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vendredi 22 décembre 2017

Séjour court mais dense en Lituanie


Lundi et mardi derniers (18 – 19 décembre) j'étais en Lituanie pour une série de réunions dans le cadre de l'Institute for Statecraft, dont on me permettra de ne pas donner le détail. Je me contenterai de souligner tout l'intérêt que j'ai pris au briefing du Département STRATCOM du Ministère Lituanien de la Défense.




Lundi 18 après-midi, j'ai assisté à un événement un peu plus public : l'inauguration du Centre de recherche pour le Développement Démocratique Andreï Sakharov, à l'Université Vytautas Magnus de Kaunas (VDU). Mettant l'accent sur les questions des droits de l'homme et des droits civils, le centre mènera des recherches sur la politique dans les pays d'Europe centrale et orientale afin de déterminer s'ils respectent leurs engagements internationaux en matière de protection des droits humains et civils.

Andreï Sakharov

Andreï Sakharov était l'un des plus grands détracteurs du régime soviétique, devenant le symbole de la lutte pour les droits de l'homme. Après s'être imposé comme l'inventeur de la bombe à hydrogène soviétique, le scientifique s'inquiéta des conséquences de son invention sur l'avenir de l'humanité et commença à prendre conscience des dangers des armes nucléaires. En URSS, Andrei Sakharov était considéré comme un dissident dangereux. Ses efforts ont contribué à la signature du Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires en 1963 et à la création du Comité des droits de l'homme sept ans plus tard.



En reconnaissance de ses réalisations, Sakharov reçut le prix Nobel de la paix en 1975. En raison des tentatives constantes du militant de libérer d'autres dissidents soviétiques et de critiquer le régime, Sakharov fut exilé dans la ville de Gorki (Nijni Novgorod) afin de restreindre ses relations étrangères. Le Parlement européen a créé le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, qui est décerné à des individus ou à des organisations qui luttent pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales.

L'inauguration était présidée par M. Linas Linkevičius , Ministre des Affaires Étrangères de Lituanie, en présence de Tatiana Yankelevich, fille d'Andreï Sakharov.

M. Linas Linkevičius , Ministre des Affaires Étrangères de Lituanie
Il resta peu de temps pour faire du tourisme, ce fut suffisant pour humer l'ambiance de Noël à Vilnius.




lundi 27 novembre 2017

26 novembre 1855 : mort d’Adam Mickiewicz à Constantinople


Adomas Bernardas Mickevičius à la lituanienne, ou Adam Bernard Mickiewicz à la polonaise, naît à Nowogrodek (Naugardukas) dans l'actuel Bélarus le 24 décembre 1798, donc peu de temps après le troisième et dernier partage de la Pologne – Lituanie. Il est issu d’une famille de petite noblesse lituanienne, de celles qui se sont polonisées après l’Union de Lublin (1er juillet 1569), installée dans une région biélorusse du Grand-duché de Lituanie.

Après avoir étudié dans une école de Dominicains à Nowogrodek, il rejoint en septembre 1815 l’Université impériale (de langue polonaise) de Vilnius où il suit des études scientifiques et philologiques afin de devenir enseignant. Il enseignera d’ailleurs dans une école secondaire de Kaunas de 1819 à 1823.



Adam Mickiewicz est d’abord l’un des plus grands poètes romantiques européens et il est, avec Juliusz Slłowacki (Volhynien du Grand-duché de Lituanie) et Zygmunt Krasiński, l’un des trois « bardes polonais ». Le fait est connu, et je ne m’étendrai pas dessus. Sinon pour rappeler que son œuvre la plus connue, « Pan Tadeusz » (« Ponas Tadas ») commence par :

Ô ma Lituanie ! Ainsi que la santé,
Seul qui te perd connaît ton prix et ta beauté.
Je vois et vais décrire aujourd’hui tous tes charmes,
Ma patrie ! et chanter mes regrets et mes larmes.  

