tarass Boulba sortira en 1835, la seconde en 1843. Sa pièce Le Revizor lui apportera la notoriété, mais sera également source de scandale. Il quittera alors la Russie et connaîtra un exil volontaire de 12 ans en Europe de l’Ouest (Allemagne, Suisse, Paris, Rome).

A partir de 1843, Gogol devient de plus en plus mystique, visitant les Lieux Saints en 1848, et s’oriente vers un conservatisme politique extrême. Rentré en Russie, il se partage entre Moscou et Odessa. Mais déprimé, hypocondriaque, il se laissera mourir, refusant nourriture et soins. Il décède le 4 Mars 1852 à Moscou.
Tarass Boulba est l’histoire d’un Cosaque zaporogue et de ses deux fils, qui vont d’Ukraine en Pologne, pays contre lequel les Cosaques sont en guerre, ce qui correspond à une réalité historique.

La cosaquerie des Zaporogues (Zaporizka Sich) est une organisation politique, sociale et militaire de Cosaques, qui s’est établie entre Bug et Dniepr au XVe siècle, sous l’autorité formelle du Grand-duc de Lituanie. Ces Cosaques zaporogues (En ukrainien : Kozak = Козак) étaient surtout des paysans corvéables, fuyant leurs obligations envers leurs seigneurs, mais aussi des citadins pauvres, des aventuriers de toutes sortes, parfois issus de la noblesse, et des criminels de droit commun. Le terme cosaque renvoie plus à une fonction, à une catégorie d’individus plutôt qu’à une ethnie ou à un peuple.  Organisés en démocratie directe, ils élisent leur chef, l’otaman.

Alors que les Lituaniens avaient encouragé le développement des groupes de Cosaques, le gouvernement polonais, sous l’autorité duquel les Zaporogues sont passés après l’Union de Lublin (1er Juillet 1569), essaye de les enregistrer, mais c’est un échec. Pire, ceux-ci se révoltent car les cosaques zaporogues non enregistrés étaient censés devenir serfs sur les terres des nobles polonais. En 1648, c’est même toute l’Ukraine qui se révolte au nom des libertés cosaques sous le commandement de l’otaman Bohdan Khmelnytsky (1595 - 1657), lequel deviendra après sa mort une véritable légende, symbole de la résistance cosaque et héros ukrainien, père de la nation. 
Bohdan Khmelnytsky 
Pour l’anecdote, quand j’étais à Kyiv avec un ami letton russophone, j’ai cherché vainement un restaurant dénommé Kozak Mamay (Козак Мамай), du nom d’un héros légendaire folklorique, devenu personnification de l’Ukraine et des Ukrainiens. Bien que nous en avions l’adresse et qu’on avait même la réception au bout du téléphone, on n’a jamais trouvé !! Si quelqu’un sait où il est ……
Пам'ятник козаку Мамаю на Майдані незалежності

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