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vendredi 7 octobre 2022

7 octobre 2006 : Anna Politkovskaïa nous avait prévenus …….

 


Le samedi 7 octobre 2006 à 17H10, c’est une voisine qui découvrit le corps sans vie de la journaliste Anna Politkovskaïa devant l’ascenseur de son immeuble à Moscou. Dans l’ascenseur, les policiers retrouvèrent un pistolet Makarov de 9 mm et quatre douilles. L'émotion avait été très forte en Occident où elle jouissait d'une plus grande notoriété qu'en Russie.

Depuis Juin 1999, Anna Politkovskaïa collaborait au journal en ligne Novaïa Gazeta (Новая газета - Le Nouveau Journal ), média indépendant obligé de suspendre sa publication en mars 2022, mais dont une édition, Novaïa Gazeta Europe, paraît aujourd'hui depuis Riga (Lettonie) Anna Politkovskaïa s'était rendue à de nombreuses reprises dans les zones de combats en Tchétchénie et dans des camps de réfugiés au Daghestan, puis en Ingouchie. En octobre 2002, au péril de sa vie, elle avait accepté de servir de négociatrice lors de la prise d'otages dans le théâtre Doubrovka de Moscou, qui s'est terminée de manière dramatique. Régulièrement menacée, elle avait subit une tentative d'empoisonnement en 2004, alors qu'elle se rendait en avion dans le Caucase. 

En 2004 justement, Anna Politkovskaïa avait écrit un livre intitulé « La Russie de Poutine » . Elle y peignait un portrait exhaustif de Vladimir Poutine. C’était un avertissement au monde entier, mais il n’a pas été entendu. On n’a pas voulu l’entendre.



Elle écrivait notamment : « Le KGB ne respecte que les forts, il dévore les faibles. N’est-ce pas à nous de le savoir ? Et pourtant, pour la plupart, nous nous sommes montrés faibles et avons été écrasés. Pour le tchékiste soviétique, notre peur, c’est du miel. Il n’y a pas de meilleur cadeau pour lui que de voir trembler les foules, qu’il doit soumettre à sa volonté. » Ou encore « Pourquoi ai-je pris Poutine en grippe ? Pour tout cela. Pour sa nature criminelle. Pour son cynisme. Son racisme. Pour la guerre éternelle. Pour le mensonge. Pour le gaz répandu dans la salle du Théâtre Doubrovka. {……} Je ne l’aime pas parce qu’il n’aime pas les êtres humains. Il ne nous supporte pas. Il nous méprise. Il nous considère comme un simple moyen pour lui, et rien de plus. Le moyen d’atteindre ses objectifs personnels de pouvoir. C’est pourquoi il peut faire de nous tout ce qu’il veut, jouer à sa guise. Nous exterminer selon son caprice. Nous ne sommes rien. »

Anna Politkovskaïa nous avait prévenus, nous n'avons pas voulu l'entendre ! Souvenez-vous, il y a encore quelques semaines, on disait qu'il ne fallait pas humilier la Russie, cette Russie dont on savait déjà qu'elle tuait des civils, violait des enfants, bombardait des hôpitaux, pillait ……. Souvenez-vous de ces Français, y compris des Officiers, pour qui il est toujours une idole …… Paix à l'âme d'Anna, un jour le monde dira « Elle avait raison ! ».


lundi 26 septembre 2022

Parution de « Les enfants de la Garde Blanche »

 



Après la révolution d'octobre 1917, une partie de la population russe n'a pas accepté la prise du pouvoir par les bolcheviks qui, contrairement à ce qu'indique leur nom, sont minoritaires. Les Russes Blancs, opposants monarchiques à la Russie soviétique, menés par d'anciens cadres de l'Armée impériale (Koltchak, Denikine, Wrangel) vont lutter avec l'aide de troupes britanniques, françaises et américaines contre l'armée rouge. La coalition des armées blanches étant mal coordonnée, elle perd la guerre civile et la majorité des Russes Blancs (entre 1,1 et 1,5 millions) va s’exiler en Europe et dans le monde.

Cent ans après, les descendants des environ 400 000 qui ont émigré en France – les enfants de la Garde Blanche – se sont fondus dans le paysage mais sont encore souvent la mémoire vivante d'une histoire singulière et dramatique.

Hélène Blanc, spécialiste reconnue du monde slave, elle-même d'origine russe, a réuni dans « Les enfants de la Garde Blanche » (Ginko éditeur) plusieurs auteurs venus d'horizons divers pour évoquer le destin des héritiers d'un monde disparu.

