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mercredi 15 avril 2020

Jean-Paul Sartre et la Lituanie




Idole de la jeunesse bourgeoise d'après-guerre, compagnon de route du communisme soviétique, Jean-Paul Sartre est mort le 15 avril 1980. Avec sa compagne Simone de Beauvoir, il se rend fréquemment en Union soviétique et dans les démocraties populaires entre 1962 et 1966.

Sartre a une double raison de se rendre en URSS. L'une est politique : il croit à la volonté de Krouchtchev d'aller jusqu'au bout de la déstalinisation. L'autre est affective : il a noué (avec l'accord de Simone de Beauvoir!) une liaison amoureuse avec sa traductrice-guide-interprète, Lena (en fait Lénina) Zonina.

Lénina Zonina et Simone de Beauvoir

En 1965, donc dans le contexte de la guerre froide, tous trois se rendent en Lituanie depuis Moscou, à l'invitation des écrivains lituaniens, du 26 juillet au 3 août.  Après la longue rupture qui avait suivi les événements de Hongrie (1956), les intellectuels de l’Est et de l’Ouest commençaient à renouer des contacts.  Par son choix double - Moscou et la Lituanie - Sartre avait peut-être voulu, comme l'a écrit Mykolas Sluckis , exprimer une certaine indépendance d’esprit. D'après Cécile Vaissié, il n'en est apparemment rien : ce voyage est le neuvième de Sartre en URSS et, pour lui, la Lituanie n’est qu’une république soviétique parmi d’autres. ! En tout état de cause, la visite du philosophe est en Lituanie un événement.



Des rencontres sont organisées : une avec des gens de lettres et des travailleurs de la culture, à l’Union des écrivains lituaniens, d’autres plus informelles chez des artistes ou chez Kostas Korsakas, le directeur de l’Institut de langue et littérature lituaniennes. Toujours assez hautaine, Beauvoir trouvera Vilnius « médiocrement intéressant». La suite du programme est celle, classique, d’un voyage touristique : Trakai ; Kaunas, son « fort où des résistants furent enfermés par les Allemands», le musée Čiurlionis et l’église Saint-Michel où se trouve alors le Christ en bois de Juozas Mikenas; Klaipėda; Nida et ses dunes ; Palanga. Sans la moindre journée de liberté. Pour plus de détails : http://www.cahiers-lituaniens.org/sartre.htm

Antanas Sutkus

Sartre refusait alors tout reportage. Mais Antanas Sutkus, alors jeune photographe lituanien (26 ans), les accompagne pendant ce voyage à travers la Lituanie. Les quelques quatre-vingts clichés qu'il a pris pendant ce séjour sont donc un témoignage unique et ont fait l'objet d'un livre, publié en 2005,  « Sartre & Beauvoir, cinq jours en Lituanie ».



Enfin, réalisée par le sculpteur Klaudijus Pudymas, une sculpture en bronze de Jean-Paul Sartre a été inaugurée jeudi 21 juin 2018 à Nida, reprenant la photo mythique d'Antanas Sutkus.






dimanche 5 avril 2020

5 avril 1242 : la bataille des glaces



Au cours des croisades baltes, l'ordre militaire des chevaliers Porte-Glaive fut fondé en 1202 à Daugavgrīva (Dünamünde) à l'initiative de Albert de Buxhoevedenévêque de Riga ; il était composé de « moines guerriers » germaniques dont l'objectif officiel était de christianiser les populations baltes païennes de Livonie au besoin au fil de l'épée. Leur règle se fondait principalement sur celle des Templiers.

Après des succès initiaux, les chevaliers Porte-Glaive furent battus sévèrement par les Samogitiens le 22 septembre 1236 à la bataille de Saulė, leur grand maître Volquin de Naumbourg trouvant la mort sur le champ de bataille. Hermann von Salza, grand maître de l'ordre Teutonique en Prusse, prit alors l'initiative de négocier avec le pape Grégoire IX le rattachement des chevaliers Porte-Glaive. L'année suivante, les restes de l'ordre furent incorporés dans celui des chevaliers Teutoniques sous le nom d'ordre de Livonie.



À partir de 1237, l'ordre-uni conquit toutes les régions baltes de Courlande, de Zemgale et de Livonie, alors que le nord de l'Estonie autour de Tallin (Reval) restait sous le contrôle du roi Valdemar II de Danemark. Néanmoins, les tentatives de l'ordre d'envahir la République de Novgorod à l'est et d'occuper la ville de Pskov furent infructueuses.

Pourtant, espérant exploiter la faiblesse de la Russie dans le sillage des invasions mongoles et suédoises, les chevaliers occupèrennotamment Pskov à l'automne 1240. Sentant le danger, les habitants de Novgorod rappellèrent le jeune Alexandre Nevski, ce surnom (« de le Néva ») lui ayant été donné après sa victoire contre les Suédois le 15 juillet 1240 sur les rives de la Néva.

Dans l'espoir de surprendre l'armée de Novgorod, les chevaliers teutoniques, menés par le grand maître de l'ordre Hermann de Dorpat, empruntèrent un itinéraire très audacieux et mais qui allait se révéler très dangereux: il fit traverser à son armée l'étendue gelée du lac Peïpous en direction de Pskov. Les Russes les attendaient sur la rive et avaient prévu de les maintenir sur le lac coûte que coûte.



In fine, les Teutoniques furent battus, perdant 400 chevaliers, dont une vingtaine de l’ordre teutonique. Seul le grand maître, quelques évêques et une poignée de chevaliers réussirent à retourner à Dorpat (Tartu), après la bataille. Mais, contrairement à la théorie la plus connue, la glace du lac ne se serait jamais rompue parce qu'elle ne soutenait plus le poids des armures et des destriers teutons. La légende serait due au film Alexandre Nevski de 1938, de Sergueï Eisenstein.

Cette bataille met définitivement fin à l'expansion des croisés vers les principautés russes. 



Pour voir le film de Sergeï Eisenstein (né à Riga) dans son intégralité :