jeudi 30 avril 2015

Des prisonniers français en Prusse orientale (1940)

La prusse orientale en 1939, montrant le territoire annexé de Memel/Klaipeda

La campagne de Pologne, qui débuta le 1er septembre 1939 et dura 35 jours, vit les troupes allemandes faire prisonniers entre 580 000 et 694 000 militaires polonais (selon les sources). Pendant la campagne de France, qui dura elle du 10 mai au 22 juin 1940, les Allemands firent – entre autres - 300 000 prisonniers belges, mais surtout 1,5 millions de prisonniers français ! Il fallait donc organiser le logement, le soutien et les activités de cette masse de prisonniers.

 En 1938, l’Allemagne était partagée en 15 districts militaires (Wehrkreise), nombre porté à 19 à partir de 1942.  Chaque Wehrkreis comportera un nombre variable de camps de prisonniers de diverses catégories, notamment :
      # Le Stalag pour Stammlager, camp pour sous-officiers et soldats
      # L’Oflag pour Offizier-Lager, camp pour les officiers
      # Le Luftlager (Luftwaffe-Stammlager) et le Marlag (Marine-Lager), camps respectivement pour les aviateurs et les marins
      # Le Dulag (Durchgangslager), camp de transit.


Le Wehrkreise 1, dont le siège de l’administration est à Königsberg, correspond à la Prusse Orientale, y compris le territoire de Memel (aujourd’hui Klaipėda), attribué à la Lituanie en 1923 mais récupéré par l’Allemagne en 1939. Sur l’ensemble de ce Wehrkreise 1 ont été immatriculés en 1940 35 000 soldats français au Stalag 1 A et 90 000 soldats au Stalag 1 B, plus en 1941 2 500 Aspirants regroupés au 1 A.

C’est en particulier le territoire de Memel/Klaipėda, aujourd’hui revenu à la Lituanie, qui m’intéresse. J’y ai compté un certain nombre de camps (nom allemand / nom lituanien):
      # Oflag 53 à Heydekrug / Šilutė
      # Oflag 53 (bis ?) à Pogegen / Pagėgiai
      # Oflag 63 à Prökuls / Priėkulė
      # Stalag 1 C (331 C) à Heydekrug / Šilutė
      # Stalag 1 D à Heydekrug / Šilutė
      # Stalag 1 D/Z (Z = camp secondaire) à Pogegen / Pagėgiai
      # Stalag 1 F/Z à Prökuls / Priėkulė
      # Stalag 331 à Heydekrug / Šilutė
      # Stalag Luft 6 à Heydekrug / Šilutė


Selon le site belge http://users.skynet.be/philippe.constant/stalag.html, le Stalag 1 A est subdivisé en 22 compagnies en autant de camps ; chaque compagnie compte de 4 à 6 sections qui se subdivisent elles-mêmes en 5 à 10 « kommandos » et chaque commando comprend 5 à 15 lieux de travail. Ce qui veut dire qu’un Stalag comme le 1 A compte environ 10 000 lieux de travail !

Vue aérienne du camp de Macikai

Le décor étant planté, voilà maintenant où je voulais en venir. A l’ouest de Šilutė, il y avait le domaine de Macikai. Après que le territoire de Memel/Klaipėda eut été attribué à la Lituanie, l’armée lituanienne y a loué 70 hectares et a acheté des bâtiments nécessaires à l’installation du 7e Régiment d’Infanterie (7-asis pėstininkų Žemaičių kunigaikščio Butegeidžio pulkas). Lorsque le territoire est revenu à l’Allemagne en 1939, le casernement a rapidement servi de camp pour les prisonniers polonais et est devenu le Stalag 1 C (Wikipedia en Lithuanien dit 1 A). Et, d’après le site du musée de Šilutė http://silutesmuziejus.lt/maciku-lageris-karceris-muziejus/ , c’est en 1940 que seraient arrivés des prisonniers belges et français.

