mardi 24 mai 2016

24 mai 1736 : pose de la première pierre du château de Rundāle


Le château de Rundāle est un des lieux touristiques les plus remarquables, voire le plus remarquable, de Lettonie. Il y a 280 ans était posée la première pierre du château actuel. Retour sur son histoire.

Depuis le XVIe siècle existait en ce lieu, appelé à l’allemande Ruhenthal (Vallée du calme), un château livonien qui appartint à la famille Grotthus de 1505 à 1681. Le 26 juin 1735, Ernst Johann von Biron acheta la propriété pour 42 000 thalers (depuis Charles Quint, 1 thaler = 25g d’argent).

Ernst Johann von Biron

En 1735, Ernst Johann von Biron (1690 – 1772) a succédé depuis « un certain temps » à Pierre Bestoujev dans le lit d’Anna Ivanovna, nièce du Tsar Pierre le Grand, veuve du duc de Courlande Frédéric Guillaume Kettler (1692 – 1711) et autoproclamée régente du Duché. Mais, à la mort du Tsar Pierre II, Anna Ivanovna est choisie comme Impératrice et est couronnée le 28 avril 1730.

De ce fait, Biron devient tout puissant à Saint-Pétersbourg. Avec Anne 1ère, ils inaugurent en Russie un régime de terreur qui sera appelé la bironovchtchina, le gâchis à la Biron ! En 1737, à la mort de Ferdinand Kettler, qui était devenu Duc de Courlande au départ d’Anna Ivanovna pour Saint-Pétersbourg, Biron se fait élire Duc.

Francesco Bartolomeo Rastrelli

Mais revenons à Rundāle. En août 1735, Biron fait venir Francesco Bartolomeo Rastrelli, architecte de la Cour de Russie. Celui-ci remet sa copie en janvier 1736, un projet de 8 pages. L’ancien château fut complètement détruit, les pierres, les briques et même le mortier étant utilisés pour la construction du nouveau. La première pierre fut posée le 24 mai 1736. En octobre 1737, avant la pause hivernale, le gros œuvre et les couvertures étaient terminés. Les travaux ralentirent en 1738, la construction du château de Jelgava, la capitale du Duché de Courlande, commençant le 14 juin.

Mais Anna-Ivanovna meurt le 28 octobre 1740. N’ayant pas d’enfant, elle avait désigné pour lui succéder Ivan (Ivan VI), petit-fils de sa sœur, né le 23 août 1740 ! Elle avait également désigné Ernst Johann von Biron pour assurer la régence. Mais celui-ci est écarté du pouvoir en novembre 1740 et est envoyé en Sibérie. Les travaux de Rundāle sont arrêtés et certains matériaux sont même envoyés à Saint-Pétersbourg.

Ce n’est qu’en 1762 que Biron est gracié. Il rentre en Courlande en janvier 1763 dont il redeviendra le Duc grâce à Catherine II. En août 1764, Rastrelli revient comme administrateur des bâtiments du Duc. Biron commencera à venir à Rundāle qui, rappelons-le, n’est que sa maison de campagne, en avril 1767.

Rundāle, un château vraîment à la campagne ......

Le Duc Ernst Johann mourut en 1772. Son fils, le Duc Pierre von Biron, en faveur de qui il avait abdiqué en 1769, vint peu à Rundāle. En tout état de cause, il est contraint et forcé de renoncer au Duché le 28 mars 1795, dans la foulée du troisième partage de la Pologne – Lituanie. Le Duché de Courlande et Sémigalle a cessé d’exister.

Catherine II donne Rundāle en cadeau au comte Valerian Zubov, puis au très jeune frère de celui-ci, Platon Zubov qui était « accessoirement » son amant. A la mort de Catherine II (17 novembre 1796), Platon Zubov fut écarté et se retira à Rundāle où il mourut le 7 avril 1822. Sa veuve se remaria avec un Comte Andreï Chouvalov et le château resta dans la famille Chouvalov jusqu’à la réforme agraire lettone de 1920.

