On connaît relativement
bien à l’ouest le massacre à Katyń,
au printemps 1940, de plus de 20 000 polonais, dont 4 500 officiers,
par le NKVD soviétique, sur ordre personnel de Staline signé le 5 Mars 1940. Ce
massacre avait été mis sur le dos des Allemands, faisant même l’objet d’une
manipulation au procès de Nuremberg. Ce n’est qu’en 1990 que l’URSS avait
reconnu que les massacres avait été ordonnés par les responsables soviétiques,
et il fallut attendre le 26 Novembre 2010 pour que la Douma russe
reconnaissance la responsabilité personnelle de Staline.
Il s’est déroulé les mêmes
atrocités à Kurapaty, dans la
banlieue de Minsk, à la différence près que le pouvoir bélarusse actuel n’est
manifestement pas disposé à revoir sa réécriture de l’histoire.
Le Dr Zianon Pazniak |
La découverte des
charniers de Kurapaty fut rendue publique par le Dr Zianon Pazniak le 3 Juin 1988, dans un article intitulé « Kurapaty
– Le chemin de la mort », publié dans le journal de l’Union des Ecrivains.
Fondé sur les premières observations archéologiques et sur des témoignages, l’article
prouvait que les charniers concernaient des crimes commis par le NKVD (police
politique soviétique de 1934 à 1954, date à laquelle il a cédé la place au KGB)
entre 1937 et 1941. Une commission d’enquête a confirmé ultérieurement que les
victimes étaient des Biélorusses de condition sociale modeste (paysans,
ouvriers agricoles, intellectuels des campagnes) qui avaient été tués avec des
pistolets soviétiques de type Nagan. Malgré des enquêtes ultérieures, le nombre
de victimes n’a pas pu être établi avec précision (entre 30 000 et 250 000).
Zianon Pazniak, qui, à la
même époque fut un des co-fondateurs du Front Populaire Bélarus (parti
politique et mouvement culturel à l’image de Sajūdis en Lituanie), obtint l’asile
politique aux Etats-Unis en 1996, se disant menacé par les sbires d’Aliaksandre
Loukachenka (au pouvoir depuis 1994).
Dziady |
Depuis 1988, les
Biélorusses se rendent à Kurapaty à l’occasion de Dziady (Дзяды – littéralement « grands pères »), fin
Octobre – début Novembre, en mémoire des victimes de la répression soviétique.
Mais ces célébrations et le souvenir de ces
crimes ne sont manifestement pas du goût de tout le monde.
En 1994, Le Président Bill Clinton a visité le
site et a fait don d’un banc en granit, qui a été endommagé trois fois et a encore
récemment été tagué.
Le banc Clinton tagué en 2012 |
En 2001, le régime de Loukachenka n’avait rien
trouvé de mieux que de vouloir faire passer une autoroute sur ce lieu de mémoire. Il faut dire qu’il n’a
jamais reconnu qu’il se soit agi d’un crime soviétique. De jeunes manifestants
du Front Populaire Bélarusse, de Zubr et d’autres organisations, en organisant
l’occupation des lieux, ont réussi à stopper les pelleteuses.
La croix des martyres du Bélarus en 2007 |
En 2007, des vandales avaient déjà brisé la croix
des martyres du Bélarus. En Novembre 2012, la croix en mémoire des Officiers
polonais assassinés par les soviétiques a été détruite, et re-détruite en ce
début Décembre, trois jours après sa réinstallation. L’acte a été revendiqué
par l’organisation « L’avant-garde de la Jeunesse Rouge » ! Avec
la bénédiction du régime ? L’histoire ne le dit pas. Mais quand on sait
que les pèlerinages à Kurapaty exaltent le sentiment national et arborent le drapeau
historique biélorusse blanc-rouge-blanc (ci-dessous), on peut imaginer que Loukachenka ne voit pas ça
d’un bon œil.
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai découvert l'existence de Kurapaty en lisant le livre "Les abandonné"(The forsaken) écrit en 2008 en Angletterre, traduit chez Lattès en 2009. Le livre évoque principalement le sort tragique de milliers d'Américains vivant en Union Soviétique pendant l'entre-deux-guerre.
"Dans les charniers de Kurapaty, près de Minsk en Biélorussie, on avait vu bouger le sable répandu sur chaque couche de victimes. Là, les tombes couvraient plusieurs hectares de bois et les victimes étaient exécutées au bord des fosses. A Kurapaty, les exécutions se poursuivirent pendant quatre ans et demi, les fosses étant creusées et remplies de cadavres les uns après les autres. Comme en Ukraine, le NKVD avait élevé des clôtures de trois mètres de haut autour des lieux d’exécution. Les habitants du village avaient entendu les supplications des victimes résonner dans l'air de la nuit. Même dans les derniers mois de la Terreur, lorsque les Nazis bombardaient Minsk en juillet 1941, les exécutions continuèrent. Au début de la guerre, 250 000 personnes avaient enterrées dans l'un des huit charniers autour de Minsk."
p.129/130, "Les abandonnés", Tim Tzouliadis, Lattès 2009