Musée du camp de Macikai

Or, selon des photos, dont une association de Klaipėda est à l’origine, il y aurait sur ce camp des stèles et plaques en souvenir de soldats allemands, canadiens, lituaniens, polonais et soviétiques, mais pas de soldats français. Avant d’envisager de faire apposer une plaque, l’Attaché Défense français à Vilnius souhaiterait avoir l’assurance que des soldats français ont bien été détenus dans ce camp.




Compte tenu de ce qui précède (10 000 lieux de travail) et du relatif flou quant au rattachement du camp de Macikai, on se doute que ce sera une œuvre de longue haleine ! En conséquence, toute information, tout lien, toute contribution (à m’adresser à moi personnellement gilles.dutertre@gmail.com), sur la présence de soldats français à Macikai sera la bienvenue.

vendredi 24 avril 2015

Et si Kaliningrad redevenait Königsberg ?


Depuis le IIe ou le IIIe siècle, des Baltes habitaient la région entre Vistule et Niémen : les Prūsai, ou Prussiens, ou encore Borusses.En 1226, le Duc Conrad 1er de Mazovie (Konrad I Mazowiecki) invita les Chevaliers Teutoniques à s’installer autour de Chełmno (en Allemand Kulm) et à pénétrer sur les territoires prussiens. En 1231 commença une guerre de conquête qui sera le départ de la création de l’Etat monastique des Chevaliers teutoniques, après l’extermination des populations baltes. La Prusse devint alors une terre de colonisation allemande, les colons venant de tout le Saint-Empire prenant le nom du peuple qu’ils avaient exterminé, les Prussiens.

En 1255, l’Ordre Teutonique rasa le vieux village borusse de Tvankste et édifia à son emplacement une ville du nom de Königsberg (Mont du Roi) dont les premiers édifices en pierre datent de 1257. Königsberg obtint une charte en 1286, rejoint la Ligue Hanséatique en 1340, devint la capitale de l’Ordre Teutonique en 1457, après la chute de Marienburg, puis capitale du Duché de Prusse en 1525, lorsque le Grand-Maître de l’Ordre Teutonique, Albrecht von Brandenburg-Ansbach, sécularisa l’Etat monastique et se convertit au Luthéranisme. La première université de Königsberg, l’Albertina, ouvrira ses portes en 1544.

Statue d'Emmanuel Kant


Qu’elle ne fut pas la surprise de voir la Fédération de Russie fêter, du 1er au 3 juillet 2005, les 750 ans de Kaliningrad (sic), avec une affiche improbable : Poutine-Schröder-Chirac, les Présidents voisins, polonais (Kwaśniewski) et lituanien (Adamkus), n’ayant pas été invités.

C’est qu’entre temps, la deuxième guerre mondiale (la « Grande Guerre patriotique contre le fascisme allemand », selon l’hagiographie soviéto-russe) était passée par là. Le 13 Janvier 1945, l’Armée rouge lança son offensive vers Königsberg, qui résistera jusqu’au 11 Avril. Des atrocités furent commises de part et d’autre. Les accords de Postdam du 26 Juillet 1945 officialisèrent le partage de la Prusse orientale : le sud revint à la Pologne, le nord à l’URSS, Königsberg devint Kaliningrad, du nom d’un proche de Staline, Mikhail Kalinin, membre du Politburo de 1926 à 1946, et Président du Présidium du Soviet suprême de 1922 à 1946 et, à ce titre, un de ceux qui ont soutenu la décision du massacre de Katyn. 

Mikhail Kalinin

Si l’on calcule bien, Königsberg a été 690 ans teutonique, prussienne puis allemande, mais seulement 70 ans russe. Voilà ce qui, au vu des critères qui ont présidé à l’occupation puis à l’annexion de la Crimée par les Russes, donnerait des arguments à l’Allemagne pour récupérer la ville de Kant.

Il semblerait d’ailleurs que des émissaires de Mikhaïl Gorbatchev aient approché, après l’éclatement de l’URSS, le Ministre allemand des Affaires Etrangères, Hans-Dietrich Genscher, pour lui proposer l’achat de l’oblast ! Genscher avait décliné la proposition,  compte tenu de la charge financière que constituait déjà la réunification des deux Allemagnes. Mais imagine-t-on le problème que constituerait aujourd’hui un territoire allemand peuplé d’un million de Russes, séparé du territoire national allemand par la Pologne ?

