dimanche 1 février 2015

Lettonie : la Latgale, futur Donbass ?


Il y a quelques jours sont apparus sur les réseaux sociaux des images du drapeau légal de la Latgale mais avec l’inscription en Russe « République Populaire de Latgale », ainsi que des cartes de la Lettonie où le territoire d’une Latgale séparée était recouvert du même drapeau.



Mais qu’est-ce que la Latgale ? Et y a-t-il des risques pour qu’on y voie apparaître une sécession instrumentalisée comme dans le Donbass ?

La Latgale est une des quatre régions administratives mais aussi historique de la Lettonie (les trois autres étant la Kurzeme, la Zemgale et la Vidzeme). Sa superficie est de 14 600 km2, soit 22,6 % de la Lettonie. Son chef-lieu est Daugavpils (110 000 habitants). La population de Daugavpils est majoritairement composée de Russes ethniques (environ 53 %) ; à titre de comparaison les Russes sont 42 % à Riga et en moyenne 27 % dans l’ensemble de la Lettonie. Cette multiethnicité est due à l’histoire de la région, différente de celle du reste de la Lettonie.

A l’origine, le territoire actuel de la Latgale était habité par des tribus baltes orientales, dont le langage donnera naissance au Latgallien moderne (encore parlé) et au Letton. Comme le reste de la Lettonie, la Latgale a subi les invasions de tous ses voisins. Le tournant se produisit pendant le Guerre de Livonie (1558 – 1583), pendant laquelle la Latgale fut annexée (1559) par le Grand-duché de Lituanie. Le Tsar Ivan IV (le Terrible) y renonça définitivement en 1582 par la Trêve de Jam Zapolski.

En 1621, alors que la plus grande partie de la Livonie était cédée à la Suède, la Latgale resta vassale de la République des Deux-Nations polono-lituanienne. Elle sera connue depuis lors sous le nom d’Inflantie polonaise. C’est à cette époque que le dialecte Latgallien sera influencé par le Polonais et se développera séparément du Letton. Cette longue période polono-lituanienne (1559 – 1772) explique également pourquoi la Latgale soit restée en grande partie catholique. En 1772, la Latgale fut annexée par l’Empire russe et en 1865 commença une période de russification pendant laquelle le Latgallien (écrit en écriture latine) fut interdit (de 1871 à 1904).

Tatjana Ždanoka (à gauche)

En septembre 2014, un membre du Parlement letton avait signalé que des activistes pro-russes faisaient du porte-à-porte à Daugavpils. A l’époque on avait accusé l’Union russe de Lettonie (nouveau nom depuis les élections européennes de 2014 de  Pour les droits de l'homme dans une Lettonie unie / PCTVL en letton) de Tatjana Ždanoka, député européen, « observateur » au « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée.

En novembre, c’est le maire de la petite ville latgallienne de Kraslava qui faisait état également d’opérations de porte-à-porte, y compris dans les écoles et dans les administrations, par des militants prônant la sécession de la Latgale et son rattachement à la Russie.

Dans le cas des images signalées sur internet, la Police de Sécurité lettone (Drošības policija) orienterait ses investigations vers l’activiste pro-russe, leader du parti non reconnu national-bolchevique Vladimir Linderman (non-citoyen letton).

Vladimir Linderman

Un scénario comme dans le Donbass est-il à redouter ? Ce sera moins facile dans la mesure où la Lettonie est membre de l’UE et de l’OTAN. En cas d’agression, même par « petits hommes verts », on se rappellera l’article 5 du Traité de Washington : « Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Mais, avec un Vladimir Poutine passé maître dans l’art de la maskirovka  (terme qui regroupe à la fois camouflage, dissimulation, tromperie, désinformation), on peut s’attendre à tout !


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