vendredi 16 janvier 2015

15 janvier 1923 : les troupes lituaniennes reprennent Memel (Klaipėda) à la France


C’est, à ma connaissance, la seule guerre qui ait opposé la Lituanie à la France. Et, bien que cette guerre ait fait peu de morts, mais surtout du côté lituanien, ce sont les Lituanien qui l’ont gagnée ! De quoi s’agit-il donc ?

A la fin de la Première Guerre mondiale, l’article 99 du Traité de Versailles (signé le 28 Juin 1919 obligeait l’Empire allemand de renoncer, entre autres, à la partie nord-est de la Prusse orientale, dite territoire de Memel. L’inconvénient, c’est que le Traité ne précisait pas concrètement à qui le territoire allait revenir.

Le territoire de Memel

Il fallait donc désigner une puissance qui administre le territoire, en attendant qu’une décision soit prise. A l’été 1919, les représentants des grandes puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Italie) décidèrent que ce serait la France assurerait l’administration du territoire au nom de l’Entente (et non de la Société des Nations dont la première réunion n’aura lieu à Londres que le 10 Janvier 1920).

Insigne du 21e Bataillon der Chasseurs à Pied

Dès le 13 Février 1920, le 21e Bataillon de Chasseurs à Pied (et non pas Alpin comme souvent écrit à tort) arrive en trois convois ferroviaires afin d’assurer le maintien de l’ordre dans le territoire. L’Etat-major et la majeure partie du Bataillon s’installent à Memel (Klaipėda), une compagnie est détachée à Heydekrug (Šilutė) et une compagnie à Pogegen (Pagėgai). L’effectif initial de 750 hommes, déjà faible pour une zone d’une surface (2 447 km2) comparable à celle du Luxembourg, sera progressivement réduit à 625 hommes, puis à 250.

Au milieu, le Général Odry

Le 15 Février 1920, le Général Dominique Odry (1865 - 1962), dont le titre exact est « Général représentant les puissances alliées », reçoit les pouvoirs du commissaire allemand, le comte Lambsdorf. Progressivement, avec l’aval de la Conférence des Ambassadeurs, le territoire se dote des caractéristiques d’un Etat indépendant, notamment d’un drapeau. Il faut dire que, fin 1921, une enquête avait montré que 90 % des habitants étaient partisans d’un Etat libre.

Drapeau du "Memelland"

Mais la jeune République lituanienne tenait absolument à avoir un débouché maritime. Or, une commission spéciale, mise sur pied en octobre 1922 et dirigée par un diplomate français, Georges Laroche, semblait plus épouser les vœux des Polonais qui, eux aussi, voulait le port de Memel. Malgré les risques, la Lituanie décida alors d’annexer le territoire de Memel par la force.

Entre le 10 et le 15 Janvier 1923, les autorités lituaniennes, après s’être assurées du soutien diplomatique de l’Allemagne et de la jeune ’Union soviétique (née le 22 Décembre 1922), accomplirent avec succès une marche sur Memel depuis le territoire lituanien. La marche fut effectuée par 1 400 hommes commandés par le colonel Jonas Povolinskas-Budrys, hommes officiellement paramilitaires du territoire mais en fait soldats lituaniens, aidés par environ 300 habitants locaux. 


Défilé de la victoire des troupes lituaniennes dans Memel/Klaipeda 

 A vrai dire, les Lituaniens ne rencontrèrent qu’une faible résistance. Il faut dire que la France n’avait ni la volonté ni les moyens de se lancer dans une opération de reconquête avec seulement 250 hommes. On rappellera que, le 11 janvier 1923, l’armée française entrait dans la Ruhr, accusant  l’Allemagne (République de Weimar) de retards dans le paiement des dommages de guerre. Il y eut toutefois sur le territoire de Memel des escarmouches et des tués : 12 Lituaniens, 2 Français et 2 civils. Comme, en raison du faible effectif, il n’y avait pas de possibilité de résister, le Haut-commissaire Jean Gabriel Petisné, qui avait remplacé Odry le 1er Mai 1921, ordonna de hisser le drapeau blanc.  

Le 16 Février 1923, les gouvernements alliés, reconnurent le fait accompli et décidèrent de transférer la souveraineté du territoire de Memel, sur la base d’une autonomie, à la Lituanie. Le 15 Mars 1923, le territoire fut formellement appelé Klaipėda.

Ceux que le sujet intéresse pourront consulter avec profit « Les Français à Klaipėda et après 1920 – 1932 » d’Isabelle Chandavoine (2003) et « Les Français à Klaipėda 1920 – 1923 », catalogue de l’exposition éponyme organisée par Bernard Jusserand (2007)






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