La ville a gardé le nom de son hiérarque stalinien, même si des tentatives de lui redonner son ancien nom ou de l’appeler Kantgrad (Le philosophe Emmanuel Kant y a vécu de 1724 à 1804) ont été faites dans les années 1991 - 1995. Alors que Stalingrad était devenue Volgograd en 1961 et que Leningrad redevenait Saint Pétersbourg en 1991, il est étonnant que Kaliningrad n’ait pas changé de nom. Mais l’emploi du nom originel allemand a été massivement rejeté par la municipalité et par la population locale (bien que l’appellation familière courante en Russe soit Кениг  pour König), et aucun consensus ne s’est fait sur un autre nom.

Pour l’anecdote, si vous voulez aller de Lituanie à Kaliningrad, il faudra suivre les panneaux Karaliaučius ou parfois Kaliningradas !


Les tribus baltes au 12e siècle

dimanche 19 avril 2015

Exposition Rainis et Aspazija à l’UNESCO / Paris


Si vous vous intéressez quelque peu à la Lettonie, vous ne pouvez pas ne pas avoir – au moins- entendu parler de Rainis et Aspazija. Ce sont deux des plus grands poètes lettons, qui plus est mari et femme et nés la même année, il y a 150 ans.


Rainis, de son vrai nom Jānis Pliekšāns, est né le 11 septembre 1865 dans la région de Daugavpils. C’est en janvier 1880 qu’il entre au Lycée à Riga et qu’il commence à s’intéresser au folklore letton et à la poésie. Diplômé de la faculté juridique de Saint-Pétersbourg, il sera, à partir de 1888, successivement affecté au tribunal de Vilnius, puis à Jelgava en tant qu’avocat et à Panevėžys comme notaire.

C’est à Panevėžys qu’il est arrêté en mai 1897, car les autorités russes tzaristes l’accusent de faire parti de l’organisation antigouvernementale du Nouveau Courant (Jaunā Strāva). Il est écroué à la prison de Liepāja, puis à Riga, et enfin exilé à Pskov, puis à Slobodskoï (825 km au nord-est de Moscou) de 1897 à 1903. C’est là qu’il épouse Aspazija en 1897.

Après l’échec de la révolution de 1905, dont il était partisan, craignant de nouvelles persécutions, il part pour la Suisse le 31 décembre 1905, à Lugano. Il y restera jusqu’en 1921, et sera le premier à évoquer, en 1916, dans son poème « Daugava », l’indépendance de la Lettonie.

De retour en Lettonie en 1921 après l’indépendance de celle-ci, il sera Ministre de l’éducation de décembre 1926 à janvier 1928. Il décède des suites d’une maladie cardiaque le 12 septembre 1929. Un hommage national lui est rendu et il est inhumé au Nouveau Cimetière de Riga qui, la même année, est rebaptisé Cimetière Rainis (Raiņa kapi).


Aspazija, de son vrai nom Elza Pliekšāne, est née Elza Rozenberga le 16 mars 1865, près de Jelgava, Elle aussi s’engage dans des organisations de jeunesse et milite au Nouveau Courant, tout en s’intéressant à la littérature. C’est en participant aux activités du Nouveau Courant qu’elel rencontre Rainis.

A leur retour en Lettonie, en 1921, Aspazija prend part au mouvement féministe et rejoint le Parti social-démocrate du travail letton. Elle sera membre de la Saema sans interruption de 1920 à 1934.

Elle décédera le 5 novembre 1943 à Jūrmala et sera – bien sûr – inhumée au cimetière Rainis.


L’exposition « Aspazija et Rainis : la rebelle et l’humaniste. Histoire de deux poètes lettons » sera ouverte au public du lundi 20 au 24 avril 2015 de 09H à 17H30, et devrait vous permettre d’en savoir plus. Elle se tient à Paris, à la Maison de l’UNESCO, Salle des Pas perdus, 125 avenue de Suffren, dans le 7e arrondissement (admission sur présentation d’une pièce d’identité).



mardi 14 avril 2015

Lettonie : qui pour succéder à Andris Bērziņš ?

