samedi 23 juillet 2016

23 juillet 1940 : la déclaration Welles

Sumner Welles

Benjamin Sumner Welles serait peut-être resté un obscur diplomate américain si, le 23 juillet 1940, Secrétaire d’Etat (= Ministre des Affaires Etrangères) par intérim, il n’avait signé ce qui est resté dans l’histoire comme la déclaration Welles. Revenons sur les faits et leur contexte.

Il faut d’abord évoquer la Doctrine Stimson. Du nom de Henry L. Stimson, Secrétaire d’Etat de 1929 à 1933, auteur d’une note du 7 janvier 1932, cette doctrine stipulait que le gouvernement fédéral des Etats-Unis ne reconnaissait pas les changements territoriaux qui avaient été imposés l Cette note visait d’abord l’invasion japonaise de la Manchourie, survenue fin 1931.

C’est cette doctrine qui est invoquée le 23 juillet 1940 par le Sous-secrétaire d’Etat Sumner Welles dans sa note annonçant la non-reconnaissance par les Etats-Unis de l’annexion des Etats baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie.

On rappellera que les Etats-Unis avaient reconnu pleinement l’indépendance de jure des trois Etats baltes le 26 juillet 1922. Mais ils menaient globalement une politique de neutralité et de non-intervention, le Président Franklin D. Roosevelt ne souhaitant pas mener le pays à la guerre.


Staline et von Ribbentrop, le 23 août 1939 

Les choses allaient changer avec les protocoles secrets du Pacte Molotov – Ribbentrop (23 août 1939), qui ne seront révélés qu’en 1945, par lesquels les deux puissances totalitaires se partageaient les Etats baltes, l’Estonie et la Lettonie tombant dans la sphère d’influence de l’Union soviétique, la Lituanie dans celle de l’Allemagne nazie (un protocole additionnel de septembre 1939 la fera tomber, elle aussi, dans la sphère d’influence de l’URSS).

Fin 1939 – début 1940, l’Union soviétique émit une série d’ultimatum en direction des Etats baltes qui conduisirent à leur occupation et à leur annexion illégale en juin et juillet 1940. De pseudo élections aux « assemblées populaires » furent organisées à la mi-juillet 1940 à l’issue desquelles les listes soutenues par les soviétiques, les seules autorisées à participer, reçurent entre 92,2 % et 99,2 % des voix (les résultats parurent même 24 heures avant la clôture des « scrutins »). 

En conséquence, la Lituanie fut incorporée à l’URSS le 3 août 1940, la Lettonie le 5 août et l’Estonie le 6 août.

Mais, dès le 23 juillet 1940, Sumner Welles, qui assurait l’intérim pendant la maladie du Secrétaire d’Etat Cordell Hull, avait fait une proclamation, initialement rédigée par Loy Henderson, mais durcie en accord avec le Président Franklin D. Roosevelt :




Pendant 51 ans, même si elle était largement symbolique, la position officielle de la diplomatie U.S. fut que les Etats baltes avaient été annexés de force. Toutes les cartes américaines faisaient apparaître les Etats baltes et, le 26 juillet 1983, 61ème anniversaire de la reconnaissance de l’indépendance des Etats baltes par les Etats-Unis en 1922, le Président Ronald Reagan réitéra cette reconnaissance dans une déclaration lue à la tribune des Nations Unies.

Encore aujourd’hui (en l'occurence hier 22 juillet à Vilnius), alors que les Etats baltes se sentent de nouveau menacés par l’impérialisme russe, des cérémonies ont marqué l’anniversaire de la déclaration Welles du 23 juillet 1940.










mardi 19 juillet 2016

Poutine saque la Flotte de la Baltique


Ce 29 juin 2016, le Ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a limogé le commandant de la Flotte de la Baltique, le Vice-amiral Viktor Kravchuk et son chef d’Etat-major, le Vice-amiral Sergeï Popov.  Ce limogeage s’est accompagné de la mise à pied d’une cinquantaine d’Officiers supérieurs. Il faut remonter à l’époque de Staline pour trouver une telle purge !

Vice-amiral Kravchuk

Les raisons invoquées sont, dixit le Ministère de la Défense, une série de « manquements graves dans le cadre de leur service ». Le chef de la Commission de la Défense à la Douma (chambre basse du Parlement de Russie) a également évoqué des détournements des budgets consacrés à la nourriture.