Affiche du film "Pan Tadeusz" d'Andrzej Wajda

Mais, le 1er octobre 1817, étudiant à Vilnius, il est parmi les co-fondateurs d’une société secrète, les Philomates, qui a des liens avec une société encore plus radicale, prônant l’indépendance de la Pologne, les Philarètes. En 1823, l’organisation est découverte par les autorités russes et, après un long procès, 108 membres sont emprisonnés ou envoyés aux travaux forcés (katorga) en Sibérie. Mickiewicz est emprisonné au monastère des Basiliens à Vilnius du 23 octobre 1823 au 21 avril 1824.


Monument Mickiewicz à Vilnius 

A partir de 1824, une fois sorti de prison, Adam Mickiewicz fut banni et dut partir pour la Russie centrale, principalement à Saint-Pétersbourg (où il arriva fin novembre 1824) et à Moscou. Il alla toutefois, de février à novembre 1825, à Odessa et en Crimée, ce qui lui inspira les « Sonnets Criméens ».

En 1829, il fut autorisé à voyager en Europe et se rendit d’abord principalement dans ce qui n’était pas encore ni l’Allemagne ni l’Italie. Il n’est pas impossible qu’il ait passé des messages au profit des Carbonari (révolutionnaires italiens) et de l’argent de la part de la diaspora polonaise en France pour les insurgés polonais en Pologne.

Le 31 juillet 1832, Adam Mickiewicz s’installe à Paris où il se marie avec Celina Szymanowska le 22 juillet 1834. Pan Tadeusz est publié à Paris en juin 1834. Après une parenthèse comme professeur de littérature latine à l’Université de Lausanne (1838 – 1840), il revient à Paris tenir la chaire de langues et littératures slaves au Collège de France (1840 – 28 mai 1844).

Progressivement, il s’engagea en politique, allant jusqu’à créer le 29 mars 1848 à Rome une « Légion Mickiewicz », destinée à prendre part à la libération de l’Italie mais dont l’effectif restera symbolique. En France, il publie un journal, « La Tribune des peuples », du 29 mars au 10 novembre 1849, où il soutient la démocratie et le socialisme, ainsi que les idéaux de la Révolution française. Il soutient les franco-britanniques engagés dans la guerre de Crimée, espérant l’avènement d’un nouvel ordre européen et le retour de la Pologne à l’indépendance.  

Il quitte d’ailleurs Paris le 11 septembre 1855, chargé d’une mission diplomatique par le gouvernement français vers l’Empire ottoman : organiser des unités polonaises qui combattraient les Russes sous commandement ottoman. Mais, ayant vraisemblablement contracté le choléra (certains disent qu’il aurait été empoisonné), il meurt dans son appartement du quartier de Pera à Constantinople (Istanbul) le 26 novembre 1855.  

Musée Mickiewicz à Istanbul, dans la maison où il résidait

Les restes d’Adam Mickiewicz furent transportés en France et furent inhumés au cimetière des Champeaux à Montmorency (Val d’Oise), Panthéon de l’immigration polonaise. En 1890, ils sont transférés à Cracovie et inhumés solennellement le 4 juillet dans la cathédrale du Wawel (crypte des grands poètes nationaux).  

Tombe d'Adam Mickiewicz dans la cathédrale du Wawel





vendredi 24 novembre 2017

Visite papale dans les États baltes


Sa Sainteté le Pape François devrait effectuer un voyage dans les États baltes du 16 au 18 septembre 2018. Le dernier Pape à être venu dans la région, il y aura alors 25 ans, est Saint Jean-Paul II, du 4 au 10 septembre 1993.

Le Pape François et la Présidente lituanienne, Dalia Grybauskaité

Ceux qui me connaissent quelque peu savent que, pour moi, nous devons la chute de l’URSS à deux hommes : le Président américain Ronald Reagan et le Pape Jean-Paul II. Ce dernier, pour qui les idéologies et le totalitarisme allaient à l’encontre de la dignité de l’homme, favorisa en Pologne, dont il était originaire, une résistance intransigeante contre le communisme, soutenant le syndicat Solidarność et Lech Wałęsa, mais plus généralement les dissidents du bloc soviétique.

Il n’est donc pas étonnant que, dès Septembre 1993, quelques jours après le retrait des derniers soldats russes du territoire lituanien, ce Pape venu de l’est ait effectué une visite apostolique dans les États baltes. 

