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lundi 27 novembre 2017

26 novembre 1855 : mort d’Adam Mickiewicz à Constantinople


Adomas Bernardas Mickevičius à la lituanienne, ou Adam Bernard Mickiewicz à la polonaise, naît à Nowogrodek (Naugardukas) dans l'actuel Bélarus le 24 décembre 1798, donc peu de temps après le troisième et dernier partage de la Pologne – Lituanie. Il est issu d’une famille de petite noblesse lituanienne, de celles qui se sont polonisées après l’Union de Lublin (1er juillet 1569), installée dans une région biélorusse du Grand-duché de Lituanie.

Après avoir étudié dans une école de Dominicains à Nowogrodek, il rejoint en septembre 1815 l’Université impériale (de langue polonaise) de Vilnius où il suit des études scientifiques et philologiques afin de devenir enseignant. Il enseignera d’ailleurs dans une école secondaire de Kaunas de 1819 à 1823.



Adam Mickiewicz est d’abord l’un des plus grands poètes romantiques européens et il est, avec Juliusz Slłowacki (Volhynien du Grand-duché de Lituanie) et Zygmunt Krasiński, l’un des trois « bardes polonais ». Le fait est connu, et je ne m’étendrai pas dessus. Sinon pour rappeler que son œuvre la plus connue, « Pan Tadeusz » (« Ponas Tadas ») commence par :

Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé,
Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.
Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,
Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes.  

Affiche du film "Pan Tadeusz" d'Andrzej Wajda

Mais, le 1er octobre 1817, étudiant à Vilnius, il est parmi les co-fondateurs d’une société secrète, les Philomates, qui a des liens avec une société encore plus radicale, prônant l’indépendance de la Pologne, les Philarètes. En 1823, l’organisation est découverte par les autorités russes et, après un long procès, 108 membres sont emprisonnés ou envoyés aux travaux forcés (katorga) en Sibérie. Mickiewicz est emprisonné au monastère des Basiliens à Vilnius du 23 octobre 1823 au 21 avril 1824.


Monument Mickiewicz à Vilnius 

A partir de 1824, une fois sorti de prison, Adam Mickiewicz fut banni et dut partir pour la Russie centrale, principalement à Saint-Pétersbourg (où il arriva fin novembre 1824) et à Moscou. Il alla toutefois, de février à novembre 1825, à Odessa et en Crimée, ce qui lui inspira les « Sonnets Criméens ».

En 1829, il fut autorisé à voyager en Europe et se rendit d’abord principalement dans ce qui n’était pas encore ni l’Allemagne ni l’Italie. Il n’est pas impossible qu’il ait passé des messages au profit des Carbonari (révolutionnaires italiens) et de l’argent de la part de la diaspora polonaise en France pour les insurgés polonais en Pologne.

Le 31 juillet 1832, Adam Mickiewicz s’installe à Paris où il se marie avec Celina Szymanowska le 22 juillet 1834. Pan Tadeusz est publié à Paris en juin 1834. Après une parenthèse comme professeur de littérature latine à l’Université de Lausanne (1838 – 1840), il revient à Paris tenir la chaire de langues et littératures slaves au Collège de France (1840 – 28 mai 1844).

Progressivement, il s’engagea en politique, allant jusqu’à créer le 29 mars 1848 à Rome une « Légion Mickiewicz », destinée à prendre part à la libération de l’Italie mais dont l’effectif restera symbolique. En France, il publie un journal, « La Tribune des peuples », du 29 mars au 10 novembre 1849, où il soutient la démocratie et le socialisme, ainsi que les idéaux de la Révolution française. Il soutient les franco-britanniques engagés dans la guerre de Crimée, espérant l’avènement d’un nouvel ordre européen et le retour de la Pologne à l’indépendance.  

Il quitte d’ailleurs Paris le 11 septembre 1855, chargé d’une mission diplomatique par le gouvernement français vers l’Empire ottoman : organiser des unités polonaises qui combattraient les Russes sous commandement ottoman. Mais, ayant vraisemblablement contracté le choléra (certains disent qu’il aurait été empoisonné), il meurt dans son appartement du quartier de Pera à Constantinople (Istanbul) le 26 novembre 1855.  