Depuis, les analystes occidentaux s’interrogent pour comprendre les raisons réelles d’un limogeage d’une telle ampleur. D’autant que, à l’occasion d’une inspection qu’il avait faite à Kaliningrad il y a un an, Vladimir Poutine n’avait pas tari d’éloges !  Certains médias russes ont invoqué une collision, en avril dernier, entre un sous-marin russe et un patrouilleur polonais, suite à laquelle l’Amiral Kravtchuk aurait subi une inspection de 4 semaines. Le Ministère polonais de la Défense avait toutefois démenti la collision.

PC de la Flotte de la Baltique à Kaliningrad

La Flotte de la Baltique a été fondée en 1703 par Pierre le Grand, ce qui en fait la plus ancienne des flottes et flottilles russes, et était initialement implantée à Kronstadt (au large de Saint-Pétersbourg). Aujourd’hui, le PC de la Flotte de la Baltique est à Kaliningrad, sa base principale est à Baltiysk (oblast de Kaliningrad), la base secondaire de Leningrad (sic) regroupant Kronstadt et diverses implantations de Saint Pétersbourg. Elle comprend 128 navires de surface, 71 chalands de débarquement, 72 avions de combat et 44 emplacements de défense anti-aérienne.

Dire que la Flotte de la Baltique est la plus mal lotie des flottes russes n’est pas loin d’être exact, son état général restant en deçà de celui de ses consœurs. Mais depuis 2014 et la détérioration des relations avec l’Occident, l’importance stratégique du théâtre de la Baltique s’est accrue. Or, il semblerait que le degré de préparation au combat de cette Flotte ne soit pas optimal, notamment en matière de lutte contre les mines. Le successeur du Vice-amiral Viktor Kravchuk devra donc apporter une réponse au défi posé par l’accroissement des activités de l’OTAN en mer Baltique, malgré un rythme de livraison des nouvelles unités lent et irrégulier.

Vice-amiral Nosatov
C’est le Vice-amiral Alexander Nosatov, né à Sébastopol en 1963, missilier de formation et ancien numéro deux de la Flotte de la Mer Noire qui vient d’être nommé commandant par intérim de la Flotte de la Baltique. Il sera secondé par un sous-marinier, issu également de la Flotte de la Mer Noire, le Vice-amiral Igor Mukhametshin, qui devient chef d’Etat-major par intérim. Et c’est peut-être là que réside la clé de cette purge. Compte-tenu de la « menace » de l’OTAN, la Flotte de la Baltique pourrait être renforcée considérablement. Elle serait donc devenue un enjeu de pouvoir et de promotion prestigieux pour les militaires appartenant au premier cercle du Kremlin.

En attendant, gageons que du côté des Etats baltes l’on suivra avec intérêt et sans doute inquiétude la possible évolution de la Flotte russe de la Baltique. Un accroissement de ses moyens et de son rythme d’activités pourrait en effet indiquer la préparation d'une action hostile potentielle russe dans le secteur.


Attaques simulées de SU-24 russes sur l'USS Donald Cook en Mer Baltique
  



dimanche 17 juillet 2016

17 juillet 1933 : le « Lituanica » s’écrase

Steponas Darius et Stasys Girėnas

Il y a 83 ans, le 15 Juillet 1933, les pilotes lituaniens Steponas Darius et Stasys Girėnas quittait l’aérodrome Floyd Bennett à New York, à 06H24 heure locale (Eastern Time Zone), pour traverser l’Atlantique à bord de leur avion « Lituanica », un Bellanca CH-300 Pacemaker.


Le "Lituanica" au-dessus de New-York en 1933

Après avoir traversé l’Atlantique et volé avec succès pendant 6 411 km, l’avion s’est écrasé, pour des raisons qui restent indéterminées, à 636 km de sa destination, Kaunas, le 17 Juillet 1933 à 00H36 (heure de Berlin), près du village de Kuhdamm en Prusse Orientale (aujourd’hui Pszczelnik en Pologne), après 37 heures et 11 minutes de vol.  En distance, ce fut le deuxième plus long vol effectué à l’époque, en durée le quatrième. Ce fut surtout le premier dans l’histoire à transporter du courrier transatlantique.