Rundāle en 1972 et en 2014




samedi 21 mai 2016

Romain Gary : naissance et jeunesse à Vilnius

Romain Gary jeune

C’est le 21 mai 1914 (du calendrier grégorien) qu’est né à Vilnius Roman Kacew. Roman, puis Romain Kacew, ne deviendra Romain Gary qu’en 1943. Mais aussi Emile Ajar, Shatan Bogat, Fosco Sinibaldi ……  Car, durant sa vie d’adulte, Romain Gary jouera constamment avec plusieurs versions de ses origines. Essayons d’y voir clair.

Roman Kacew est issu de deux lignées de Juifs ashkénazes. Son père, Arieh-Leib Kacew est un fourreur né à Vilnius en 1883, par ailleurs administrateur d’une synagogue. Sa mère, Mina Owczyńska est née à Švenčionys en 1879. Ses parents se sont mariés à Vilnius le 28 août 1912. En 1914, Arieh-Leib et mina Kacew sont de nationalité russe, avant de devenir polonais en 1920, quand la Pologne occupera la région de Vilnius.

Passeport de Mina Kacew délivré en 1925, avec Roman, 11 ans

Le père est mobilisé pendant la guerre dans l’armée russe, Mina et Roman quittent Vilnius pour s’installer quelques mois à Švenčionys. La mesure d’expulsion des Juifs de la zone de front les oblige à partir en Russie intérieure, mais les informations sur cette période sont contradictoires. Finalement ils reviennent à Vilnius en septembre 1921, sans doute suite à la paix de Riga (18 mars 1921) signée entre la Pologne et les bolcheviques. Ils vont résider pendant plusieurs années au 16 de la rue Wielka Pohulanka, aujourd’hui rue Basanavičius, appartement n° 4.

Plaque bilingue lituanien-français sur le 16 Basanavičius

Romain Gary racontera cette jeunesse à Vilnius (qu’il appelle Wilno, à la polonaise) dans la première partie de La promesse de l’aube (1960). Le récit se veut autobiographique, mais certains passages relèvent plus de la fiction que du vécu. Mais le plus important est qu’il rend hommage à sa mère qui croit en un destin extraordinaire pour son fils : « Tu seras un héros, tu seras général ….. Ambassadeur de France ».  
  
C’est d’ailleurs une scène de La promesse de l’aube qu’illustre la statue de Romas Kvintas dédiée à Gary, en face du 16 Basanavičius où il a habité. La statue, inaugurée en 2007, représente le jeune Roman, âgé de 9 ans, s’apprêtant à manger une chaussure pour séduire sa petite voisine, Valentina ……  



Romain Gary et sa mère émigreront en France, à Nice, en 1928 et il sera naturalisé français en 1935. Par la suite, il sera un héros de la France libre, Compagnon de la Libération, Commandeur de la Légion d’Honneur, Consul de France à Los Angeles, deux fois Prix Goncourt sous deux identités différentes. L’écrivain se donnera la mort à Paris, le 2 décembre 1980.

Le Capitaine Romain Gary (2e en partant de la droite) recevant la Croix de la Libération en août 1945 à Nancy




mercredi 18 mai 2016

18 mai 1944 : déportation des Tatars de Crimée


Le 18 mai 1944, les troupes du NKVD (Народный комиссариат внутренних дел = Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), la police secrète soviétique, ont commencé à déporter les Tatars de Crimée de leur patrie.

Drapeau des Tatars de Crimée

Selon les données officielles, 183 155 personnes ont été déportées. Comme à l’habitude, les autorités soviétiques ont laissé peu de temps pour que les gens puissent rassembler leurs biens. Des milliers ont été parqués dans des wagons comme du bétail. Beaucoup de personnes âgées qui ne pouvaient pas marcher ou se tenir debout ont été abattues sur place. La majorité des Tatars de Crimée ont été envoyés en Ouzbékistan, de petits groupes ont été déportés au Kazakhstan, au Tadjikistan et en Russie. On estime que 46% des Tatars de Crimée sont mort lors de la déportation, soit de faim pendant le voyage ou dans les premiers mois d'exil.