Musée Mickiewicz à Istanbul, dans la maison où il résidait

Les restes d’Adam Mickiewicz furent transportés en France et furent inhumés au cimetière des Champeaux à Montmorency (Val d’Oise), Panthéon de l’immigration polonaise. En 1890, ils sont transférés à Cracovie et inhumés solennellement le 4 juillet dans la cathédrale du Wawel (crypte des grands poètes nationaux).  

Tombe d'Adam Mickiewicz dans la cathédrale du Wawel





vendredi 24 novembre 2017

Visite papale dans les États baltes


Sa Sainteté le Pape François devrait effectuer un voyage dans les États baltes du 16 au 18 septembre 2018. Le dernier Pape à être venu dans la région, il y aura alors 25 ans, est Saint Jean-Paul II, du 4 au 10 septembre 1993.

Le Pape François et la Présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité

Ceux qui me connaissent quelque peu savent que, pour moi, nous devons la chute de l’URSS à deux hommes : le Président américain Ronald Reagan et le Pape Jean-Paul II. Ce dernier, pour qui les idéologies et le totalitarisme allaient à l’encontre de la dignité de l’homme, favorisa en Pologne, dont il était originaire, une résistance intransigeante contre le communisme, soutenant le syndicat Solidarność et Lech Wałęsa, mais plus généralement les dissidents du bloc soviétique.

Il n’est donc pas étonnant que, dès Septembre 1993, quelques jours après le retrait des derniers soldats russes du territoire lituanien, ce Pape venu de l’est ait effectué une visite apostolique dans les États baltes. 

Ce voyage, première visite du Pape dans une région issue de l’URSS, prit l’allure d’un pèlerinage en pays martyr car, entre 1945 et 1955, quatre évêques, 185 prêtres et 275 000 laïcs catholiques avaient été arrêtés, emprisonnés ou déportés en Sibérie. Par exemple, aucun évêque lituanien n’avait pu participer au Concile Vatican II, il n’y avait plus aucun séminariste, les biens de l’église avaient été confisqués, la cathédrale de Vilnius avait été transformée en galerie de peinture, et l’église Saint-Casimir en musée de l’athéisme !

En se posant à Vilnius le 4 Septembre 1993, en Lituanie pays natal de sa mère qu’il avait perdue à l’âge de neuf, Jean-Paul II était conscient du réconfort moral qu’il apportait à cette nation qui était restée catholique à 80 % en dépit des persécutions. Au cimetière d’Antakalnis, il évoqua également les martyrs de l’indépendance, appelant la population au pardon et à la réconciliation.

Le Pape Jean-Paul II à la Colline des Croix

Les souvenirs de la visite de Jean-Paul II sont nombreux, voire omniprésents, en Lituanie. A Vilnius : Porte de l’Aurore, dans la cathédrale, dans l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Kaunas, à la colline des Croix, à Šiluva (le Lourdes de la Lituanie, où la Vierge serait apparue en 1608), j’en oublie sans doute. On notera également que l’œcuménisme a été présent tout au long de ce voyage, avec des rencontres de prières avec les autres communautés chrétiennes à la cathédrale luthérienne de Riga et à l’église luthérienne Saint-Nicolas à Tallinn, mais aussi avec la communauté juive de Vilnius.   

Plaque commémorative près de la Porte de l'Aurore à Vilnius

Car, même en Lettonie luthérienne, même en Estonie largement déchristianisée, même en Lituanie dernier État païen en Europe, on n'oublie pas que les racines de cette Europe sont chrétiennes et on n'a pas fait de la laïcité un dogme idéologique. Gageons donc que le Pape François sera partout bien accueilli.

Le Cardinal lituanien Audrys fidèles et s
Le Cardinal letton Jānis Pujats

NB : l'Eglise catholique d'Estonie ne compte environ que 9 000 fidèles et est dirigée par un administrateur apostolique d'origine française, Mgr Philippe Jourdan




dimanche 12 novembre 2017

En Lettonie, le 11 novembre est le jour de Lāčplēšis


 
A l’ouest de l’Europe, le 11 novembre est celui de 1918, la date de signature du cessez-le-feu mettant fin aux combats de la Première Guerre mondiale. Mais la Lettonie célèbre, elle, un autre 11 novembre, celui de 1919.