 
Andris Bērziņš, Président de la République de Lettonie


Le 2 juin 2011, le député Andris Bērziņš était élu par la Saeima (Parlement letton) Président de la République de Lettonie, au deuxième tour de scrutin (53 voix contre 41), face au Président sortant Valdis Zatlers. C’est un euphémisme de dire qu’il était peu connu. Certains médias étrangers ont même publié la photo d’un homonyme qui avait été Premier Ministre de 2000 à 2002 !

Andris Bērziņš avait manifestement bénéficié de la décision de Valdis Zatlers, prise cinq jours avant le scrutin présidentiel, de dissoudre le Parlement. Celui-ci s’était rendu coupable, à ses yeux, d’avoir refusé de lever l’immunité parlementaire du député et vice-Maire de Riga, Ainars Slesers, soupçonné de versement et de réception de pots-de-vin, de blanchiment d’argent, de fausses déclarations et d’abus de pouvoir, rien que ça ! Le vote négatif des parlementaires avait empêché le parquet d’effectuer des perquisitions au domicile du député. L’annonce de la dissolution du Parlement par Zatlers avait sans doute (car le vote est à bulletins secrets) privé celui-ci de quelques voix qui ont fait la différence.

L'ancien Président Valdis Zatlers

Andris Bērziņš est né en 1944. Il a fait une carrière principalement dans le secteur bancaire (Latvijas Unibankas) et à Latvenergo AS, la société nationale d’énergie. En Octobre 2010, il avait été élu député sur les listes de Zaļo un Zemnieku savienība (Union des Verts et des Paysans).

Quatre ans plus tard, au contraire de ses homologues estonien, Toomas Hendrik Ilves, et surtout lituanien, Dalia Grybauskaitė, Andris Bērziņš n’est guère plus connu. On me rétorquera que le système électoral letton (élection du Président par le Parlement de 100 membres, partagés entre 6 partis), mais aussi les pouvoirs réduits du Président, fixés par la Constitution, favorisent l’élection d’un « plus petit dénominateur commun ». 

La Lettonie peut toutefois s’enorgueillir d’avoir eu, de 1999 à 2007, avec la même Constitution, un Président qui comptait sur la scène internationale en la personne de Mme Vaira Vīķe-Freiberga.

L'ancienne Présidente Vaira Vīķe-Freiberga

Le vendredi 10 Avril, l’agence Leta annonça que le Président Bērziņš renonçait à briguer un second mandat. C’est la première fois depuis la restauration de l’indépendance en 1990 qu’un Président décide de son propre gré de ne pas briguer un second mandat. Sa décision a sans doute été prise après qu’il ait eu l’assurance que le Centre d’Harmonie (Saskaņas Centrs – SC) ne soutiendrait pas son éventuelle candidature.

Alors, qui pour succéder à Andris Bērziņš l’été prochain ? Je vous le dit tout net : je n’en sais rien !  Car le système est ainsi fait et les alliances imprévisibles, que bien fou serait celui qui se risquerait à un pronostic. Actuellement, c’est une coalition de centre droit qui gouverne et qui détient la majorité absolue au Parlement. Elle est composée d’Unité (Vienotība), de l’Union des Verts et des Paysans (Zaļo un Zemnieku savienība / ZZS) et de l’Alliance Nationale (Nacionālā apvienība „Visu Latvijai!” – „Tēvzemei un Brīvībai/LNNK”).

A défaut de pronostic, on me permettra un coup de cœur : Madame Sandra Kalniete, figure de la lutte pour l’indépendance de la Lettonie, ancien Ambassadeur de Lettonie en France (1997 – 2002), ancien Ministre des Affaires Etrangères de Lettonie (2002 – 2004), ancien Commissaire européen à l’agriculture (2004), député européen depuis 2009.
Mme Sandra Kalniete




lundi 6 avril 2015

2015, année Mykolas Kleopas Oginskis en Lituanie

Mykolas Kleopas Oginskis

En 2015, la Lituanie célèbre les 250 ans de la naissance de Mykolas Kleopas Oginskis (1765 – 1833) en faisant de ce diplomate, homme politique et compositeur de la République des Deux Nations polono-lituanienne le symbole culturel de l’année. 

