vendredi 29 juillet 2022

La conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) et Königsberg

 


C'est en 1255 que fut fondée Königsberg (« la montagne du Roi »), en l'honneur du roi de Bohême Ottokar II qui avait donné l'autorisation de raser le village de Tvankste pour la construire. La ville devint la tête de pont du territoire des Chevaliers Teutonique, qui sera appelé en allemand Preussen. Car paradoxalement, les colonisateurs/exterminateurs prirent le nom des colonisés/exterminés, la tribu balte des Prūsai !  

Successivement partie de l'État monastique des chevaliers Teutoniques, du duché héréditaire de Prusse, puis du Royaume en Prusse (1701 – 1772) puis le Royaume de Prusse (1772 – 1918), Königsberg a été « de tous temps » la capitale de la province de Prusse Orientale (Ostpreußen).

A l'issue de la Première Guerre mondiale, la Prusse Orientale a été séparée en 1919 du reste de l'Allemagne par la création du corridor de Dantzig, donnant un accès à la mer à la Pologne , et par celle de la ville libre de Dantzig, sous administration de la SDN. Le traité de Versailles l'amputa également du territoire de Memel au nord, que les Lituaniens annexèrent manu militari en janvier 1923, rebaptisant la ville - Klaipėda. Jusqu'en 1945, la population de la province fut allemande, mais il y avait aussi une minorité d'origine lituanienne, les Lietuvininkai (ou Lituaniens de Prusse).

On se rappellera que, lors de la Conférence de Téhéran (28 novembre au 1er décembre 1943), l'un des points sur lesquels les Alliés s'étaient accordés était le démembrement de l'Allemagne. Staline souleva le sujet de l'annexion de Königsberg, argumentant que l'URSS avait besoin d'un port libre de glace toute l'année. Churchill répondit que c'était une proposition intéressante et qu'il promettait de l'étudier. Roosevelt ne fit pas de commentaire, ce qui fut considéré comme une acceptation.

On oublie généralement que c'est à la conférence de Moscou (du 9 au 19 octobre 1944), qui suivit celle de Téhéran, réunissant principalement Churchill et Staline, que les Britanniques durent accepter le principe d'un partage de l'Europe en zones d'influences entre les Alliés occidentaux et l'URSS, principe entériné à la conférence de Yalta (4 au 11 février 1945). A cette occasion,  les Alliés occidentaux n’ont pas exigé que Staline applique la démocratie et l'auto-détermination des peuples, et l'ont laissé imposer des dictatures d'obédience soviétique qui dureront autour de 45 ans en Europe de l'est.




C'est finalement à la conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) que fut agréé le principe du transfert de Königsberg à l'URSS. Staline dit « Si les gouvernements U.S. et britanniques approuvent le principe de cette proposition, c'est suffisant pour nous ». Churchill répondit : « I agree ». Truman (qui avait été élu comme vice-président de Franklin Roosevelt en 1944, et qui lui a succédé à sa mort le 12 avril 1945) répondit lui aussi « I agree ».



Le 12 septembre 1990 était signé le Traité de Moscou dit « 4+2 » qui fixait le statut international de l'Allemagne unie. Son article premier précisait notamment que « L'Allemagne unie n'a aucune revendication territoriale quelle qu'elle soit envers d'autres États et n'en formulera pas à l'avenir ». La réunification intervient le 3 octobre 1990. Le 14 novembre 1990 était signé à Varsovie le Traité sur la frontière germano-polonaise qui fixait les limites de l'Allemagne réunifiée avec la Pologne sur la ligne Oder-Neiβe, frontière effective depuis 1945. L'Allemagne renonçait donc définitivement aux anciennes provinces situées à l'est de ces deux rivières, en particulier à la Prusse Orientale. Il est indéniable qu'aux yeux de la loi internationale, l'URSS est le propriétaire légal du territoire de Königsberg.

La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque rejoignirent l'OTAN le 12 mars 1999. Le 29 mars 2004, ce fut le tour de sept autres États, dont les trois États baltes. L'oblast de Kaliningrad s'est donc trouvé coincé entre deux États membres de l'Alliance Atlantique, la Pologne et la Lituanie. C'est ainsi que nous avons aujourd'hui cette anomalie russe au sein de l'Union Européenne.

