vendredi 21 août 2015

21 août 1991 : fin du « putsch » de Moscou



Le 19 Août 1991 au matin, les soviétiques, qui avaient appris à lire entre les lignes, se doutèrent qu’il se passait quelque chose car la télévision passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet, ce 19 Août à 6H du matin, un « Comité d’Etat pour l’état d’urgence » s’était approprié le pouvoir au Kremlin. Parmi les comploteurs, il y a du beau monde. A commencer par Guennadi Ianaïev, le vice-président, Vladimir Krioutchkov, le responsable du KGB, Boris Pougo, le ministre (letton) des Affaires étrangères et Dmitri Iazov, le ministre de la Défense.

Les putschistes du "Comité d’Etat pour l’état d’urgence"

C'est la publication, le 15 août, du projet de traité de l'Union qui a officiellement précipité l'instauration de cet état d'urgence, car il devait être signé le 20 août. Alors que six des quinze républiques soviétiques (les trois républiques baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient à l'écart d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur aspiration à l'indépendance, les neuf autres, qui avaient accepté de participer à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS, trouvaient les dispositions floues, ambiguës, voire contradictoires.

Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et Président de l’Union soviétique,  est depuis le 4 août en vacances en Crimée dans sa somptueuse datcha de Foros. Le 18 août, une délégation des conjurés arrive là-bas, le relevant de ses fonctions et le séquestrant.  Ils justifient le « départ » du Président par une incapacité d'exercer ses fonctions pour des raisons de santé, argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev en 1964…….  Ils proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à Moscou.

Mais, dès le 21 août 1991, tout était terminé, l'armée – y compris le KGB - ayant fraternisé avec la foule. Boris Eltsine, le plus farouche opposant de Gorbatchev, monté sur un char, avait même appelé à défendre le pouvoir légitime de celui-ci. Mikhaïl Gorbatchev put donc regagner Moscou et les putschistes furent arrêtés.

Retour de Gorbatchev le 22 août

Au passage, on notera que le Président français, François Mitterrand, commettra une grave erreur politique en déclarant vouloir attendre les intentions des « nouveaux dirigeants» soviétiques, reconnaissant de facto le « gouvernement » issu du coup d'Etat. Après ne pas avoir vu venir la réunification de l’Allemagne et s’être opposé à l’indépendance des Baltes, ce manque de vision commençait à faire désordre et préfigurait une longue incompréhension de ce qui se passe à l’est de la Porte de Bagnolet……

Les incohérences du putsch

Ceci dit, ce fut sans doute un des coups d’Etat les plus mal préparés de l’histoire. En effet, la vraie surprise viendra du degré d’impréparation des putschistes qui n’arrivent pas à empêcher les manifestations. Pire encore, une grande partie des troupes envoyées à Moscou se rangent du côté des insurgés ou font défection. Parmi les incongruités, on relèvera :



# S’il est destitué comme Président, Gorbatchev conserve le Secrétariat général du parti communiste. A ce titre, il contrôle toujours l’armée et le KGB.
# Le « Comité pour l’état d’urgence » censure la télévision, mais laisse diffuser des images de Boris Eltsine fraternisant avec les tankistes.
# De même, le Comité laisse diffuser des appels de Chevardnadze et de Iakovlev, tous deux artisans de la perestroïka, appelant à constituer des comités de soutien à Gorbatchev.
# Plus généralement, Eltsine bénéficie d’une totale liberté de déplacement et d’expression, se forgeant ainsi une carrure de héros démocrate.
# Le Comité reste d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant pas utiliser la force (la Division Taman fera même allégeance à Boris Eltsine), et n’ayant pas non plus recours à la structure du pouvoir : le parti communiste.

Boris Eltsine sur "son" char


A qui profite le "crime" ?

Ce putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a donné lieu à toutes les hypothèses.

La plus couramment admise est celle du premier degré, un putsch des conservateurs qui échoue du fait notamment de l’opposition de la population qui ne veut pas revenir en arrière sur les acquis de la perestroïka.  

Une autre version affirme que Boris Eltsine, Président démocratiquement élu de la Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé faire en vue de le récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est indubitablement lui qui a été le bénéficiaire de ce putsch.

D’autres encore pensent que c’est Gorbatchev qui a tout monté, dans une partie de billard à plusieurs bandes visant à discréditer les « durs ». Auquel cas, il s’est planté puisqu’il a été supplanté par Eltsine, et que l’U.R.S.S. a bel et bien implosé le 21 Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour au cours du putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que d’augmenter leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui suivirent.

Gorbatchev et Eltsine

Alors, ce putsch n’a-t-il été qu’une vaste comédie ?
   
(NB : les putschistes ont été arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1994. Ils ont eu une fin de vie paisible, à l’exception de Boris Pougo qui s’est suicidé …… ou qui a été suicidé).



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