jeudi 6 septembre 2012

Lettonie : encore un référendum pour rien ?



On se souvient que, le 18 Février dernier, avait été organisé en Lettonie un référendum d’initiative populaire sur l’opportunité de donner au Russe le statut de deuxième langue officielle. La réponse avait été sans appel : ce fut « non » à 74,8 % des votants, avec une participation élevée : 70,72 %. Le « oui » n’avait recueilli que 273 347 voix, alors qu’il en aurait fallu 772 502 (50 % des inscrits) pour que l’amendement soit adopté. http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2012/02/referendum-en-lettonie-bien-sur-cest.html. L’organisation du référendum avait coûté 1,7 millions de Lats (2,4 millions d’euros) au budget de l’Etat pour un résultat couru d’avance.

Le processus de modification de la loi ou de la Constitution, suite à une initiative populaire, a déjà été utilisé à plusieurs reprises en Lettonie. Les initiateurs doivent d’abord récolter plus de 10 000 signatures, lesquelles sont comptabilisées et vérifiées par la Commission Electorale Centrale (Centrālā Vēlēšanu Komisija : CVK).  

Si cette première récolte de signatures est validée, il est procédé à une seconde collecte, mais cette fois elle est organisée par la Commission Electorale Centrale et elle doit recueillir 10 % des voix des inscrits sur les listes électorales, soit au-delà de 150 000 signatures.

Si ce deuxième obstacle est passé, le projet de loi est alors soumis à la Saeima (le Parlement). Si le projet de loi est repoussé, ce qui avait été le cas avec le « Russe, seconde langue officielle », il est alors procédé à un référendum. Le projet de loi doit obtenir 50 % des voix des inscrits pour être adopté. 
(Cf. également : http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2011/12/lettonie-vers-un-nouveau-referendum-2.html)

Cette fois, le but du processus serait de modifier la loi sur la citoyenneté, afin de donner automatiquement la citoyenneté lettone aux non-citoyens. Rappelons qu’il y a en Lettonie environ 319 000 personnes qui n’ont pas pu obtenir la citoyenneté lettone lors du retour à l’indépendance du pays, principalement immigrés de la période soviétique. Ces personnes ont bénéficié d’un statut particulier de non-citoyens (nepilsoņi), créé en 1995, statut différent de celui d’apatride (bezvalstnieks), contrairement à ce que voudrait faire croire la presse russe. Les non-citoyens ont la plupart des droits sociaux, mais n’ont pas le droit de vote et ne peuvent pas accéder à un certain nombre de professions, notamment dans le domaine judiciaire et dans la fonction publique.


Ce sont a priori 12 779 signatures qui auraient été déposées ce mardi par les auteurs de l’initiative, le mouvement « Pour les droits égaux », représenté par Andrejs Tolmacevs,  à la Commission Electorale Centrale. Celle-ci doit donc désormais les vérifier et, le cas échéant, lancer la deuxième étape du processus.

Outre que le principe réclamé d’automaticité peut se révéler anticonstitutionnel et contraire aux lois européennes (on ne peut pas forcer quelqu’un à prendre la citoyenneté lettone contre son gré), le Président letton, Andris Bērziņš, s’est prononcé contre cette modification, argumentant que ce serait une discrimination vis-à-vis des anciens non-citoyens qui avaient passé les examens pour obtenir la citoyenneté. Même Nils Ušakovs, Maire de Riga et Président du parti majoritairement russophone Saskaņas Centrs (Centre d’Harmonie), s’est prononcé contre la tenue du référendum. Il fait preuve de pragmatisme car un éventuel référendum n’a pratiquement aucune chance de réussite. Mais surtout, à l’approche des élections locales (en principe, le 2e dimanche de Mars 2013), il a besoin pour être réélu de ne pas apparaître comme « l’agent de Moscou ».   

Nils Ušakovs, Maire de Riga



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