Son père était le Duc lituanien Andrius Ignotas Oginskis (1739 – 1787), Grand-chancelier de Lituanie et Palatin de Trakai, mais Mykolas Kleopas est né le 25 septembre 1765 près de Varsovie. Très jeune, il montra son intelligence, mais aussi des dispositions pour la musique détectées par son premier professeur, le pédagogue français Jean Rolay. Plus tard il étudia le piano avec le maître musicien Jozef Kozlovskis et le violon avec Giovanni Battista Viotti.

Mais celui qui a exercé la plus grande influence sur lui fut son cousin Mykolas Kazimieras Oginskis (1730 – 1800), Palatin de Vilnius de 1764 à 1768, Grand Hetman du Grand-duché de Lituanie de 1768 à 1793, poète, peintre, musicien et éditeur de livres. On retrouvera d’ailleurs cette dualité entre l’artiste et l’homme politique chez Mykolas Kleopas Oginskis.  

La carrière politique et diplomatique de Mykolas Kleopas a commencé en 1786, à l’âge de 21 ans, et il a participé à la Diète (Seimas) de quatre ans, de 1788 à 1792. Très jeune, il exprime son amour de la patrie et de l’autonomie de la Lituanie. Ce sont les raisons pour lesquelles il est nommé, après le deuxième partage de la Pologne – Lituanie en 1793, trésorier du Grand-duché de Lituanie.

En 1794, Mykolas Kleopas Oginskis rejoint l’insurrection de Tadeusz Kosciuszko et est élu membre du Conseil suprême de la Nation lituanienne. Il organise sur ses propres fonds une division de cavalerie et participe à plusieurs batailles. Avec l’échec de la rébellion et le troisième et ultime partage de la Pologne – Lituanie en 1795, il doit s’exiler à l’étranger, et on pense que c’est à cette époque (1794) qu’il écrit sa fameuse polonaise „Atsisveikinimas su tėvyne“ (Adieu à la Patrie). Il écrit même à Napoléon pour demander son aide, mais celui-ci, bien que considérant que  - notamment – la Russie avait annexé illégalement la Pologne et la Lituanie, estima que c’était aux Polonais et aux Lituaniens de prendre eux-mêmes les armes pour retrouver leur indépendance.

En 1802, le Tsar Alexandre 1er l’autorise à revenir en Lituanie et il réside principalement à Rietavas en Žemaitija où il se consacre à la musique et à l’écriture. De 1803 à 1806, il devient membre du conseil scientifique de l’Université de Vilnius. En 1810 il devient membre du conseil secret du Tsar et il essaye de promouvoir l’idée d’un Grand-duché de Lituanie autonome au sein de l’empire russe. Après le Congrès de Vienne (1815) MK Oginskis perd l’espoir de voir la restauration de l’Etat lituanien.

En 1817, il publie deux recueils de romances et de polonaises. Mais il décide d’émigrer en Italie en 1822 – 1823 et résidera à Florence jusqu’à sa mort, le 15 octobre 1833.  

Château de Rietavas au XIXe siècle

  
Beaucoup d’idées de Mykolas Kleopas Oginskis ont été mises en œuvre après sa mort par son fils Irenėjus et son petit-fils Bogdanas, à partir du manoir familial de Rietavas. Le servage est aboli sur ses terres en 1835, la première école d’agriculture de Lituanie y est créée en 1859, une école de musique ouvre en 1872 et la première ligne téléphonique de Lituanie fonctionne en 1892 entre Plungė et Kretinga.

Un autre membre de la (grande) famille Oginskis a eu des liens étroits avec la France. En effet, un neveu de « notre » Mykolas Kleopas, Gabrielius Juozapas Oginskis (1784 – 1842) a été nommé chef de la Garde d’Honneur de Vilnius en juin 1812 avant de devenir membre de l’Etat-major de Napoléon 1er. D’autres sont décédés en France. Mais c’est une autre histoire ……

Une histoire de la famille Oginskis que je risque de raconter en 2016 à Plungė dont le château actuel a été acheté en 1873 par Mykolas Mikalojus Severinas Markas Oginskis (1849 - 1902), petit-fils de Mykolas Kleopas, frère de Bogdanas. Lequel en fera jusqu’à sa mort une école de musique où étudiera un certain Mikalojus Konstantinas Čiurlionis, le plus grand musicien lituanien.    