Le dictateur soviétique Joseph Staline déporta les Tatars après les avoir accusés de collaboration avec les nazis. Les autorités soviétiques décidèrent de cette punition collective en argumentant qu'un certain nombre de Tatars de Crimée avaient fait défection de l'armée rouge et avaient lutté contre les partisans soviétiques. Toutefois, des documents officiels ont montré que la plupart des Tatars de Crimée, qui avaient collaboré avec les forces nazies, avaient été évacués vers l'Allemagne plusieurs semaines avant le début de la déportation.

Tatars attendant d'être déportés

La déportation a même concerné des Tatars anciens combattants. Au total, plus de 250 officiers ont été expulsés de leur patrie; beaucoup d'entre eux avaient récompensés par les autorités soviétiques pour leur courage ! Amet-Khan Sultan, un pilote Tatar qui avait la distinction suprême de héros de l'Union soviétique n'a pas été expulsé, mais a été interdit de séjour en Crimée.

En juin 1944, les Arméniens, les Grecs et les Bulgares ont été à leur tour déportés de Crimée. Jusqu'en 1948, plus de 80% des colonies de Crimée, qui avaient l'origine tatare, ont été renommés.

Un grand nombre de ces déportés sont morts de faim et de maladie au cours de l'hiver 1944-1945. Après la mort de Staline, ils n’ont pas été amnistiés par Beria en 1953. Et jusqu'en 1956, ils avaient un statut de colons spéciaux, sans avoir le droit de quitter leur maison, étant sous contrainte pénale.

Contrairement à d'autres peuples déportés, qui sont retournés dans leur pays natal à la fin des années 50, les Tatars de Crimée n’ont officiellement reçu un tel droit qu'en 1974. C’est seulement en 1989, soit quelque 36 ans après la mort de Staline, que les autorités soviétiques reconnurent la déportation des Tatars de Crimée.

En 2013, un an avant l'annexion de la Russie de la péninsule de la mer Noire, plus de 260.000 Tatars de Crimée vivaient dans la péninsule. Près de 150 000 vivent en Ouzbékistan, un demi-million en Turquie, et des dizaines de milliers en Bulgarie et en Roumanie.

Moustafa Djemilev, chef du Mouvement National des Tatars de Crimée,
interdit de séjour dans son propre pays !

Depuis l’occupation et l’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014, au mépris des lois internationales, les Tatars de Crimée sont régulièrement soumis à des fouilles arbitraires, des livres sont saisis et les autorités d’occupation ont fermé un certain nombre de médias Tatars en Crimée.  Le 26 avril 2016, le Mejlis, organe représentatif légal des Tatars était classé comme « organisation extrémiste » par la Russie.


Dans ce contexte, la victoire sous le drapeau ukrainien de la chanteuse Tatare de Crimée Djamala au Grand Prix Eurovision de la chanson, samedi dernier, quatre jours avant cet anniversaire, a pris un relief particulier. Elle a rappelé que, contrairement à la doxa en vogue au Kremlin, la Crimée est avant tout une terre peuplée depuis toujours de Tatars et non pas de Russe, le Khanat de Crimée et sa capitale Bakhtchissaraï ayant été établis en 1441.




mardi 17 mai 2016

Exposition Antanas Liutkus à Kaunas

Antanas Litkus

Comme beaucoup de familles lituaniennes, la famille Liutkus a eu un destin hors du commun. Les circonstances feront qu’Antanas Liutkus (1906 – 1970), diplomate à Paris, deviendra un peintre reconnu dont les œuvres, inspirées de la couleur méditerranéenne, reviennent pour la première fois en Lituanie, en l’occurrence à Kaunas.



Résidant à Leckava, en Samogitie lituanienne, intégrée dans l’empire russe, la famille Liutkus est déportée à Saratov (800 km au sud-est de Moscou) dès le début de la Première Guerre mondiale. De retour en Lituanie, elle se réinstalle près de Mažeikiai et l’aîné, Antanas, termine ses études secondaires au lycée de la ville avant de suivre, à partir de 1927, des études de droit à l’Université Vytautas le Grand de Kaunas. 