J'en profite pour souligner que la pseudo promesse de non-extension de l'OTAN vers l'est, qui aurait été faite par James Baker à Mikhaël Gorbatchev, devenue le nec plus ultra actuel de la propagande russe et de ses affidés occidentaux, est une belle fake news. En juillet 2015, Vladimir Poutine le reconnaissait lui-même face à son faire-valoir, le réalisateur américain Oliver Stone : « Rien n'avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée ». Et là, il parle en connaissance de cause, lui qui a violé en 2014 le mémorandum de Budapest (5 décembre 1994) qui garantissait l'intégrité territoriale et la sécurité de l'Ukraine ……..



dimanche 17 juillet 2022

17 Juillet 1933 : Darius et Girėnas s'écrasent après avoir traversé l’Atlantique

 



Steponas Darius (1896 – 1933) et Stasys Girėnas (1893 – 1933) sont des héros en Lituanie mais, comme bien souvent, inconnus à l’étranger. Ils ont pourtant écrit une des plus belles pages de l’histoire de l’aviation, qui s’est hélas terminée tragiquement.

Tous les deux émigrés aux États-Unis pour fuir l’Empire russe tsariste, ils rejoignirent l’Armée américaine pendant la Première Guerre mondiale. Steponas Darius combattit même en France, y fut blessé et reçut donc pour cela la « Purple Heart ». Il participe même à l’organisation de la révolte de Klaipėda contre les Français en 1923.

Les années 30 les retrouvent tous les deux pilotes aux États-Unis. Le 18 Juin 1932, ils achètent un avion Bellenca CH-300 Pacemaker, et le font modifier pour l’adapter à un vol transatlantique, notamment par l’adjonction de réservoirs de carburant supplémentaires et d’un moteur plus puissant. Les modifications sont terminées le 29 Mars 1933, l’avion est peint en orange et reçoit le nom de « Lituanica ».



Il y a 89 ans, le 15 Juillet 1933, Steponas Darius et Stasys Girėnas quittaient l’aérodrome Floyd Bennett à New York, à 06H24 heure locale (Eastern Time Zone), pour traverser l’Atlantique à bord de leur « Lituanica ».

Après avoir volé avec succès pendant 6 411 km, l’avion s’est écrasé, pour des raisons qui restent indéterminées, à 636 km de sa destination, Kaunas, le 17 Juillet 1933 à 00H36 (heure de Berlin), près du village de Kuhdamm en Prusse Orientale (aujourd’hui Pszczelnik en Pologne), après 37 heures et 11 minutes de vol.  En distance, ce fut le deuxième plus long vol effectué à l’époque, en durée le quatrième. Ce fut surtout le premier vol dans l’histoire à avoir transporté du courrier transatlantique.



Le crash fut peut-être dû à des difficultés de moteur, conjugués à des problèmes météo, entraînant un atterrissage d’urgence raté. Mais certains ont évoqué la possibilité que le « Lituanica » ait été abattu, ayant été pris pour un avion espion car il volait à proximité d’un camp de concentration. A noter que toutes les pièces de l'épave de l'avion n'ont pas été rendues. 

Rapatriés par un avion allemand le 19 Juillet 1933, les corps de Darius et Girėnas furent placé en 1936 dans un mausolée du vieux cimetière de Kaunas, mausolée détruit par les soviétiques pendant leur deuxième occupation.  Ils sont aujourd’hui au cimetière militaire de Šančiai, à Kaunas. L’épave du « Lituanica » est, elle, au Musée de la Guerre.

Mémorial à l'emplacement du crash
En Lituanie, Steponas Darius est doublement un héro puisque c’est lui qui y aurait introduit le basket-ball, deuxième religion du pays.

Ancien billet de 10 Litai


vendredi 15 juillet 2022

15 juillet 1410 : bataille de Žalgiris

 



Même 612 ans après, la date du 15 Juillet 1410 est connue des écoliers lituaniens à l’instar de celle de la bataille de Marignan pour les écoliers français (du moins à mon époque). Il s’agit de la bataille de Žalgiris, qui a mis un coup d’arrêt aux visées expansionnistes des Chevaliers Teutoniques.

