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lundi 24 octobre 2016

Législatives lituaniennes : large victoire finale des « Paysans et Verts »


Alors que, lors du premier tour à la proportionnelle, les Conservateurs de Tėvynės sąjunga, avec 21,70 % des voix et 20 sièges, l'avaient emporté de peusur l'Union des Paysans et Verts (Lietuvos valstiečių ir žaliųjų sąjunga 21,53 % et 19 sièges), les Sociaux-démocrates au pouvoir enregistrant déjà un sérieux recul avec 14,42 % et 13 sièges, le 2ème tour au scrutin majoritaire a vu une poussée spectaculaire et inattendue des Paysans et Verts.

Le prochain Seimas comportera en effet:

   # Lietuvos valstiečių ir žaliųjų sąjunga Paysans et Verts : 54 députés
   # Tėvynės sąjunga - Lietuvos krikščionys demokratai Conservateurs: 31 députés
   # Lietuvos socialdemokratų partija Sociaux-démocrates : 17 députés
   # Lietuvos Respublikos liberalų sąjūdis Libéraux : 14 députés
   # Partija Tvarka ir teisingumas Nationalistes (Paksas) : 8 députés
   # Darbo partija Populistes (Uspaskich) : 2 députés
   # Lietuvos žaliųjų partija "vrais" Verts : 1
   # Politinė partija „Lietuvos sąrašas“ "Liste Lituanie" : 1
   # Indépendants et divers : 5

Le total fait bien 141 députés. La liste nominative complète des nouveaux élus est donnée sur le site de la Commission Centrale Electorale Lituanienne : http://www.vrk.lt/2016-seimo/rezultatai?srcUrl=/rinkimai/102/2/1306/rezultatai/lt/rezultataiIsrinktiNariai_rus-P.html

Parmi les élus connus (au moins de moi), élus souvent grâce à la proportionnelle, je soulignerai : Žygimantas Pavilionis (TS, élu face au lanceur de disque Virgilijus Alekna), Gabrielius Landsbergis (TS), Audronius Ažubalis (ancien Ministre des Affaires Etrangères qui m'avait adressé une lettre de félicitation en 2012), Emanuelis Zingeris, Andrius Kubilius (ancien Premier Ministre), Arunas Gelunas (Représentant à l'UNESCO, Libéral), Gediminas Kirkilas (ancien Premier Ministre), Juozas Olekas (actuel Ministre de la Défense), Algirdas Butkevičius (actuel Premier Ministre, les trois derniers étant SocDem).

Parmi les irrémédiablement battus Andrius Kupčinskas (TS), ancien Maire de Kaunas qui m'avait décoré en 2012, et Arturas Zuokas (Libéral), ancien Maire de Vilnius.

Il ne reste plus qu'à savoir qui sont ces élus "Paysans et Verts" que personne ne connaît. Certains parlent de centristes de centre-droit, d'autres de populistes soft. Ils ne sont en tout cas pas des Verts au sens de nos écolos……. Il semblerait surtout que les électeurs aient voulu élire de nouvelles têtes. Mais nouveaux venus en politique peut être synonyme d'inexpérience…...

Ramunas Karbauskis
Leur leader est un millionnaire dans le domaine de l'agro-alimentaire, Ramūnas Karbauskis, 47 ans, qui a déjà été député mais qui ne brigue pas aujourd'hui de responsabilité dans l'exécutif. Le candidat au poste de Premier Ministre est Saulius Skvernelis, 46 ans, ancien chef de la police nationale. Ils ont annoncé ouvrir des négociations pour former un gouvernement de coalition aussi bien avec Tevynes Sajunga qu'avec les Sociaux-démocrates. Car, pour disposer d'une majorité au Seimas (Parlement de 141 membres), les Paysans et Verts devront s'allier à un parti traditionnel recelant quelques vieux briscard de la politique lituanienne…...

Saulius Skvernelis, alors chef de la Police
La Présidente Dalia Grybauskaitė a reçu ce matin les leaders des deux formations arrivées en tête.