Armoiries de la famille Oginskis

dimanche 5 avril 2015

Lituanie : la tradition des margučiai


Tout d’abord, on voudra bien se rappeler que Pâques est avant tout une fête religieuse chrétienne commémorant la Résurrection de Jésus-Christ le troisième jour après Sa Crucifixion. Ce jour, qui marque la fin du Carême, est le jour le plus saint du calendrier chrétien, avant même Noël.

Au IVe siècle, l’Eglise avait instauré l’interdiction de manger des œufs pendant le Carême. Mais les poules s’obstinant à pondre, leurs œufs étaient décorés et offerts à Pâques. De là date dans les pays chrétiens la tradition de s’offrir des œufs le jour de Pâques. Les poules et autres lapins en chocolat sont des pratiques mercantiles venues bien plus tard.

En Lituanie, où le paganisme n’est jamais bien loin (la conversion officielle de l’Etat lituanien ne date que de 1386), il semblerait que la tradition de peindre des œufs, appelée « margučiai » soit plus vieille que la chrétienté. Les archéologues ont au moins trouvé des œufs en os et en argile, datant du XIIIe siècle, au pied de la colline de Gediminas à Vilnius. Et les œufs de Pâques sont mentionnés dans la dédicace du livre de Martynas Mažvydas « Hymnes de Saint Ambroise » datant de 1549.

Car les margučiai  sont censés détenir des pouvoirs magiques. Par exemple, lorsque les animaux étaient conduits aux pâturages pour la première fois du printemps, la femme du fermier plaçait un œuf dans le premier sillon labouré pour assurer une bonne récolte.

La peinture des margučiai avait lieu en principe en famille le samedi avant Pâques. Ils étaient décorés par gravure soit avec un outil pointu, soit par l'application de cire avec la pointe d’un bâton ou d’une épingle. La peinture des décorations en cire terminée, l'œuf était plongé dans un colorant noir, marron, rouge ou vert. Jusqu'au début du XXe siècle des matériaux naturels de teinture ont été utilisés, tels que pelures d'oignon, feuilles de bouleau et de chêne, foin, ou écorce d'aulne. Même si le motif le plus fréquent était celui du soleil, les combinaisons étaient si variées qu’il était impossible de trouver deux œufs de Pâques identiques. Chaque village avait son meilleur décorateur.

Le soir et la nuit de Pâques, les jeunes gens célibataires déambulaient à travers les villages en jouant de la musique. Ils s’arrêtaient dans chaque famille pour lui souhaiter une bonne année, une bonne récolte et une bonne santé. Là où il y avait une jeune fille à marier, ils entonnaient un chant spécial et ils étaient le plus souvent remerciés avec des œufs colorés.



Le jour de Pâques était le premier jour où l’on pouvait manger « gras » après le Carême. Aussi le repas était plutôt roboratif : agneau rôti au centre de la table, mais aussi gibier, porc rôti, jambon, saucisses, fromage, pâtisseries. La boisson traditionnelle était du kvass (boisson fermentée à base de pain) ou de l’eau de bouleau.

Les gens se rassemblaient pour danser et chanter, mais aussi pour jouer à un jeu encore en vigueur de nos jours : voir quel œuf était le plus résistant. On tapait les pointes des œufs les unes contre les autres et forcément l’une des deux cassait. On pouvait également (et on peut toujours) utiliser une rigole en bois dans laquelle chacun faisait rouler son œuf et, lorsque les œufs s’entrechoquaient, le plus faible cassait !  