Le 11 Novembre, les Lettons célèbrent en effet le Jour de Lāčplēšis (Lāčplēša Diena). Ce jour a pour objet de commémorer le combat des habitants de la Lettonie contre tous les envahisseurs (et Dieu sait qu’ils ont été nombreux).
 

Mais, sur le plan historique, c’est surtout une réminiscence du 11 Novembre 1919, victoire dans la guerre de libération nationale, qui s’est déroulée de Décembre 1918 à Août 1920. Ce jour-là marque la fin de la bataille de Riga, victoire de l’armée lettone sur celle de Bermondt-Avalov, ce pseudo prince russe, mais véritable aventurier aux origines incertaines, qui avait formé des Corps francs russo-allemands, avec la bénédiction du général allemand Von der Goltz censé avoir retiré ses troupes de Lettonie. 
Pavel Bermondt-Avalov
 
Lāčplēšis fait référence au personnage central d’un poème épique éponyme, écrit entre 1872 et 1887, à l’époque donc de la Renaissance nationale du peuple letton, par Andrejs Pumpurs (1841 – 1902), une figure marquante du mouvement «Jaunlatvieši » (« Nouveaux Lettons »).
Andrejs Pumpurs
 
Lāčplēsis avait été choisi par les dieux pour devenir le héros de son peuple. Son nom signifie pourfendeur d’ours car, jeune homme, il avait déchiqueté un ours de ses propres mains, épisode qui apparaît sur le socle du Monument de la Liberté à Riga (cf. ci-dessous). Après maintes aventures, où la lutte de Lāčplēsis contre les Germaniques est omniprésente, le héros disparaît finalement dans la Daugava avec son dernier adversaire, le Chevalier noir, celui-ci ayant découvert que la force de Lāčplēsis résidait dans ses oreilles (sa mère étant une ourse). Mais la légende dit que Lāčplēsis reviendra pour libérer son pays en rejetant le monstre à ma mer. Les ennemis potentiels de la Lettonie sont prévenus.
 

NB : La Fête Nationale lettone tombe une semaine plus tard, le 18 Novembre, et commémore la Proclamation d’Indépendance (Latvijas republikas proklamēšana diena) du 18 Novembre 1918..

On notera que l’Ordre de Lāčplēsis a été institué à cette occasion et que les premiers récipiendaires l’ont reçu le 11 Novembre 1920 (il a été attribué jusqu’en 1928). Parmi les récipiendaires, j’ai compté 49 Français s’étant illustrés lors de la guerre d’indépendance de la Lettonie, dont certains sont bien connus des spécialistes de cette période : le Général Niessel, le Général Janin, le Capitaine de Vaisseau Brisson et le Lieutenant-colonel du Parquet. Mais on trouve également le Maréchal Foch et le Général Weygand, ainsi que la ville de Verdun.   
 

 

dimanche 5 novembre 2017

4 novembre 1612 : les milices russes reprennent Moscou aux Polono-Lituaniens


NB : les dates ci-dessous sont données dans le calendrier julien . Il convient donc d’ajouter 10 jours - qui correspondent au décalage entre les deux calendriers entre 1582 et 1700 – pour obtenir la date correspondante du calendrier grégorien. Le 22 octobre 1612 du calendrier julien est donc le 4 novembre du calendrier grégorien.


Le 22 octobre 1612 une milice russe, précédée de l’icône de la Vierge de Kazan, rentre à Moscou et en chasse les envahisseurs polonais qui l’occupaient depuis plus de 2 ans.

Icône de la Vierge de Kazan

Tout avait commencé en 1584 avec l’arrivée sur le trône de Fédor 1er, un Riourikide, fils d’Ivan IV dit le Terrible. Fédor est qualifié de « peu intelligent, légèrement retardé et incapable de gouverner » ! Le sachant, Ivan IV avait institué un Conseil de régence, mais c’est en fait Boris Godounov, beau-frère du Tsar Fédor, non membre du Conseil, qui s’empare de facto du pouvoir. Après la mort de Fédor le 7 janvier 1598Boris Godounov est élu Tsar par un Zemski Sobor (qu’on peut comparer aux Etats Généraux en France) convoqué par le patriarche Job.