J'ai modestement participé à ce livre en contant l'histoire extraordinaire de Gali Hagondokoff (1898 - 1985)(photo ci-dessous), princesse circassienne chassée de son pays, devenue comtesse du Luart et surtout icône de la Légion Étrangère. Elle passa toute sa vie à se montrer digne de la France qui l'avait accueillie et la France a reconnu ses mérites en la faisant Commandeur de la Légion d'Honneur et Grand-Officier de l'Ordre National du Mérite. Car elle fut présente sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale avec sa Formation Chirurgicale Mobile, puis installera un Centre militaire de détente à Alger au profit des appelés qui n'avaient pas les moyens de rentrer en permission en métropole.



« Les enfants de la Garde Blanche » est donc une galerie de portraits qui rend hommage à ces Russes Blancs, éloignés de la terre de leurs ancêtres, voire natale, mais qui ont contribué, de façon parfois spectaculaire, dans tous les domaines, au développement de leur terre d'accueil.



jeudi 8 septembre 2022

8 septembre 1514 : les Polono-lituaniens écrasent les Moscovites à la bataille d'Orcha

 

Le Duc Konstantin Ostrogski, Grand Hetman de Lituanie

Au XVIe siècle, le Grand Duché de Lituanie, uni à la Pologne depuis 1386, comprenait, en plus des terres ethniques lituaniennes, des territoires ruthènes et russes. De son côté, la Grande Principauté de Moscou, libérée du joug tatare depuis 1480, voulait unir tous les territoires peuplés de populations parlant le russe ou le ruthène, y compris ceux sous domination lituanienne.

En guerre contre la Lituanie depuis novembre 1512, une armée moscovite aux ordres du Grand Prince Vasili III prit Smolensk le 30 juillet 1514. En réaction, une force polono-lituanienne quitta la région de Wilna/Vilnius pour reconquérir la ville. Cette force comprenait environ 35 000 soldats repartis en 15 000 Lituaniens de l'armée régulière, 17 000 mercenaires polonais (infanterie, cavalerie, artillerie) et 3 000 cavaliers volontaires constitués par les magnats polonais. Elle était commandée par le Duc Konstantin Ostrogski, Grand Hetman de Lituanie, Castellan de Vilnius, futur Voïvode de Trakai, son second étant le Voïvode de Kiev, Jerzy Radziwiłł. Les forces moscovites étaient deux fois plus nombreuses, aux ordres d'Ivan Andreevitch Czeladnin.

NB : les chiffres sont ceux de Rerum Moscoviticarum Commentarii (Notes sur les Affaires Moscovites) écrites en 1549 par Sigismund, Freiherr von Herberstein. Ils ont été par la suite sujets à caution.

Czeladnin décida de livrer bataille près d'Orcha (aujourd'hui dans l'est du Bélarus), là où le Dniepr s'oriente vers le sud. Il partagea ses troupes en deux pour bloquer les ponts, mais les Polono-Lituaniens, qui disposaient de sapeurs, réussirent à traverser le fleuve dans la nuit du 7 septembre sur deux ponts reposant sur de grands barils.

La tactique de Czeladnin était de déborder les Polono-Lituaniens pour les rejeter dans le fleuve. A la deuxième attaque, la cavalerie légère lituanienne de l'aile droite fit semblant de fuir, mais, en fait, attira les Moscovites vers un bois où était cachée l'artillerie polonaise. De tous les côtés, les forces lituaniennes et polonaises surgirent et encerclèrent les Moscovites. Ce fut la panique et la débandade dans les rangs ceux-ci. Czeladnin fut fait prisonnier ainsi que 8 de ses commandeurs et des milliers de soldats. Il y eut entre 30 et 40 000 Moscovites tués. Les Polono-Lituaniens s'emparèrent du camp moscovite et de plus de 300 canons. Dans la foulée, il se réapproprièrent les places fortes qu'ils avaient auparavant perdues, à l'exception de Smolensk. La progression des Moscovites était arrêtée pour quatre ans.

En décembre 1514, l'Hetman Ostrogski fit une entrée triomphale à Vilnius. Deux églises orthodoxes y furent construites pour commémorer la victoire : l'église de la Sainte Trinité et l'église Saint-Nicolas.


vendredi 29 juillet 2022

La conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) et Königsberg

 


C'est en 1255 que fut fondée Königsberg (« la montagne du Roi »), en l'honneur du roi de Bohême Ottokar II qui avait donné l'autorisation de raser le village de Tvankste pour la construire. La ville devint la tête de pont du territoire des Chevaliers Teutonique, qui sera appelé en allemand Preussen. Car paradoxalement, les colonisateurs/exterminateurs prirent le nom des colonisés/exterminés, la tribu balte des Prūsai !  