LINKSMŲ ŠV. VELYKŲ ! IR DAUG STIPRIŲ MARGUČIŲ !




samedi 4 avril 2015

Retour sur mon voyage en Lettonie et en Lituanie


Le temps passe vite. Voilà plus d’une semaine que je suis rentré de mon voyage en Lettonie et en Lituanie, et je m’aperçois que je ne vous en ai pas encore parlé. Même si je constate que ça ne vous a apparemment pas traumatisés, je vais réparer cet oubli.

Le voyage a comporté deux parties bien distinctes : un long week-end à Riga, aux accents touristiques, et une petite semaine en Lituanie, à Kaunas et à Vilnius, axée sur trois conférences en deux jours. Retour sur quelques points forts.

La Bibliothèque Nationale

A Riga, je suis allé à la « nouvelle » Bibliothèque Nationale (Latvijas Nacionālā bibliotēka - http://www.lnb.lv/en) qui regroupe depuis plus d’un an les 14 anciens sites dispersés dans toute la ville. On pourrait regretter les vieilles boiseries et les fiches cartonnées de jadis. Mis il faut reconnaître que l’informatisation et la fonctionnalité du bâtiment sont un plus. Une seule surprise : il faut apparemment monter trois étages à pied avant de trouver un ascenseur !

A Riga, j’ai également visité le Musée National d’Histoire de la Lettonie (Latvijas Nacionālais vēstures muzejs - http://lnvm.lv/en/), installé Brīvības bulvāris 32 pendant les travaux de restauration du château suite à son incendie.

Avant ma conférence à Kaunas, Birutė Strakšienė, Présidente du Centre Culturel Français de KTU, et le Professeur Laiskonis m’ont emmené voir deux sites très napoléoniens :

      # A Naugardiškė, le site, marqué d’une sculpture en bois (ci-dessous), qui garde le souvenir de ce lièvre qui, le 23 juin 1812, a effrayé le cheval de l’Empereur Napoléon 1er, faisant rouler celui-ci à terre.



      # A Šilainiai, deux croix marquant un ancien cimetière de soldats de la Grande armée.



Pour ces deux sites, je vais m’enquérir, en accord avec l’Attaché Défense français, de leur position administrative, dans la mesure où ils méritent indubitablement d’être conservés.

J’ai surtout fait, le 24 mars au soir, une conférence qui a réuni entre 55 et 60 auditeurs, dont certains venus de Plungė et Marijampolė, ce qui est à mes yeux un beau succès. Cela m’incite surtout à revenir l’année prochaine, comme je le fais depuis plusieurs années, dans le cadre du mois de la Francophonie, organisé par l’infatigable Birutė Strakšienė.

Conférence à Kaunas, avec Birutė Strakšienė

Je n’ai pas eu le même succès à Vilnius puisque seules 12 personnes se sont déplacées pour ma conférence à l’Institut français.  Ca m’a toutefois donné l’occasion de rentrer de « vieilles » amies, notamment Caroline Masiulis qui a lancé ma conférence.

Conférence à Vilnius avec Caroline Masiulis

Enfin, pour la deuxième année consécutive, j’ai également fait un exposé à l’Ecole Française de Vilnius. C’est toujours pour moi un défi car les ados ne sont pas mon public habituel.  Mais par chance, cette année, parlant de la Première Guerre mondiale dans les Etats baltes, je n’ai pas eu de question sur le basket……  

A l'Ecole Française de Vilnius

L’année prochaine, si Dieu me prête vie et si les « petits hommes verts » ne me précèdent pas, je retournerai bien évidemment à Kaunas, mais j’irai aussi sans doute à Plungė, où j’avais jadis, quand je résidais en Lituanie, reçu un excellent accueil.
      



vendredi 3 avril 2015

3 avril 1940 : début des massacres de Katyń


Le 1er septembre 1939, l’Allemagne attaque la Pologne par l’ouest, le 17 septembre 1939, l’URSS, alliée des nazis depuis le pacte Molotov – Ribbentrop (23 août 1939), l’attaque par l’est. (Pour légitimer leur attaque, les soviétiques prétextent le besoin de protection des populations biélorusses et ukrainiennes : ça ne vous rappelle rien de plus récent ?). Environ 250 000 soldats polonais, dont 10 000 officiers sont faits prisonniers par les soviétiques. 