Dalia Grybauskaite recevant Andrius Kubilius (à gauche) et Gabrielius Landsbergis 

vendredi 7 octobre 2016

Il y a dix ans, Anna Politkovskaïa était assassinée







Le samedi 7 octobre à 17H10, c’est une voisine qui découvrit le corps sans vie de la journaliste Anna Politkovskaïa devant l’ascenseur de son immeuble à Moscou. Dans l’ascenseur, les policiers retrouvèrent un pistolet Makarov de 9 mm et quatre douilles. L'émotion avait été très forte en Occident où elle jouissait d'une plus grande notoriété qu'en Russie.

Depuis Juin 1999, Anna Politkovskaïa collaborait au journal en ligne Novaïa Gazeta (Новая газета - Le Nouveau Journal - http://en.novayagazeta.ru/), un des rares médias indépendants qui subsistent encore aujourd’hui en Russie. Elle s'était rendue à de nombreuses reprises dans les zones de combats en Tchétchénie et dans des camps de réfugiés au Daghestan, puis en Ingouchie. En octobre 2002, au péril de sa vie, elle avait accepté de servir de négociatrice lors de la prise d'otages dans un théâtre de Moscou, qui s'est terminée de manière dramatique. Régulièrement menacée, elle avait subit une tentative d'empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait en avion dans le Caucase. 

Après bien des rebondissements, l'enquête sur l'assassinat a été close en juin 2014 par le procès de cinq hommes, dont quatre originaires de Tchétchénie, condamnés à de lourdes peines. Mais aucun commanditaire n'a été retrouvé ni a fortiori inculpé. Il faut dire que l'enquête semble mener en direction de l'élite (sic) tchétchène et qu'apparemment le pouvoir russe la freine ……

Depuis 2000, six journalistes de Novaïa Gazeta ont été assassinés, dont Anastasia Babourova en Février 2009. Au-delà de Novaïa Gazeta, ce sont 21 journalistes qui ont été assassinés depuis 2000, mais aussi des avocats (comme Stanislav Markelov) et des représentants d’ONG (comme Natalia Estemirova, de l’ONG « Memorial »).   Ils avaient pour point commun de dénoncer la corruption et  les atteintes aux droits de l'homme en Russie, et la guerre en Tchétchénie. Aucun de ces meurtres n’est à ce jour élucidé.


L'assassinat de Boris Nemtsov, le 27 février 2015, a présenté bien des similarités avec celui d'Anna Politkovskaïa : des exécutants tchétchènes qu'on trouve très vite et qui avouent très rapidement sous les caméras des médias, des commanditaires par contre introuvables et, coïncidence touchante, l'assassinat d'Anna Politkovskaïa a eu lieu le jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine et celui de Boris Nemtsov sous les fenêtres du même Poutine au Kremlin ……. 

Anna Politkovskaïa a été assassinée pour la Liberté, pour notre Liberté !






mercredi 5 octobre 2016

Le voyage de Diderot à Saint-Pétersbourg

Denis Diderot

Le 5 octobre 1713 naissait à Langres le futur philosophe Denis Diderot. Un prétexte pour évoquer le voyage qu'il fit à Saint-Pétersbourg en 1773 – 1774.


Car le philosophe et maître d’œuvre de l’Encyclopédie Denis Diderot (1713 – 1784) sera le seul personnage important des Lumières françaises à répondre favorablement à l’invitation de l’impératrice Catherine II à se rendre à Saint-Pétersbourg, mettant néanmoins 11 ans à se décider.  Ce voyage s’effectuera de l’automne 1773 au printemps 1774, soit plus de 20 ans après que Voltaire se soit rendu auprès d’un autre monarque sensible aux idées des Lumières : Frédéric II, Roi de Prusse.