Ce voyage, première visite du Pape dans une région issue de l’URSS, prit l’allure d’un pèlerinage en pays martyr car, entre 1945 et 1955, quatre évêques, 185 prêtres et 275 000 laïcs catholiques avaient été arrêtés, emprisonnés ou déportés en Sibérie. Par exemple, aucun évêque lituanien n’avait pu participer au Concile Vatican II, il n’y avait plus aucun séminariste, les biens de l’église avaient été confisqués, la cathédrale de Vilnius avait été transformée en galerie de peinture, et l’église Saint-Casimir en musée de l’athéisme !

En se posant à Vilnius le 4 Septembre 1993, en Lituanie pays natal de sa mère qu’il avait perdue à l’âge de neuf, Jean-Paul II était conscient du réconfort moral qu’il apportait à cette nation qui était restée catholique à 80 % en dépit des persécutions. Au cimetière d’Antakalnis, il évoqua également les martyrs de l’indépendance, appelant la population au pardon et à la réconciliation.

Le Pape Jean-Paul II à la Colline des Croix

Les souvenirs de la visite de Jean-Paul II sont nombreux, voire omniprésents, en Lituanie. A Vilnius : Porte de l’Aurore, dans la cathédrale, dans l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Kaunas, à la colline des Croix, à Šiluva (le Lourdes de la Lituanie, où la Vierge serait apparue en 1608), j’en oublie sans doute. On notera également que l’œcuménisme a été présent tout au long de ce voyage, avec des rencontres de prières avec les autres communautés chrétiennes à la cathédrale luthérienne de Riga et à l’église luthérienne Saint-Nicolas à Tallinn, mais aussi avec la communauté juive de Vilnius.   

Plaque commémorative près de la Porte de l'Aurore à Vilnius

Car, même en Lettonie luthérienne, même en Estonie largement déchristianisée, même en Lituanie dernier État païen en Europe, on n'oublie pas que les racines de cette Europe sont chrétiennes et on n'a pas fait de la laïcité un dogme idéologique. Gageons donc que le Pape François sera partout bien accueilli.

Le Cardinal lituanien Audrys fidèles et s
Le Cardinal letton Jānis Pujats

NB : l'Eglise catholique d'Estonie ne compte environ que 9 000 fidèles et est dirigée par un administrateur apostolique d'origine française, Mgr Philippe Jourdan




dimanche 12 novembre 2017

En Lettonie, le 11 novembre est le jour de Lāčplēšis


 
A l’ouest de l’Europe, le 11 novembre est celui de 1918, la date de signature du cessez-le-feu mettant fin aux combats de la Première Guerre mondiale. Mais la Lettonie célèbre, elle, un autre 11 novembre, celui de 1919.

Le 11 Novembre, les Lettons célèbrent en effet le Jour de Lāčplēšis (Lāčplēša Diena). Ce jour a pour objet de commémorer le combat des habitants de la Lettonie contre tous les envahisseurs (et Dieu sait qu’ils ont été nombreux).
 

Mais, sur le plan historique, c’est surtout une réminiscence du 11 Novembre 1919, victoire dans la guerre de libération nationale, qui s’est déroulée de Décembre 1918 à Août 1920. Ce jour-là marque la fin de la bataille de Riga, victoire de l’armée lettone sur celle de Bermondt-Avalov, ce pseudo prince russe, mais véritable aventurier aux origines incertaines, qui avait formé des Corps francs russo-allemands, avec la bénédiction du général allemand Von der Goltz censé avoir retiré ses troupes de Lettonie. 
Pavel Bermondt-Avalov
 
Lāčplēšis fait référence au personnage central d’un poème épique éponyme, écrit entre 1872 et 1887, à l’époque donc de la Renaissance nationale du peuple letton, par Andrejs Pumpurs (1841 – 1902), une figure marquante du mouvement «Jaunlatvieši » (« Nouveaux Lettons »).
Andrejs Pumpurs
 
Lāčplēsis avait été choisi par les dieux pour devenir le héros de son peuple. Son nom signifie pourfendeur d’ours car, jeune homme, il avait déchiqueté un ours de ses propres mains, épisode qui apparaît sur le socle du Monument de la Liberté à Riga (cf. ci-dessous). Après maintes aventures, où la lutte de Lāčplēsis contre les Germaniques est omniprésente, le héros disparaît finalement dans la Daugava avec son dernier adversaire, le Chevalier noir, celui-ci ayant découvert que la force de Lāčplēsis résidait dans ses oreilles (sa mère étant une ourse). Mais la légende dit que Lāčplēsis reviendra pour libérer son pays en rejetant le monstre à ma mer. Les ennemis potentiels de la Lettonie sont prévenus.
 

