Jeudi noir en Ukraine

L’Union Européenne, et notamment la Lituanie qui présidait alors le Conseil de l’UE, espérait que l’Ukraine allait signer un Accord d’Association commercial, qui était en préparation depuis 3 ans, à l’occasion du troisième sommet du partenariat oriental, les 28 et 29 Novembre 2013 à Vilnius.

Or, huit jours avant, le 21 Novembre 2013, l’Ukraine a choisi de tourner le dos à l’Europe. La Rada (Parlement), ou plutôt le « Parti des Régions » du Président Ianoukovytch qui y est majoritaire, a rejeté les six propositions de loi qui auraient permis à l’ancien Premier Ministre Ioulia Tymochenko d’aller se faire soigner en Allemagne. Cette libération était la condition sine qua none pour que l’Union Européenne signe avec l’Ukraine l’Accord d’Association. 

Cette volte face a mis des centaines de milliers de personnes dans la rue, d’abord pour réclamer une Ukraine européenne, mais aussi pour fustiger la corruption du régime actuel et son retour vers la Russie. On aurait pu penser à un remake de la révolution orange de 2004 mais, cette fois, la police a été – disons – plus virile !

Maïdan Nézalejnosti

La contestation commençait à s’essouffler, elle était toujours certes présente mais circonscrite à Kyiv sur Maïdan Nézalejnosti (Place de l’Indépendance – en Ukrainien Майдан Незалежності), la place principale du centre de Kyiv, et sur l’avenue commerçante Kreschatik qui la longe. Le coup dur porté à la démocratie par Viktor Ianoukovytch le jeudi 16 Janvier dernier pourrait lui donner un nouvel élan.

En effet, ce 16 Janvier, le Parti des Régions et le Parti communiste qui détiennent la majorité au Parlement ukrainien (Verkhovna Rada) ont « voté » une loi qui durcit les peines contre les manifestations massives, ainsi que les blocages et occupations de bâtiments d’Etat. Seront ainsi, par exemple, interdits :

   #  Les cortèges de plus de 5 voitures (quid des mariages ?) ; sanction : permis et voiture retirés pendant 2 ans !

   # Le port du casque lors de rassemblements pacifiques (même pour faire du ski ?) ; sanction : 10 jours de prison.

   # L’installation de tentes sans permission de la police (dur dur pour le camping sauvage) ; sanction : 15 jours de prison.

   # La « calomnie » (sans qu’il en soit donné de définition précise) : 2 ans de prison !  

   # La propagation de « matériaux extrémistes » (tout aussi mal défini) : 2 ans de prison.

  # Les Parlementaires qui participeraient à des manifestations non autorisées verront leur immunité parlementaire levée, une menace clairement dirigée contre les leaders de l’opposition Arseniy Yatsenyuk et Vitali Klitschko.

Cerise sur le gâteau, une mesure qui est un copier-coller de ce qu’a édicté Poutine en Russie en Juillet 2012 : les ONG et associations qui reçoivent des fonds de l’étranger doivent désormais se déclarer comme « agents de l’étranger » et seront fiscalement imposées en conséquence.

A noter que le « vote » à la Rada a été effectué à main levée, dans le plus total chaos, le Président annonçant des résultats manifestement fantaisistes. Des vidéos de la séance auraient ainsi montré que, au lieu d’un vote théoriquement obtenu avec 239 voix sur 445, seules 119 mains étaient levées ! En outre, à peine « votée », la loi a été signée par le Président du Parlement, puis le Président de la République, avec une célérité à faire pâlir de jalousie le Conseil d’Etat français !

Le "vote" ......

Cette nouvelle loi, adoptée « à la hussarde » a clairement pour but de punir les manifestants pacifiques d’EuroMaïdan qui depuis plusieurs semaines réclament un avenir démocratique pour une Ukraine européenne. Reste à savoir comment la loi va être appliquée et comment le mouvement d’opposition va réagir.

L’avenir de l’Ukraine risque de se jouer dans les prochains jours entre répression et imagination.

(Merci en particulier à Annick et Viktor pour leur aide au suivi de la situation, et plus généralement aux Ukrainiens et Franco-ukrainiens de France)