lundi 8 août 2016

Georges Matoré : dans les prisons soviétiques en Lituanie (1940)

Insigne du NKVD


Né le 8 août 1908, il y a donc exactement 108 ans, Georges Matoré était un lexicologue français qui a consacré sa vie à l'étude des langues, Et une partie de cette vie s'est déroulée en Lituanie.

Ayant appris l'arabe à l’École nationale des langues orientales, il est affecté en 1938 comme lecteur à l'Institut commercial et à l’École normale supérieure de …… Klaipėda !! Il y arrive le 5 octobre 1938. Mais, suite à un ultimatum d'Hitler, la ville est occupée par les Allemands le 22 mars 1939 et redevient Memel. Georges Matoré quitte Klaipėda dès le lendemain, 23 mars 1939, ses postes étant transférés l'un à Šiauliai, l'autre à Panevėžys.

Matoré, qui était un militant actif du Parti Communiste Français, quitte celui-ci après le pacte Molotov – Ribbentrop du 23 août 1939, regrettant de ne pas l'avoir fait avant, Mais c'est justement en accord avec le pacte Molotov – Ribbentrop que l'U.R.S.S. occupe militairement la Lituanie (et les autres Etats baltes) à partir du 15 juin 1940. Dans la nuit du 11 au 12 juillet 1940, les agents du NKVD (police politique soviétique) procèdent à des arrestations massives de fonctionnaires, d'officiers, de chefs de partis, etc.….. et seuls les membres du Parti Communistes (rebaptisé « Union du peuple ouvrier ») sont autorisés à se présenter aux « élections » du 14 juillet. Le 3 août 1940, la Lituanie est incorporée à l'URSS (cf. http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2016/08/3-aout-1940-incorporation-de-la.html)

Le 12 août 1940, les missions diplomatiques à Kaunas (à l'exception notable du Ministre d'Allemagne) reçoive l'ordre de quitter le territoire avant le 25 août (délai prolongé jusqu'au 5 septembre), la Lituanie n'existant plus (sic). Georges Matoré, lui, reste, d'après lui le seul Français de Lituanie, par amour d'une Lituanienne, Aldona. Il est invité par les autorités soviétiques (Vladimir Dekanozov lui-même, vice-Commissaire du peuple aux Affaires Étrangères et proconsul soviétique en Lituanie) à enseigner à l'université de Vilnius, en tant que lecteur de langue et de littérature françaises.

Mais, le 20 octobre 1940, coup de théâtre : Georges Matoré est arrêté à Šiauliai par le NKVD et est accusé « d'espionnage et de liaison avec des éléments contre-révolutionnaires ». Il est mis deux mois au secret avant d'être transféré fin décembre à la Sûreté (Saugumas) de Kaunas, puis, encore deux mois plus tard, à la prison de la rue Mickevičius, toujours à Kaunas. Son livre « Mes prisons en Lituanie » (Éditions du Griot, Boulogne 1992) décrit sa vie dans cet univers carcéral soviétique et est à ce titre un témoignage capital.


Il ne sort de prison (le 23 juin 1941) que grâce à l'offensive allemande, se retournant contre son ancien allié soviétique, du 22 au 27 juin 1941. Le 5 juillet 1941, il rejoint Vilnius à pied, parcourant 100 km en deux jours (!) et retrouvant Aldona qu'il épouse 15 jours après. Il est réintégré à l'université de Vilnius, restannt sous la menace, mais cette fois-ci allemande. Il est d'ailleurs arrêté en mai 1942 pendant 48 heures par la Gestapo, accusé d'avoir hébergé des Juifs.

Geoges Matoré réussit à revenir à Paris, seul, en traversant l'Allemagne, de décembre 1942 à janvier 1943. Puis il revient chercher Aldona et quitte définitivement la Lituanie avec elle, le 20 mars 1943.

Georges Matoré deviendra assistant à la Sorbonne, puis il est nommé en 1949 professeur à la faculté de lettres de Besançon. Il retrouvera la Sorbonne en 1952 comme professeur de linguistique, poste qu'il occupera jusqu'à sa retraite. Il décédera le 5 octobre 1998, à l'âge de 90 ans.

Vue actuelle de la prison, 11 rue Mickevicius à Kaunas





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