Fin février 1940, 6 192 policiers et assimilés (gendarmes, gardiens de prisons, gardes frontières, responsables scouts) et 8 376 officiers, ainsi que des membres de l’élite de la société civile polonaise (médecins, avocats professeurs) sont encore internés dans trois camps de concentrations : Kozielsk, Ostachkov et Starobielsk.

Lavrenti Beria

Le 5 mars 1940 : les membres du Politburo (Staline, Vorochilov, Mikoyan, Molotov, Kaganovitvh et Kalinine) donnet leur accord à la demande de Lavrenti Beria, chef du NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires Intérieures = police politique), d’appliquer la peine de mort par fusillade à 25 700 « prisonniers polonais, anciens officiers, fonctionnaires, agents de police,a gents de renseignement, gendarmes, {…}, membres de diverses organisations contre-révolutionnaires d’espions et de saboteurs », sans comparution devant des tribunaux, ni acte d’accusation !  (Cf. document ci-dessous)



Entre le 3 avril et le 13 mai 1940, 4 404 prisonniers de Kozielsk sont abattus d’une balle dans la nuque dans la forêt de Katyń et ensevelis dans des fosses communes. Les 3 896 prisonniers de Starobielsk sont assassinés dans les locaux du NKVD à Kharkov (aujourd’hui Kharkiv en Ukraine) et les 6 287 prisonniers d’Ostachkov sont assassinés à Kalinine (aujourd’hui Tver). En trois mois, les massacres ont donc concerné plus de 14 400 Polonais, auxquels il faut ajouter 7 800 membres de réseaux de résistance et fonctionnaires divers.   


On soulignera que les exécutions se sont généralement faites au moyen de pistolets Walther de fabrication allemande, provenant d’arsenaux militaires estoniens saisis par les soviétiques. Il semble donc bien que, dès l’origine, Staline voulait rendre son allié allemand responsable des massacres.

Le 22 juin 1941, l’Allemagne nazie se retourne contre son allié soviétique et envahit la Russie, cœur névralgique de l’URSS : c’est l’opération Barbarossa.

Au printemps 1943, des militaires allemands mettent à jour les corps de plus de 4 500 officiers polonais, empilés dans plusieurs fosses. Le 13 avril 1943, la presse allemande révèle la découverte et attribue le massacre au NKVD. Deux jours plus tard, les dirigeants nient leur responsabilité et en rendent responsables les Allemands leur de leur avance de 1941. Une commission internationale, composée essentiellement de représentants de pays alliés de l’Allemagne et de Suisses, conclut que les assassinats ont eu lieu au printemps 1940, ce qui en fait porter la responsabilité aux soviétiques. Une commission d’enquête de la Croix-Rouge polonaise arrive aux mêmes conclusions, mais son rapport n’est pas rendu public, afin de ne pas alimenter la propagande allemande. Le rapport est transmis au gouvernement britannique qui ne le publiera qu’en …… 1989.

Ce n’est que le 13 octobre 1990 que Mikhaïl Gorbatchev reconnaîtra la responsabilité irréfutable de l’Union soviétique dans le massacre de Katyń, présentera ses excuses officielles au peuple polonais et ne transmettra aux autorités polonaises des documents d’importance secondaire.

En 2005, après une dizaine d’années d’instruction, le procureur général militaire russe Alexandre Savenkov clôturera le dossier par un non-lieu, qualifiant le massacre de « crime militaire » de droit commun (donc ni génocide, ni crime contre l’humanité), donc bénéficiant de la prescription (50 ans). Vladimir Poutine explique que le massacre de Katyń est une vengeance de Staline, battu devant Varsovie en 1920 ! Et, dans le même temps, porte Staline au pinacle des vainqueurs de la « Garnde guerre patriotique ».  

Le 10 avril 2010, alors qu’il se rendait aux commémorations, le président polonais Lech Kaczyński périt, ainsi que toute la délégation polonaise à bord, dans la catastrophe aérienne de son Tupolev Tu-154, à l’approche de Smolensk. Certains y voient encore aujourd'hui plus qu’une coïncidence.