Successivement partie de l'État monastique des chevaliers Teutoniques, du duché héréditaire de Prusse, puis du Royaume en Prusse (1701 – 1772) puis le Royaume de Prusse (1772 – 1918), Königsberg a été « de tous temps » la capitale de la province de Prusse Orientale (Ostpreußen).

A l'issue de la Première Guerre mondiale, la Prusse Orientale a été séparée en 1919 du reste de l'Allemagne par la création du corridor de Dantzig, donnant un accès à la mer à la Pologne , et par celle de la ville libre de Dantzig, sous administration de la SDN. Le traité de Versailles l'amputa également du territoire de Memel au nord, que les Lituaniens annexèrent manu militari en janvier 1923, rebaptisant la ville - Klaipėda. Jusqu'en 1945, la population de la province fut allemande, mais il y avait aussi une minorité d'origine lituanienne, les Lietuvininkai (ou Lituaniens de Prusse).

On se rappellera que, lors de la Conférence de Téhéran (28 novembre au 1er décembre 1943), l'un des points sur lesquels les Alliés s'étaient accordés était le démembrement de l'Allemagne. Staline souleva le sujet de l'annexion de Königsberg, argumentant que l'URSS avait besoin d'un port libre de glace toute l'année. Churchill répondit que c'était une proposition intéressante et qu'il promettait de l'étudier. Roosevelt ne fit pas de commentaire, ce qui fut considéré comme une acceptation.

On oublie généralement que c'est à la conférence de Moscou (du 9 au 19 octobre 1944), qui suivit celle de Téhéran, réunissant principalement Churchill et Staline, que les Britanniques durent accepter le principe d'un partage de l'Europe en zones d'influences entre les Alliés occidentaux et l'URSS, principe entériné à la conférence de Yalta (4 au 11 février 1945). A cette occasion,  les Alliés occidentaux n’ont pas exigé que Staline applique la démocratie et l'auto-détermination des peuples, et l'ont laissé imposer des dictatures d'obédience soviétique qui dureront autour de 45 ans en Europe de l'est.




C'est finalement à la conférence de Potsdam (17 juillet - 2 août 1945) que fut agréé le principe du transfert de Königsberg à l'URSS. Staline dit « Si les gouvernements U.S. et britanniques approuvent le principe de cette proposition, c'est suffisant pour nous ». Churchill répondit : « I agree ». Truman (qui avait été élu comme vice-président de Franklin Roosevelt en 1944, et qui lui a succédé à sa mort le 12 avril 1945) répondit lui aussi « I agree ».



Le 12 septembre 1990 était signé le Traité de Moscou dit « 4+2 » qui fixait le statut international de l'Allemagne unie. Son article premier précisait notamment que « L'Allemagne unie n'a aucune revendication territoriale quelle qu'elle soit envers d'autres États et n'en formulera pas à l'avenir ». La réunification intervient le 3 octobre 1990. Le 14 novembre 1990 était signé à Varsovie le Traité sur la frontière germano-polonaise qui fixait les limites de l'Allemagne réunifiée avec la Pologne sur la ligne Oder-Neiβe, frontière effective depuis 1945. L'Allemagne renonçait donc définitivement aux anciennes provinces situées à l'est de ces deux rivières, en particulier à la Prusse Orientale. Il est indéniable qu'aux yeux de la loi internationale, l'URSS est le propriétaire légal du territoire de Königsberg.

La Hongrie, la Pologne et la République Tchèque rejoignirent l'OTAN le 12 mars 1999. Le 29 mars 2004, ce fut le tour de sept autres États, dont les trois États baltes. L'oblast de Kaliningrad s'est donc trouvé coincé entre deux États membres de l'Alliance Atlantique, la Pologne et la Lituanie. C'est ainsi que nous avons aujourd'hui cette anomalie russe au sein de l'Union Européenne.

J'en profite pour souligner que la pseudo promesse de non-extension de l'OTAN vers l'est, qui aurait été faite par James Baker à Mikhaël Gorbatchev, devenue le nec plus ultra actuel de la propagande russe et de ses affidés occidentaux, est une belle fake news. En juillet 2015, Vladimir Poutine le reconnaissait lui-même face à son faire-valoir, le réalisateur américain Oliver Stone : « Rien n'avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée ». Et là, il parle en connaissance de cause, lui qui a violé en 2014 le mémorandum de Budapest (5 décembre 1994) qui garantissait l'intégrité territoriale et la sécurité de l'Ukraine ……..