En 1933, Antanas Liutkus est intégré au Ministère des Affaires Etrangères et, le 29 décembre 1936, 5 jours après son mariage, il est nommé deuxième secrétaire à l’Ambassade de Lituanie à Paris.

En juin 1940, suite au pacte germano-soviétique, l’URSS occupe les trois Etats baltes et obtient de l’Etat français, en violation du droit international (déjà !), les bâtiments des ambassades de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie. En février 1941, les diplomates baltes sont assignés à résidence dans les Alpes-Maritimes et c’est ainsi qu’Antanas et Janina Liutkus, avec le petit Perkunas né le 19 septembre 1939, s’installe à Villefranche-sur-Mer.

"Le port de Villefranche sur Mer, huile sur toile

Fin juillet 1944, l’armée rouge chasse les Allemands mais, en août 1945, la Lituanie est formellement annexée par l’URSS, annexion qui durera jusqu’à la proclamation du retour à l’indépendance le 11 mars 1990. Antanas Liutkus et ses collègues diplomates comprennent donc que le retour dans leur patrie n’est plus possible. Pour atténuer cette profonde blessure, il se replonge donc dans le dessin et la peinture qu’il avait étudiés durant son adolescence.



Mais il n’en reste pas moins dévoué à la cause nationale lituanienne. De 1949 à 1952, il travaille à Tübingen, gérant les camps de réfugiés lituaniens dans la zone d’occupation française en Allemagne. En 1958, il se réinstalle à Paris et reprend sa mission officieuse de secrétaire de l’Ambassade de Lituanie à Paris, la France n’ayant pas reconnu l’annexion des Etats baltes. Avec le diplomate et historien d’art Jurgis Baltrušaitis, il représente la Lituanie auprès des administrations et des milieux politiques français.

Le 9 février 1970, une crise cardiaque l’emporte brusquement à Paris, sans qu’Antanas Liutkus n’ait jamais revu la Lituanie.

Perkunas Liutkus, pendant l'inauguration de l'exposition à Kaunas


C’est son fils aîné, mon ami Perkunas Liutkus qui, 80 ans après que son père ait quitté sa Patrie, a pris l’initiative et qui a eu la volonté de monter à Kaunas cette rétrospective des peintures de son père intitulée « Retour de la Côte d’Azur à Kaunas » / Grįžimas iš Žydrosios pakrantės (au Musée Maironis, du 7 mai au 11 juin 2016).     


mardi 10 mai 2016

15 mai 1944 : le convoi 73 quitte Drancy

Cérémonie à Kaunas en mai 2010. Avec notamment M. l'Ambassadeur François Laumonier

Entre mars 1942 et août 1944, 79 convois de déportation ont quitté la France, généralement Drancy, pour les camps. Ils étaient composés de personnes présumées de religion, d’appartenance ou d’ascendance juive. Un seul, le convoi 73 s’est dirigé vers les Etats baltes. A ce jour, on ignore toujours la raison pour laquelle ce train  a été dirigé vers cette destination "non conventionnelle" et on l’ignorera, sauf surprise, sans doute toujours. 

Ce convoi 73, constitué de 15 wagons à bestiaux, a quitté Drancy le 15 Mai 1944. Il avait pour caractéristique de ne comporter que des hommes dans la force de l’âge, entre 12 et 66 ans, en tout 878 dont 38 adolescents. Au départ, il leur avait été dit qu’ils allaient travailler pour l’organisation Todt, groupe de génie civil et militaire allemand chargé de la réalisation de constructions, civiles comme militaires, en Allemagne et dans les pays occupés. En fait, le convoi s’est d’abord dirigé vers la Lituanie qu’il atteint après trois jours d’un voyage éprouvant, le 18 mai 1944.

