mardi 22 juillet 2014

Ukraine : ne les appelez plus jamais « séparatistes » !


Ceux qui me suivent savent que je donne une grande importance à la signification politique du vocabulaire. Cela m’a valu – et me vaut encore – des discussions épiques sur le distinguo entre Biélorussie et Bélarus.
Aujourd’hui, je voudrais dire combien le terme « séparatistes pro-russes », largement employé dans les médias français pour désigner les insurgés de l’est de l’Ukraine, est éloigné de la réalité et que celui d’ « envahisseur russe » serait le plus adapté.

Prenons pour exemple le pseudo gouvernement de la République populaire autoproclamée de Donetsk.

Son « premier ministre », tout autant autoproclamé le 16 mai 2014, est un dénommé Alexandre Borodaï. Né à Moscou, il est à partir de 1994 journaliste spécialisé dans les conflits sur le territoire de la Fédération de Russie pour notamment RIA-Novosti et la fameuse chaîne de télévision Perviy Kanal.  En 1999, il est au Daguestan pour le journal Zavtra avec Igor Strelkov que l’on retrouvera plus loin. En juillet 2002, la presse informe qu’il est devenu directeur-adjoint de l’information politique du …… FSB successeur du KGB). 

On retrouve Borodaï dans la « République populaire de Donetsk » (DPR), état sécessionniste autoproclamé le 7 avril 2014. Un référendum d’autodétermination se tient le 11 mai 2014, mais son résultat, portant vers l’indépendance du territoire, n’est reconnu par personne, même pas par la Russie ! Dans les jours qui suivent, Alexandre Borodaï se proclame donc premier ministre.

Alexandre Borodaï

Le « ministre de la défense » est Igor Girkin (son vrai nom), alias Igor Strelkov, lui aussi citoyen russe. Militaire de carrière, il a participé aux combats en Transnistrie, en Bosnie et, par deux fois, en Tchetchénie, la deuxième fois en tant que Spetsnaz. Ecrivant des articles pour Zavtra, c’est par l’intermédiaire de celui-ci qu’il fera la connaissance d’Alexandre Borodaï. 

On le retrouve en Ukraine en janvier 2014, apparemment Colonel du GRU, en charge de la protection des reliques provenant du Mont Athos, où il prend la mesure des événements de Maïdan. Puis, en mars 2014, Girkin/Strelkov est en Crimée, au service de la sécurité de Sergueï Aksionov, « élu » « premier ministre » de Crimée en février 2014. Dès le 12 avril, on le retrouve à Slaviansk, dans l’est de l’Ukraine, dont il dirige les « forces d’autodéfense ». Le 16 mai, il est nommé « ministre de la défense » de la DPR. Depuis quelques jours, on parle beaucoup de Giirkin/Strelkov pour avoir apparemment annoncé la destruction d’un Antonov-26 qui s’est révélé être le Boeing 777 MH-17 et pour en avoir discuté avec son supérieur du GRU, Igor Bezler.

Igor Girkin , alias Igor Strelkov

Le dernier arrivé, mais non des moindres, est Vladimir Antjufeev, « vice-premier ministre » de la DPR, en charge de la sécurité. Né à Novossibirsk (Russie), lui aussi militaire, il est bien connu à Riga où il est accusé d’avoir commandé les groupes militaires qui combattaient le nouveau gouvernement letton. Depuis cette période, un mandat international a d’ailleurs été lancé contre lui par le Procureur général de Lettonie et il est persona non grata dans l’Union européenne depuis 2004. Ce qui ne l’a pas empêché d’être pendant 20 ans (1992 – 2012) chef du KGB de la République auto proclamée de Transnistrie. Au printemps 2014, on le retrouve en Crimée où il participe à l’opération russe d’annexion. Son arrivée dans l’est de l’Ukraine est apparemment un soutien à Girkin/Strelkov, qui avait été accusé par certains cercles de Moscou d’avoir rendu « un peu trop rapidement » Slovyansk et Kramatorsk aux forces ukrainiennes légitimes.  

Vladimir Antjufeev

        
Quel rapport ont Borodaï, Girkin/Strelkov et Antyufeyev avec l’Ukraine ? Aucun ! Ils n’y sont pas nés, il n’y ont jamais vécu. Ils y sont juste envoyés en service commandé par la Russie. Car ces trois-là ont manifestement le don de se trouver impliqués dans les opérations militaires sécessionnistes dans l’ancienne URSS (ils étaient tous les trois simultanément en Transnistrie). Mais, comme leur présence devient de plus en plus voyante, Moscou va avoir du mal à continuer à nier son implication dans le conflit, persistant à le traiter de « guerre civile » ukrainienne.


1 commentaire:

  1. Remarque eux non plus ne veulent pas être appelé "séparatistes" ils sont des combattants résistants au fascisme, je ne sais pas comment traduire ополченцы. Enfin cette remarque aux observateur de l'OSCE est significative:

    http://youtu.be/xLdRBaL4-wU?t=1m17s

    -Les gens ils vous demandent pourquoi vous les nommez des "séparatistes" parce que c'est les combattants et c'est les résistants,
    -d'accord alors on va dire autre chose, d'accord très bien.
    -ils sont pas très content vraiment...
    -d'accord ben on va dire autre chose
    -en plus ils sont pas très contents que vous parlez des installations...

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