Catherine II, impératrice et autocrate de toutes les Russies, règne à partir du 28 juin 1762, succédant à son mari Pierre III, Tsar brutal et ivrogne, assassiné lors d’un coup d’état dont elle est l’instigatrice. Elle s’était réfugiée dans la lecture et goûtait aux idées des Lumières. Elle entretient des correspondances avec notamment Voltaire (dont elle achètera la bibliothèque), d’Alembert, Melchior Grimm, et Diderot, et n’a de cesse de vouloir faire venir les philosophes à Saint-Pétersbourg. De leur côté, les philosophes français se sentent investis d’une mission civilisatrice et espèrent convertir les souverains européens aux idées de progrès politique, économique et social. 

L'Impératrice Catherine II

Dès son accession au trône, en 1762, Catherine avait proposé à Diderot, par l’entremise de Voltaire, de venir terminer l’Encyclopédie à Riga. Mais le philosophe avait alors décliné l’invitation dans la mesure où la censure en France avait desserré son étreinte, les Jésuites ayant été expulsés en 1764. Le fait que la tsarine vienne en aide financièrement au philosophe en lui rachetant sa bibliothèque en 1765, par l’entremise de Frédéric Melchior Grimm, est semble-t-il déterminant. 

Avant de partir, Diderot va se documenter, curieusement plus en lisant l’Histoire de Russiede Voltaire (écrit en 1759 et 1763), qui n’est jamais allé sur place, plutôt que dans l’article « Russie » de l’Encyclopédie, écrit par le chevalier de Jaucourt. Il consulte également leVoyage en Sibérie de l’abbé Chappe d’Auteroche, qui décrit la Russie sans complaisance.

Diderot va faire ses deux voyages, aller et retour, par la route. Parti de Paris le 11 juin 1773, il va d’abord séjourner deux mois à La Haye, avant de reprendre la route « à marche forcée », son compagnon de voyage, Aleksei Vasilievich Narychkine, un jeune russe de l’une des grandes familles et chambellan de Catherine, souhaitant arriver à Saint-Pétersbourg pour le mariage du prince héritier, le Grand-duc Paul, le 9 octobre 1773. Ils passent par Düsseldorf, Leipzig, Königsberg, Memel (Klaipėda), Mitau (Jelgava), Riga et Narva, et arrivent à Saint-Pétersbourg le 8 octobre, la veille du mariage princier ! 

L'itinéraire aller et retour de Diderot

Diderot va séjourner à Saint-Pétersbourg du 8 octobre 1773 au 5 mars 1774, c’est-à-dire en plein pendant l’hiver. Il espérait loger chez le sculpteur Étienne-Maurice Falconet, que Diderot avait recommandé à l’impératrice pour réaliser la statue de Pierre le Grand. Mais celui-ci le reçoit avec une certaine froideur et explique qu’il ne peut pas le loger car son fils est arrivé à l’improviste. C’est finalement Aleksei Vasilievich Narychkine qui lui offrira l’hospitalité dans son hôtel particulier, au 8 place Saint-Isaac.   

Âgé de 60 ans, ce voyage, au cours duquel il est malade et dont il va rentrer affaibli, est pour lui une épreuve. Dès la fin septembre 1773, à Narva (Estonie), il sera pris de coliques néphrétiques. A Saint-Pétersbourg, il ne sort pratiquement pas du palais Narychkine, car il est souvent atteint de dysenterie. Il est toutefois reçu en moyenne trois fois par semaine par la Tsarine, dans les appartements privés de celle-ci, pour des tête à tête qui durent de deux à trois heures. C’est Diderot qui proposait les thèmes en présentant à l’impératrice un essai ou un « mémoire » qui servait de point de départ à leur discussion.
Diderot n’a pas rédigé de « Voyage en Russie », à la différence de son « Voyage en Hollande ». On  connaît toutefois quelques détails de son périple de retour par ses correspondances. Diderot quitte en effet Saint-Pétersbourg le 5 mars 1774. Les difficultés pour se loger en route est une constante que l’on retrouvera chez d’autres voyageurs (« des hôtes maussades, des mauvais gîtes »). Il évoque une aventure à Mittaubrück quand la voiture que lui a fournie Catherine II se brise au passage de l’Aa courlandaise (le fleuve Lielupe). Le voyage était déjà devenu épopée quand il écrivait : « Quand je me rappelle le passage de la Douina (Daugava), à Riga, sur des glaces entrouvertes d’où l’eau jaillissait autour de nous, qui s’abaissaient et s’élevaient sous le poids de notre voiture et craquaient de tous côtés, je frémis encore de ce péril ». Il laissera en chemin « quatre voitures fracassées » ! Il sera de retour à Paris en Octobre 1774.