Le Fort IX à Kaunas, avec, dans le fond, le monument soviétique, qui ne fait étata que de déportés soviétiques, sans évoquer qu'ils étaient juifs

Dix des quinze wagons sont restés à Kaunas, et ce sont environ 600 hommes qui ont été dirigés vers le IXe Fort puis, peu de temps après, vers le camp de travail de Pravieniškės, à une vingtaine de kilomètres de Kaunas. Ils furent soumis au travail forcé avant d’être exécutés par groupes dans la forêt. Les cinq autres wagons ont continué jusqu’à Reval, aujourd’hui Tallinn, et les déportés ont d’abord été internés à la prison de Patarei, puis utilisés à réparer les pistes du terrain d’aviation de Lasnamaë. Ils furent là aussi assassinés dans leur grande majorité. 

Après la guerre, les Allemands n’ont pas donné d’explication formelle quant à cette destination exceptionnelle. Une « erreur d’aiguillage » étant peu vraisemblable, une des théories serait que les Allemands aient fait venir des « brûleurs de cadavres » ne parlant pas la langue locale, de façon à ce qu’aucun témoignage ne puisse filtrer sur les exactions qui se déroulaient au fort.

Inscription au Fort IX : "Nous sommes 900 Français"


(Sur la ceinture de forts autour de Kaunas et en particulier le Fort IX, voir également http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/04/la-ceinture-de-forts-autour-de-kaunas.html)

Seuls 22 des 878 hommes du Convoi 73 ont survécu après la guerre, et ont pu rentrer en France en Mai 1945. Parmi les victimes, on compte le père et le frère de Madame Simone Veil, elle-même déportée à l’âge de 16 ans à Auschwitz-Birkenau. Le pire est que les familles ignorent où leur parent a été exécuté. Il reste aujourd’hui un survivant, M. Henri Zajdenwergier qui avait 16 ans en 1944.

S.E. M. l’Ambassadeur de France en Estonie, Frédéric Billet, remettant le 16 mai 2013 au Sénat, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à M. Henri Zajdenwergier


Une cérémonie commémorative, en mémoire de ceux du Convoi 73, aura lieu ce dimanche 15 mai, à 10H00 devant le Mémorial des Déportés, Cité de la Muette, 109 avenue Jean Jaurès à Drancy (93700), puis à 11H30 à la Gare de la Déportation, avenue Henri Barbusse à Bobigny (93000). 

L’Association des Familles et Amis des Déportés du Convoi 73 organise tous les deux ans un voyage de mémoire en Lituanie et en Estonie. Le prochain a lieu durant ce mois de mai 2016. Par deux fois, lorsque je résidais en Lituanie, j’avais participé aux cérémonies de Kaunas. Bien que n’étant présent qu’en tant que modeste historien, je ne pouvais faire autrement, au milieu des familles, que d’être concerné par ce sentiment de tristesse, décuplé par le fait de ne pas savoir où étaient mort et a fortiori où étaient enterrés ces hommes qui n’avaient comme seul « tort » que d’être Juifs.

Pour en savoir plus, le site des Familles et Amis des Déportés du Convoi 73 http://www.convoi73.fr/   

J'ai été très honoré de recevoir cette médaille, gravée à mon nom.









dimanche 8 mai 2016

8 mai 1945 : leçon d’Histoire


Dans l’inconscient populaire français, le 8 mai 1945 marque la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est judicieux d’ajouter « en Europe » dans la mesure où le Japon n’a capitulé que le 15 août 1945. Et, dans le détail, il s’avère qu’il y a eu plusieurs capitulations allemandes.

La première capitulation eut lieu à Reims, au collège technique et moderne,  le 7 mai 1945 à 02H41 du matin. La délégation allemande était dirigée par le Generaloberst Alfred Jodl. Le Général (US) Walter Bedell Smith, chef d’état-major du Général Eisenhower, signe pour les Alliés occidentaux, ainsi que le Général Ivan Sousloparov, chef de la mission militaire soviétique auprès de l’EM allié. Le Général français François Sevez, chef d’état-major du Général de Gaulle, est convoqué in extremis et signe comme témoin !  

L'école de Reims où a été signée la capitulation

Le texte de la reddition sans condition allemande donne ordre à toutes les unités allemandes de « cesser de prendre part aux opérations actives à 23 heures 01 heure d'Europe centrale le 8 mai et de rester sur les positions qu'elles occuperont à ce moment ».