NB : La Fête Nationale lettone tombe une semaine plus tard, le 18 Novembre, et commémore la Proclamation d’Indépendance (Latvijas republikas proklamēšana diena) du 18 Novembre 1918..

On notera que l’Ordre de Lāčplēsis a été institué à cette occasion et que les premiers récipiendaires l’ont reçu le 11 Novembre 1920 (il a été attribué jusqu’en 1928). Parmi les récipiendaires, j’ai compté 49 Français s’étant illustrés lors de la guerre d’indépendance de la Lettonie, dont certains sont bien connus des spécialistes de cette période : le Général Niessel, le Général Janin, le Capitaine de Vaisseau Brisson et le Lieutenant-colonel du Parquet. Mais on trouve également le Maréchal Foch et le Général Weygand, ainsi que la ville de Verdun.   
 

 

dimanche 5 novembre 2017

4 novembre 1612 : les milices russes reprennent Moscou aux Polono-Lituaniens


NB : les dates ci-dessous sont données dans le calendrier julien . Il convient donc d’ajouter 10 jours - qui correspondent au décalage entre les deux calendriers entre 1582 et 1700 – pour obtenir la date correspondante du calendrier grégorien. Le 22 octobre 1612 du calendrier julien est donc le 4 novembre du calendrier grégorien.


Le 22 octobre 1612 une milice russe, précédée de l’icône de la Vierge de Kazan, rentre à Moscou et en chasse les envahisseurs polonais qui l’occupaient depuis plus de 2 ans.

Icône de la Vierge de Kazan

Tout avait commencé en 1584 avec l’arrivée sur le trône de Fédor 1er, un Riourikide, fils d’Ivan IV dit le Terrible. Fédor est qualifié de « peu intelligent, légèrement retardé et incapable de gouverner » ! Le sachant, Ivan IV avait institué un Conseil de régence, mais c’est en fait Boris Godounov, beau-frère du Tsar Fédor, non membre du Conseil, qui s’empare de facto du pouvoir. Après la mort de Fédor le 7 janvier 1598Boris Godounov est élu Tsar par un Zemski Sobor (qu’on peut comparer aux Etats Généraux en France) convoqué par le patriarche Job.

Fédor 1er
Il va s’en suivre une période d’une quinzaine d’années pendant laquelle les intrigues et les rivalités des prétendants au trône vont mettre en péril l’existence de l’État russe. Cette période est connue sous le nom de Temps des troubles.

De 1601 à 1603, la famine et la peste ravagent les campagnes et des hordes de brigands pillent le pays. Aussi, lorsque le premier faux Dimitri (un imposteur du nom de Grégori Otrepiev, prétendant être le Tsarévitch Dimitri, fils d’Ivan IV mort à Ouglitch en 1591 dans des circonstances troubles) entre en Russie en octobre 1604, il est bien accueilli par toutes les couches sociales, lassées de Boris Godounov. Dimitri entre à Moscou le 30 juin 1605, après la mort subite de Boris Godounov et l’assassinat de la veuve et du fils de celui-ci. Couronné Tsar le 30 juillet 1605 sous le nom de Dimitri II, réformateur mais contesté, il sera assassiné le 17 mai 1606, 9 jours après son mariage avec une noble polonaise, Marina Mniszek. 

Car la République des Deux Nations (polono-lituanienne) joue un rôle …… trouble pendant cette période. Des membres de la noblesse polono-lituanienne soutiennent le faux Dimitri en 1605 – 1606, mais sans l’accord du Roi Sigismond III (Zigmantas Vaza). Quand le Tsar Vassili IV Chouiski (légalement élu après le premier faux Dimitri) conclut une alliance avec les Suédois en 1607, Sigismond III déclare la guerre à la Russie, dans l’espoir d’obtenir des concessions territoriales.