Le monument à l'emplacement du crash, à Pszczelnik en Pologne

Le crash fut peut-être dû à des difficultés de moteur, conjugués à des problèmes météo, entraînant un atterrissage d’urgence raté. Mais certains ont évoqué la possibilité que le « Lituanica » ait été abattu, ayant été pris pour un avion espion car il volait à proximité d’un camp de concentration. A noter que toutes les pièces de l'épave de l'avion n'ont pas été rendues. 

Rapatriés par un avion allemand le 19 Juillet 1933, les corps de Darius et Girėnas furent placé en 1936 dans un mausolée du vieux cimetière de Kaunas, mausolée détruit par les soviétiques pendant leur deuxième occupation.  Ils sont aujourd’hui au cimetière militaire de Šančiai, à Kaunas. L’épave du « Lituanica » est, elle, au Musée de la Guerre de cette même ville.

En Lituanie, Steponas Darius est doublement un héro puisque c’est lui qui y aurait introduit le basket-ball, deuxième religion du pays.

Steponas Darius



mercredi 6 juillet 2016

6 juillet : Jour de l’Etat Lituanien



Il y a en Lituanie deux Fêtes Nationales : le 16 Février, commémorant la restauration de l’Etat de Lituanie du 16 Février 1918 (un Etat souverain avait déjà existé de 1253 à 1795), et le 11 Mars, date anniversaire du rétablissement de l’Etat lituanien du 11 Mars 1990. Parmi les autres jours fériés, il y en est un qui est majeur aux yeux des Lituaniens, c’est le 6 Juillet, qui commémore le 6 Juillet 1253, lorsque le Grand-duc Mindaugas fut couronné Roi de Lituanie.    

Le Roi Mindaugas (vers 1200 – 1263), est généralement considéré comme le fondateur de l’Etat lituanien, mais on lui devrait également le début de l’ouverture de l’Etat vers l’ouest et l’arrêt de l’avance des Tatares vers la Baltique. En conflit avec les autres ducs et ses parents, il fut assassiné en 1263 par son neveu Treniota et son beau-frère Daumantas, dont il venait d’épouser …… la femme, sœur de sa propre femme Morta, décédée peu auparavant.



Il reste toutefois une part de mystère quant au lieu où ces événements se sont passés. Selon la Chronique d’Ipatiev et la Chronique Livonienne, ce serait au château de Voruta. C’est là que Mindaugas aurait eu sa capitale, qu’avec son épouse Morta il aurait été baptisé selon le rite latin et qu’il aurait été couronné, ce fameux 6 Juillet 1253 (date établie par l’historien Edvardas Gudavičius en 1990). Et c’est là aussi qu’il aurait été assassiné.

Le problème est qu’on ignore où était le château de Voruta, certains linguistes argumentant même que voruta pourrait vouloir dire …. Capitale. Pas moins de 14 lieux se disputent l’honneur d’avoir été cette capitale, celui présentant les arguments les plus sérieux étant Navahroudak (Nowogródek en Polonais, Naugardukas en Lituanien), aujourd’hui au Bélarus. Mais Kernavė, qui a l’intérêt d’être à quelques kilomètres de Vilnius, lui dispute cet honneur.

Vue d'artiste du château de Voruta

A la vérité, une seule chose est historiquement sûre : c’est qu’on n’est sûr de rien !

J’en profite pour préciser au passage que la Lituanie eut deux autres Rois, mais qui ne furent pas couronnés :

Vytautas le Grand. En 1429, avec le soutien de l'Empereur Sigismond Ier, il tente de recevoir le titre du roi, mais les délégués qui transportaient la couronne sont arrêtés par des magnats polonais et la couronne subtilisée. Il faut dire qu’il était en conflit permanent avec le Roi de Pologne, son cousin Jogaila, pourtant lui aussi Lituanien. Une autre couronne est envoyée, mais Vytautas meurt quelques semaines avant qu'elle ne parvienne en Lituanie.

Le duc Wilhelm von Urach, comte de Württemberg, marionnette des Allemands, qui fut un éphémère Mindaugas II du 11 Juillet 1918 au 2 Novembre 1918. Il ne vint d’ailleurs jamais en Lituanie.

Guillaume d'Urach, roi Mindaugas II d'opérette