Mais Staline, que Sousloparov n’avait pas pu contacter immédiatement, est furieux de s’être fait voler la vedette. Pour des raisons de propagande, il exige que la cérémonie de Reims ne soit considérée que comme un préliminaire et que la capitulation allemande ait lieu à l’est et ne soit acceptée qu’en présence du Maréchal Joukov à Berlin.

Une seconde capitulation est donc signée dans une villa de la banlieue de Berlin, le 8 mai 1945 à 23H16 » et prenait toujours effet à …… 23H01 heure d’Europe centrale. Le Generalfeldmarschall Wilhelm Keitel signa pour l’Allemagne, le Général d’aviation britannique Arthur WilliamTedder pour la force expéditionnaire alliée, le Maréchal Gueorgui Joukov pour les soviétiques et le Général Jean de Lattre de Tassigny, commandant la 1ère Armée française pour la France.

Le Général de Lattre de Tassigny signant à Berlin pour la France

Avec le décalage horaire, la capitulation prenait effet le 8 mai à 23H01 à Berlin, ce qui correspondait au 9 mai à 01H01, heure de Moscou. C’est la raison pour laquelle les Russes célèbrent la deuxième capitulation de l’Allemagne le 9 mai.
Demain, 9 mai 2016, la Russie célébrera en grande pompe et à grand renfort de portraits de Staline, « la victoire du peuple soviétique sur l’Allemagne nazie ». Un œil averti remarquera que les Russes font commencer la Deuxième Guerre mondiale en 1941, exactement au 22 juin 1941. Car auparavant, et ce depuis le pacte Molotov-Ribbentrop du 23 août 1939, la Russie soviétique et l’Allemagne nazie étaient alliées ……

Le pacte Molotov - Ribbentrop

Ce pacte permit d’un côté au Troisième Reich de rapatrie des Divisions, notamment blindées, vers l’ouest, sans avoir à craindre une attaque soviétique à l’est et donc d’envahir « tranquillement » la France en mai 1940. De l’autre, l’URSS peut s’agrandir sans quasiment combattre de 388 000 km2 aux dépens de la Pologne, des Etats baltes et de la Roumanie. On n’oubliera pas – ce qui n’est manifestement pas enseigné dans les écoles russes – qu’après l’attaque allemande contre la Pologne le 1er septembre 1939, qui marque le début de la Deuxième Guerre mondiale, l’URSS participa à la curée dès le 17 septembre 1939 en attaquant la Pologne par l’est. Le prétexte à l’intervention soviétique ? Des discriminations dont auraient été victimes les populations ukrainiennes et biélorusses de Pologne ! Ca ne vous rappelle rien de récent comme prétexte ?......

Officiers soviétiques et nazis, alliés

L'année dernière, la Lituanie a été le seul Etat de l'UE à ne pas avoir assisté à la parade militaire du 9 mai. Et qui n'assistera pas non plus à celle de cette année, pas plus que les représentants de Pologne, de la République Tchèque et de Slovaquie.

Car le 9 mai, pour les Baltes, c'est le début de 45 ans d'occupation. Mais aussi, à une époque où le Kremlin, non seulement fait toujours commencer la deuxième guerre mondiale en 1941, non seulement ne reconnaît pas que les Etats baltes aient été occupés, mais aussi glorifie l'assassin de masse Joseph Staline, et surtout menace militairement ses voisins, ça me semble un geste approprié.



jeudi 5 mai 2016

Napoléon et la Lituanie


Le 5 mai 1821, l’Empereur Napoléon 1er mourait à l’âge de 51 ans, sur l’île de Sainte-Hélène, prisonnier des Anglais de sir Hudson Lowe. C’est un prétexte pour revenir brièvement sur les passages de Napoléon dans ce qui était, quelques années auparavant, le Grand duché de Lituanie.

Napoléon 1er est venu dans la région dès 1807 à l’occasion de la signature des traités de Tilsit. Après l’écrasante défaite des troupes russes du Général Bennigsen le 14 juin 1807 à Friedland (aujourd’hui Pravdinsk), les Français attinrent le Niémen le 19 juin 1807. Ce sont les généraux russes qui supplient le Tsar de solliciter un armistice.

