mardi 9 avril 2019

Kurapaty : le Bélarus réhabilite-t-il Staline ?



Le Président Bill Clinton s'était recueilli à Kurapaty en 1994. La plaque commémorative a été vandalisée le 1er février 2019

Kurapaty est un lieu dans la banlieue de Minsk, capitale du Bélarus, où les agents du NKVD soviétique ( Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou Commissariat du peuple aux Affaires intérieures) ont assassiné des milliers de civils, biélorusses et autres, entre 1937 et 1941.

Les charniers de Kurapaty ont été découverts et la vérité n'a été connue qu'en 1988, quand Zianon Pazniak (plus tard fondateur du Front Populaire Bélarusse) et Yauhen Šmyhaliou ont publié un article « Kurapaty – la route de la mort ». Cela déclencha les premières manifestations de masse anti-soviétique dans la Biélorussie moderne.

Si les premières autorités du Bélarus indépendant ont attribué le statut de site de mémoire à Kurapaty, l'affaire reste sujette à controverses. Il faut dire que les autorités bélarusses actuelles rechignent à évoquer les répressions staliniennes, le Grande Terreur n'est pas traitée dans les livres scolaires et les historiens n'ont pas accès à la totalité des archives. On ne connaît même pas le nombre exact des victimes, que les historiens estiment entre 40 000 et 250 000 ! Le périmètre de la zone n'est même pas clairement délimité. Dans la « grande tradition soviétique » (cf . Le massacre de  Katyń en 1940), on a essayé en 1994 de mettre le massacre sur le dos des Allemands.

Les premiers incidents avaient déjà éclaté de septembre 2001 à juin 2002 quand des activistes de l'opposition avaient campé sur le site pendant 8 mois pour s'opposer à la construction d'une voie express qui aurait traversé le site en plein milieu. C'est à cette époque qu'ils avaient érigé des croix pour délimiter le site.



En 2009, des tombes de victimes du NKVD avaient été vandalisées.

En 2012, les autorités de Minsk approuvèrent la construction d'un centre de loisir dans la zone protégée. Devant les protestations, le Ministre de la Culture ….. déplaça les limites de la zone protégée, au grand dam des historiens et de la société civile. La construction a été achevée en 2015 mais demeure fermée.

En février 2017, c'est la construction d'un business center qui a remis le feu aux poudres. Cette fois, la protestation a pris un tour nettement plus politique, clairement anti-Loukachenko, le Malady Front (Front de la Jeunesse) recevant le soutien, outre des résidents locaux et de groupes de la société civile, des Chrétiens Démocrates, du Parti Civil Uni et du mouvement « Pour la Liberté ».



Ce 4 avril 2019, la police a bouclé le périmètre de Kurapaty, et des ouvriers forestiers ont commencé l'enlèvement des croix qui avaient été mises en 2001-2002. Il faut dire que le mois dernier, Loukachenko s'était plaint (pour quelle raison?) de la présence de ces croix. 15 manifestants qui tentaient de s'opposer à l'enlèvement des croix ont été arrêtés.



On en est là pour l'instant. Nul doute que les forces de l'ordre de cet État policier sauront garder la situation en main. Et ce n'est pas une surprise que l'autocrate de Minsk, à l'instar de son mentor du Kremlin, fasse preuve d'un tropisme notoire pour le dictateur Staline. Car, dans le même temps, on fleurit le « petit père des peuples » à 15 km de Kurapaty.


Voir également mon article du 5 décembre 2012 : « Belarus : qui en veut au site de mémoire de Kurapaty ? » http://gillesenlettonie.blogspot.com/2012/12/belarus-qui-en-veut-au-site-de-memoire.html

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