lundi 27 juillet 2015

Villages Potemkine


La récente visite controversée de dix parlementaires français en Crimée occupée, organisé par l’occupant russe, a remis au goût du jour le terme de « villages Potemkine ». Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le 28 juin 1762, Catherine II devient Impératrice de Russie après que son mari, le Tsar Pierre III (monté sur le trône le 5 janvier 1762), eut été assassiné, probablement par l’amant (un des amants) de Catherine, Alexeï Orlov.

Catherine II de Russie

Le 25 juillet 1772, elle conclut le traité de Saint-Pétersbourg avec la Prusse de Frédéric II et l’Autriche de Marie-Thérèse, traité par lequel les trois prédateurs démembrent le Royaume de Pologne/ Grand-duché de Lituanie sur le trône duquel Catherine avait placé en 1764 un autre de ses amants, Stanisław Antoni Poniatowski (Stanislas II). Au premier partage de 1772, succéderont ceux de 1793 et 1795.

Par ailleurs, la guerre russo-ottomane de 1768 à 1774 aboutit le 21 juillet 1774 au traité de Küçük Kaynarca par lequel, entre autres, l’indépendance est accordée au Khanat de Crimée, lequel ne tarde pas toutefois à passer de facto sous le contrôle russe, le sultan ottoman ne conservant qu’une ascendance religieuse sur les populations musulmanes, en majorité tatares. Cette occupation du Khanat de Crimée par la Russie donnera lieu à une nouvelle guerre déclenchée en 1787 par l’Empire Ottoman, à l’issue de laquelle les Ottomans seront de nouveau défaits. Ils signeront le traité de Jassy le 9 janvier 1792. Par ce traité, l’Empire Ottoman reconnaissait l’annexion de la Crimée et de la province turque du Yédisan par la Russie, ainsi que la fondation par Potemkine de la ville et de la base navale de Sébastopol en 1784. Une partie des Tatars de Crimée fut expulsée vers l’Empire ottoman et remplacée par des Russes et des Ukrainiens.

Grigori, prince Potemkine

En janvier 1787, Catherine avait visité la Crimée avec une imposante suite dans laquelle, entre autres, le Prince de Ligne et le comte de Ségur (Ambassadeur de France)  ont relaté ce voyage. L’objectif de Grigori Potemkine (un autre amant et favori de Catherine II depuis 1774), qui avait conquis ces territoires aux dépens du Sultan, était rien moins que de montrer à l’Europe cette grande steppe sous-peuplée du sud de l’Ukraine à peine conquise se peuplant tout à coup et se civilisant comme par enchantement pour acclamer ses vainqueurs.

Quelques années plus tard (1797), le diplomate saxon Adolf Helbig, lancera la légende selon laquelle Potemkine aurait implanté des villages factices en carton-pâte le long du parcours de l’Impératrice, voulant ainsi la flatter et la rassurer sur l’état de sa paysannerie. Il s’agirait en fait d’un mythe colporté pour nuire à Potemkine. Potemkine n’a jamais nié qu’il ait « arrangé » les villages mais, a priori, il n’en a pas fait construire. Lesdits « Village Potemkine » ne seraient que le fruit de la médisance, bien qu’il soit évident qu’il avait été prémédité que ne soit présenté à l’Impératrice que les plus belles facettes de ses contrées.
En tout état de cause, depuis lors, l’expression « village Potemkine » désigne –même si c’est historiquement à tort – des opérations de propagande visant à tromper les dirigeants et l’opinion publique.

Maison Potemkine à Suzdal, en prévision de la visite de Vladimir Poutine (novembre 2013) 

On pense immanquablement au voyage d’Edouard Herriot qui, du 26 au 31 août 1933 (en plein Holodomor donc), parcourt l'Ukraine en découvrant une fausse URSS où il rencontre, à Kiev comme à la campagne, des agents du NKVD déguisés en ouvriers et paysans. Sur le passage de "l'idiot utile", tout est transformé en village Potemkine. 



On pourra également lire avec profit un rappel sur les « idiots utiles » :
http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2014/11/opinion-les-idiots-utiles.html



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