Le 25 juin 1807, entre 13H et 14H30, le Tsar de toutes les Russies et l’Empereur des Français vont se rencontrer au milieu du Niémen sur un radeau de luxe construit par le Général comte Lariboisière. Alexandre 1er aurait dit à Napoléon « Je hais autant les Anglais que vous », ce à quoi l’Empereur aurait répondu « En ce cas, la paix est faite » !  


Le premier traité de Tilsit est signé en secret le 7 juillet 1807 entre les deux empereurs. Il associe la Russie au blocus continental, mais lui laisse les mains libres pour s’emparer de la Finlande et démembrer l’Empire ottoman. Le second traité, celui-ci public, est signé le 9 juillet 1807 avec la Prusse et consacre le démembrement de celle-ci. Il est notamment créé le Duché de Varsovie à partir de terres polonaises et lituaniennes (Užnemunė). Les traités de Tilsit ressemblent à un partage de l’Europe. Mais l’accord est mal accueilli à Saint-Pétersbourg, car on subodore que l’application du blocus continental va ruiner l’économie russe. 

Napoléon 1er reviendra en 1812. Accusant le Tsar Alexandre 1er de ne pas respecter l’accord de Tilsit, il décide d’attaquer la Russie. Il faut dire qu’au début 1812, Napoléon est au faîte de sa gloire, gouvernant directement un tiers de l’Europe, de Hambourg à Barcelone, d’Amsterdam à Dubrovnik.

La Grande Armée commence à franchir le Niémen dans la nuit du 23 au 24 juin 1812. Le 24 Juin, Napoléon s’installe dans Kaunas au couvent de la Sainte-Croix, qu’il quittera le 27 juin à 4 heures du matin par celle qui est encore aujourd’hui la Prancūzų gatvė, la rue des Français, passe la nuit dans un château 4 km à l’ouest de Vievis et arrive le 28 juin midi devant Vilnius, prise le matin par Murat et entre dans la ville par la Porte de l’Aurore.

Napoléon 1er a personnellement séjourné du 28 Juin au 16 Juillet 1812 dans le palais épiscopal de Vilnius, devenu en 1795 le palais du gouverneur russe et qui, après transformations au cours du XIXe siècle, deviendra l’actuel palais présidentiel. Au cours de ce séjour de 19 jours, que certains trouveront trop long (mais facile à dire après……), l’Empereur a mis en place la structure administrative du Grand-duché de Lituanie, mais surtout a fait de Vilnius un point essentiel de ses opérations futures. Napoléon avait notamment besoin de temps pour se réapprovisionner et pour réorganiser les territoires occupés.

Pendant cette période dite française, la vie publique fut intense. Il y eut des spectacles, des soirées dansantes, des loteries, mais aussi des fêtes pour célébrer des événements divers. Le 14 Juillet, le général comte Liudvikas Mykolas Pacas donna un bal dans son palais du 7 rue Didžioji (où il hébergeait le Prince Murat), au cours duquel Napoléon fit une apparition. Le 15 Août 1812, date anniversaire de la naissance de l’Empereur (en 1769), le Maire de Vilnius, Mykolas Römeris (1778 – 1853) fait rebaptiser la place devant le palais épiscopal en Place Napoléon.



Le retour sera plus rapide. L’Empereur quitte l’armée le 5 décembre à Smorgoni, avant de rejoindre Paris au plus vite car le Général Mallet y conspire. Le 6 décembre au petit matin, il rencontre Maret, Ministre des Affaires Etrangères, à Medininkai, atteint Vilnius à 10H15 sans y entrer, puis Kaunas le 7 décembre à 5H du matin, talonné par les cosaques. Il sera à Paris le 18 décembre à 23H45.



Pendant ce temps-là, jusqu’au 10 décembre, ce ne sera que panique et chaos à Vilnius, et le dernier à « fermer la porte » à Kaunas, le 14 décembre soir, sera le Maréchal Ney (ci-dessous) avec 30 soldats !