Contexte historique

L’Ordre Teutonique, installé dans la région depuis 1226, avait passé le XIVème siècle à combattre la Lituanie païenne. Mais, en 1386, la donne avait changé : le Grand-duc de Lituanie, Jogaila, s’était marié avec la princesse polonaise Edwige (Jadwiga) d’Anjou et était devenu Roi de Pologne, instituant une union personnelle entre la Pologne et la Lituanie. Mais, pour ce faire, il avait dû se faire baptiser et faire baptiser la Lituanie. En 1404, l’Ordre Teutonique et la Pologne avaient signé une paix perpétuelle.

Mais, en 1409, la Žemaitija (nord-ouest de la Lituanie actuelle), toujours païenne, prend les armes contre l’Ordre Teutonique qui l’occupe; l’Union Pologne-Lituanie, qui considère la Žemaitija comme une partie de son territoire, appuie sa révolte. Le 14 Août 1409, le Grand-maitre des Teutoniques, Ulrich von Jungingen, déclare la guerre à l’État polono-lituanien. Mais il propose également un armistice, car aucun des deux camps n’était prêt à la guerre. Celui-ci dura du 8 Octobre 1409 au 24 Juin 1410, et fut prolongé de 3 semaines, car chaque camp, comprenant l’importance capitale de la bataille à venir, regroupait ses forces. Côté Teutoniques, des chevaliers vinrent de toute l’Europe, notamment de France (on parle de 120 chevaliers), de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. De l’autre côté des Cosaques ukrainiens, des chevaliers de Bohème, des Russes et des Tatars rejoignirent l’armée polono-lituanienne. Les Polono-Lituaniens étaient les plus nombreux (45 000 à 50 000), mais les Teutoniques (32 000 à 36 000) étaient mieux équipés et mieux entraînés.

La bataille

NB : la bataille est appelée Tannenberg par les Allemands, Grünwald par les Polonais et Žalgiris (traduction littérale de Grünwald) par les Lituaniens.

Au matin du 15 Juillet 1410, le soleil se leva vers 4H30. Mais ce n’est qu’à 8H30, alors que les Teutoniques transpiraient au soleil sous leurs cuirasses, mais que les alliées étaient, eux, à l’ombre des bois, que Jogaila accepta le combat. Celui-ci fut longtemps indécis. Le Grand-duc de Lituanie Vytautas (ci-dessous) était de facto le commandant opérationnel sur le terrain, le Roi Jogaila observant depuis une colline à l’écart.



Les Teutoniques furent prêts de l’emporter. Mais Jogaila avait gardé son infanterie en réserve et ne l’engagea qu’à six heures du soir. Les paysans polonais et lituaniens s’élancèrent fanatiquement, remplis de haine et de revanche contre ces Teutoniques qui avaient détruit leurs villages et tué leurs amis.

A 19H20, le Grand-maitre Ulrich von Jungingen fut tué. 28 000 Teutoniques et leurs aides périrent dans cette bataille, dont 50 des 60 Commandeurs de l’Ordre et 209 chevaliers. Seuls 1 400 réussirent à quitter le champ de bataille et à rejoindre leur capitale Marienburg (aujourd’hui Malbork en Pologne). Les Alliés polono-lituaniens comptèrent environ 20 000 tués, dont 12 chevaliers et les 2/3 des fantassins.



Les conséquences

Le Grand-duc Vytautas alla mettre le siège à Malbork, mais sans trop de conviction, ne voulant pas servir sur un plateau une victoire trop éclatante à son rival de toujours, Jogaila. Il se retira d’ailleurs rapidement sur son territoire de Lituanie.

La Paix de Toruń fut signée entre l’État polono-lituanien et l’Ordre teutonique le 1er Février 1411. Les pertes territoriales de l’Ordre furent relativement minimes, les Polonais et les Lituaniens récupérant toutefois la Žemaitija et une partie de la Poméranie. La rançon était par contre colossale, équivalent à 20 tonnes d’argent pur et ruina totalement le trésor teutonique pour deux siècles !

Mais surtout, le plus important est que cette victoire permit à la Pologne et à la Lituanie de ne pas subir le sort des malheureux Vieux-Prussiens, exterminés par les Teutoniques, et de conserver leur indépendance et leur culture pour les siècles à venir.

Le traumatisme fut énorme côté germanique. À un point tel que, lorsque le général Paul von Hindenburg battit les Russes dans la région le 30 Août 1914, il obtient que sa victoire porte le nom de Tannenberg, afin d’effacer l’affront subi 500 ans auparavant !