dimanche 19 février 2012

Référendum en Lettonie: bien sûr, c’est “non” !


Ce samedi 18 Février, les Lettons avaient à se prononcer par référendum sur la question suivante : « Approuvez-vous l’adoption du projet de loi « Amendement à la Constitution de la République de Lettonie » qui donne à la langue russe le statut de deuxième langue officielle ». (Pour les puristes, étaient concernés les articles 4, 18, 21, 101 et 104 de la Constitution).

Ce référendum avait été rendu nécessaire par une initiative populaire ayant récolté 187 378 signatures, ce qui avait entraîné une proposition de loi, rejetée par la Saeima le 22 Décembre 2011 (60 voix contre, aucune pour !). La question posée par référendum devait obtenir 771 893 voix pour (50 % de l’électorat) afin que l’amendement soit adopté.

Selon les chiffres officiels de la Commission Centrale Electorale à 05H23 (heure française), portant sur 1026 bureaux de vote (sur 1035), l’amendement n’a recueilli que 273 323 voix pour (24,91 %), 820 219 électeurs (74,76 %) votant contre (3 523 bulletins nuls, soit 0,33 %). http://www.tn2012.cvk.lv/report-results.html. On soulignera que les Lettons de souche représentent 62,1 % de la population lettone (recensement de 2011), et qu’ils ont donc rassemblé au-delà de leur communauté. 
  
Il y a eu 1 092 789 votants (70,72 % du corps électoral), ce qui est un chiffre élevé de participation. Elle a été la plus élevée dans la région de Riga (77,11 %) et la plus faible dans la région – russophone – de Latgale (60,03 %). La palme du civisme revient au « comté » de Saulkrasti avec 97,35 % de votants.
Ce résultat était attendu, les sondeurs donnant une fourchette de 250 à 300 000 voix pour. Il est en deçà des espérances de l’initiateur, Vladimirs Lindermans, qui espérait 300 000 voix. En tout état de cause bien loin des 771 893 nécessaires.
   
Alors, pourquoi avoir dépensé 1,7 millions de Lats (2,4 millions d’euros) pour un résultat couru d’avance ? Tout simplement parce que c’est la loi. Ce sont deux groupuscules d’extrême gauche non représentés au Parlement qui sont à l’origine de l’initiative populaire : la section de Riga du Parti National Bolchevique et le Parti Osipov de Liepaja. Comme ils avaient récolté le nombre de signatures nécessaires, et que la proposition de loi avait été rejetée par le Parlement, le référendum devait se tenir.
   
Le Centre de l’Harmonie (Saskaņas Centrs – SC) qui, rappelons-le, a un accord de coopération avec « Russie Unie » de Poutine, ne s’était raccroché à l’initiative que par la suite, vexé de ne pas avoir pu participer au gouvernement alors qu’il avait terminé en tête des législatives du 17 Septembre 2011. Mais il avait également a priori peur de se faire déborder par sa gauche par l’extrême gauche à l’origine de l’initiative. Les 24,91 % de votes récoltés pour l’initiative sont en deçà des 28,43 % de voix obtenues aux législatives par le SC, et même des 26,9 % de Lettons qui déclarent le Russe comme leur langue maternelle, sans parler des 7 % supplémentaires de Belarusses et d’Ukrainiens. Les leaders du SC (relayés par RIA-Novosti) comptaient sur une faible participation, de l’ordre de celle enregistrée au référendum pour la dissolution de la Saeima en 2011 (44,7 %). C’est donc pour eux un échec. 

Car ce résultat est manifestement une victoire des Lettons de souche, grâce à leur mobilisation. Il est d’ailleurs symptomatique que la participation la plus basse ait été enregistrée en Latgale, région très majoritairement russophone. Les Lettons ont réussi à montrer qu’ils défendaient leur identité nationale, ce qui, en Lettonie, n’est pas un gros mot. 
    
Au royaume des Bisounours, on argumentera que ça ne résout pas le problème, même si c’est un faux problème (j’ai pu personnellement constater, tout au moins à Riga mais pas seulement, qu’on pouvait parler Russe partout, y compris dans les administrations). Ça a au moins le mérite de remettre démocratiquement les choses en place. Le Letton restera donc la seule langue officielle de Lettonie.  


  

2 commentaires:

  1. je reçois à l'instant un mél d'une amie russophone qui n'a pas souhaité prendre la nationalité lettonne et est donc apatride et sans droit de vote ; elle me précise qu'environ 300 000 personnes sont dans le même cas et que, donc, le résultat des élections ne reflète pas parfaitement l'opinion des populations habitant la Lettonie

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  2. Il y avait en Lettonie, en 2011, 325 845 non-citoyens (nepilsoni), qu'il ne faut pas confondre avec les apatrides (bezvalstnieks). Car les non-citoyens ont un passeport letton, sur lequel il est bien precise que le titulaire du passeport est sous la protection de la Republique de Lettonie (Un apatride, lui, n'est reconnu comme ressortissant par aucun Etat). Les non-citoyens n'ont toutefois pas les memes droits que les citoyens lettons.

    65,8 % de ces non-citoyens sont de nationalite russe, 13,5 % de nationalite belarusse, 9,8 % de nationalite ukrainienne. Ils representent 14,61 % de la population residente en Lettonie.

    En 1935, les Lettons de souche representaient 77 % de la population de Lettonie. En 1989, ils n'etaient plus que 52 %, une immigration principalement russe etant soit arrivee a la suite de l'armee et de l'administration sovietique, soit venue pour servir de main d'oeuvre a une industrialisation intensive imposee par les sovietiques, soit simplement attiree par un des niveaux de vie les plus eleves d'URSS.

    Au retour a l'independance (car n'oublions pas que la Lettonie, comme les autres Etats baltes a ete occupee militairement pendant 50 ans), la citoyennete lettone n'a ete qu'aux residents (ou leurs descendants) qui etaient deja citoyens avant le debut de l'occupation.

    Les non-citoyens ont la possibilite d'acquerir la citoyennete lettone. Face a cette possibilite, il y a trois raisons pour lesquelles on reste non citoyen:

    # les personnes agees, qui ont ou auraient des difficultes a passer l'examen
    # ceux qui ne voient pas l'interet de le passer (car, notamment a Riga et en Latgale, on vit tres bien en ne parlant que le Russe et sans occuper une des professions non ouvertes au non-citoyens)
    # ceux qui refusent de "s'humilier" a passer l'examen. C'est apparemment le choix de votre amie russophone.

    Mais cette possibilite existe et le nombre des non-citoyens est passe de 670 478 en 1996 a 325 845 en 2011.

    En tout etat de cause, ce n'etait pas l'objet du referendum d'hier.

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