La fille de Diderot écrivit plus tard que le climat froid et humide de Saint-Pétersbourg avait nui à la santé de son père et que le voyage en Russie avait probablement raccourci sa vie.

Première page de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

mardi 4 octobre 2016

Kersti Kaljulaid élue Présidente d'Estonie



C'est peu de dire que le processus a été compliqué ! L'Estonie a enfin élu hier son Président de la République, Ou plutôt, sa Présidente, mais pas celle que l'on attendait, Marina Kaljurand, qui était celle qui reçoit actuellement la plus forte popularité.

La nouvelle Présidente s'appelle Kersti Kaljulaid. Elle est née à Tartu en 1969, et c'est à l'Université de Tartu qu'elle a obtenu un MBA en biologie. En 1998 et 1999, Kaljulaid a travaillé comme chef de projet dans la banque d'investissement Hansapank, où son principal domaine d'expertise incluait les fusions et les acquisitions d'entreprises, ainsi que des conseils de privatisation.

Kersti Kaljulaid, Présidente élue d'Estonie

En 1999, Kaljulaid est devenue conseiller économique du Premier ministre Mart Laar. Elle a également été coordinateur des relations de l'Estonie avec le Fonds monétaire international (FMI) et a participé à la préparation de la réforme des retraites en collaboration avec les ministères des finances et des affaires sociales. Depuis 2004, Kaljulaid a travaillé comme vérificateur à la Cour des Comptes européenne.

Pour en arriver à cette élection, il a fallu d'abord trois tours de scrutin infructueux au Riigikogu, aucun des deux candidats restant en lice au troisième tour, Siim Kallas et Mailis Reps, n'atteignant la majorité des 2/3 nécessaire à son élection. Puis un collège électoral de335 membres (les 101 députés + 234 représentants des conseils locaux) est entré en lice. Là encore, au bout du deuxième tour, aucun candidat n'avait été élu. Il faut noter qu'à chaque tour, des candidats se désistaient ou, au contraire, apparaissaient !

Hier, de retour au Riigikogu, le problème était quand même plus simple : 90 des 101 membres du Parlement (via les présidents de 5 partis représentés au Parlement sur 6) avaient nominé un seul candidat, Kersti Kaljulaid, qui n'avait pas du tout participé aux tours précédents. Comme un candidat doit être nominé par au moins 21 députés, et qu'un député ne peut nominer qu'un seul candidat, l’affaire, avec un candidat unique, semblait être (enfin) entendue. Il fallait toutefois que Kersti Kaljulaid rallie sur son nom 2/3 des voix.

Sur 98 députés présents, 81 ont apporté leur vote à Kersti Kaljulaid, soit plus que les 68 nécessaires (mais moins que les 90 qui l'avaient nominée …...). En conséquence, Kersti Kaljulaid fut déclarée élue Président de la République. Elle prêtera serment ce lundi 10 octobre.

Le Président sortant, Toomas Hendrik Ilves (en poste depuis 2006) recevant le Président élu, Kersti Kaljulaid


Dès avant cet ultime tour, un député, Kadri Simson (Centre), avait déjà présenté au Président du Parlement, Eiki Nestor, au nom de 31 collègues, un projet de loi amendant la Constitution, pour permettre l'élection du Président de la République au suffrage universel. La plupart des médias suggéraient que le candidat arrivé en tête au troisième tour du premier passage devant le Riigikogu soit déclaré élu à la majorité relative, Cette année, le Président aurait donc été Siim Kallas…….

Car, même s'il y a eu auparavant 5 autres tours de scrutin, être élu Président de la République alors qu'on est le seul candidat, ça a un petit côté, comment dire, démocratie populaire…….