Fédor 1er
Il va s’en suivre une période d’une quinzaine d’années pendant laquelle les intrigues et les rivalités des prétendants au trône vont mettre en péril l’existence de l’État russe. Cette période est connue sous le nom de Temps des troubles.

De 1601 à 1603, la famine et la peste ravagent les campagnes et des hordes de brigands pillent le pays. Aussi, lorsque le premier faux Dimitri (un imposteur du nom de Grégori Otrepiev, prétendant être le Tsarévitch Dimitri, fils d’Ivan IV mort à Ouglitch en 1591 dans des circonstances troubles) entre en Russie en octobre 1604, il est bien accueilli par toutes les couches sociales, lassées de Boris Godounov. Dimitri entre à Moscou le 30 juin 1605, après la mort subite de Boris Godounov et l’assassinat de la veuve et du fils de celui-ci. Couronné Tsar le 30 juillet 1605 sous le nom de Dimitri II, réformateur mais contesté, il sera assassiné le 17 mai 1606, 9 jours après son mariage avec une noble polonaise, Marina Mniszek. 

Car la République des Deux Nations (polono-lituanienne) joue un rôle …… trouble pendant cette période. Des membres de la noblesse polono-lituanienne soutiennent le faux Dimitri en 1605 – 1606, mais sans l’accord du Roi Sigismond III (Zigmantas Vaza). Quand le Tsar Vassili IV Chouiski (légalement élu après le premier faux Dimitri) conclut une alliance avec les Suédois en 1607, Sigismond III déclare la guerre à la Russie, dans l’espoir d’obtenir des concessions territoriales.

Sigismond III de Pologne

Après quelques victoires, dont celle de la bataille de Klouchino (4 juillet 1610), les Polono-Lituaniens font leur entrée à Moscou. Le 27 août 1610, le prince Ladislas, 15 ans, fils de Sigismond III, est désigné Tsar par un conseil restreint des boyards russes. Mais le Roi de Pologne, arguant de jeune âge de son fils, envisageant de venir lui-même de régner à Moscou, l’ensemble des boyards refuse d’agréer cette nomination ! Les Russes, sous le commandement de Procope Liapounof, se soulèvent et assiègent en mars 1611 les soldats polonais cantonnés dans le Kremlin de Moscou. L’anarchie s’installe dans le Tsarat.  

C’est le Prince Dmitri Pojarski qui accepta de prendre la tête d’une armée de volontaires en formation à Nijni-Novgorod, à condition d’être assisté d’un boucher prospère, Kuzma Minin, membre de la guilde de Nijni-Novgorod. Après avoir prié l’icône de Notre-Dame de Kazan, une des plus saintes de Russie, Pojarski et ses troupes mirent le siège au Kremlin de Moscou le 18 août 1612 et interceptèrent les renforts du Grand Hetman de Lituanie, Jonas Karolis Chodkevičius. Un des points clés fut la capture, par la Prince Dmitri Troubetskoï, des provisions destinées à la garnison polonaise du Kremlin. La famine s’installa et la garnison dut se rendre le 22 octobre 1612.   

Monument à la gloire de Minine et Pojarski, devant la cathédrale Saint-Basile 
Au début de 1613, le Zemski Sobor décide d’élire un Tsar russe et, le 21 février 1613, choisit Michel Romanov, dont la famille est proche des anciens Riourikides, et qui sera couronné le 22 juillet 1613 sous le nom de Michel 1er.  

La Russie tsariste a fêté ce jour jusqu'en 1917, sous le nom de jour de l'unité nationale ( День народного единства ). Cette fête du 22 octobre / 4 novembre a été ré-instituée en 2005 par Vladimir Poutine, dans le but non avoué de damer le pion aux célébrations de la Révolution d'Octobre (7 – 8 novembre), Elle est par ailleurs le prétexte à des « Marches russes » dans les grandes villes de Russie, organisées par les nationalistes néo-fascistes russes.

Marche russe