Sigismond III de Pologne

Après quelques victoires, dont celle de la bataille de Klouchino (4 juillet 1610), les Polono-Lituaniens font leur entrée à Moscou. Le 27 août 1610, le prince Ladislas, 15 ans, fils de Sigismond III, est désigné Tsar par un conseil restreint des boyards russes. Mais le Roi de Pologne, arguant de jeune âge de son fils, envisageant de venir lui-même de régner à Moscou, l’ensemble des boyards refuse d’agréer cette nomination ! Les Russes, sous le commandement de Procope Liapounof, se soulèvent et assiègent en mars 1611 les soldats polonais cantonnés dans le Kremlin de Moscou. L’anarchie s’installe dans le Tsarat.  

C’est le Prince Dmitri Pojarski qui accepta de prendre la tête d’une armée de volontaires en formation à Nijni-Novgorod, à condition d’être assisté d’un boucher prospère, Kuzma Minin, membre de la guilde de Nijni-Novgorod. Après avoir prié l’icône de Notre-Dame de Kazan, une des plus saintes de Russie, Pojarski et ses troupes mirent le siège au Kremlin de Moscou le 18 août 1612 et interceptèrent les renforts du Grand Hetman de Lituanie, Jonas Karolis Chodkevičius. Un des points clés fut la capture, par la Prince Dmitri Troubetskoï, des provisions destinées à la garnison polonaise du Kremlin. La famine s’installa et la garnison dut se rendre le 22 octobre 1612.   

Monument à la gloire de Minine et Pojarski, devant la cathédrale Saint-Basile 
Au début de 1613, le Zemski Sobor décide d’élire un Tsar russe et, le 21 février 1613, choisit Michel Romanov, dont la famille est proche des anciens Riourikides, et qui sera couronné le 22 juillet 1613 sous le nom de Michel 1er.  

La Russie tsariste a fêté ce jour jusqu'en 1917, sous le nom de jour de l'unité nationale ( День народного единства ). Cette fête du 22 octobre / 4 novembre a été ré-instituée en 2005 par Vladimir Poutine, dans le but non avoué de damer le pion aux célébrations de la Révolution d'Octobre (7 – 8 novembre), Elle est par ailleurs le prétexte à des « Marches russes » dans les grandes villes de Russie, organisées par les nationalistes néo-fascistes russes.

Marche russe



mardi 31 octobre 2017

31 Octobre 1517: les 95 thèses de Luther et la Livonie

Martin Luther

Même en l’absence de témoignage direct sur l’événement, l’affichage sur les portes de la chapelle du château de Wittenberg (ville de Saxe-Anhalt située au bord de l’Elbe), le 31 Octobre 1517, de ses « 95 thèses » par le moine et théologien allemand Martin Luther (1483 – 1546) est logique avec les usages du temps. Pour l'anecdote, cet affichage est rapporté par un philosophe professeur à Wittenberg du nom de …… Mélanchthon.


Les 95 thèses condamnaient violemment la vente d’indulgences que pratiquait l’Eglise Catholique Romaine, et plus durement encore les pratiques du Haut clergé et notamment de la Papauté. On peut consulter les 95 thèses, dont le nom officiel est Martini Lutheri disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarumpar exemple surhttp://fr.wikipedia.org/wiki/95_th%C3%A8ses.

Fac-similé des 95 thèses


Ce faisant, Martin Luther ne se doutait pas qu’il allait créer une nouvelle religion et bouleverser, moins d'un demi-siècle plus tard, l’équilibre géopolitique de la région balte.

Sur le territoire de ce qui est aujourd’hui – grosso modo – la Lettonie et l’Estonie, la Confédération livonienne exista de 1228 à 1560. Elle regroupait cinq petits Etats : l’Ordre Livonien, l’archevêché de Riga et les évêchés de Dorpat (aujourd’hui Tartu), d’Ősel-Wiek et de Courlande. Créée par le Légat du Pape en 1228, afin de minimiser les conflits, la Confédération était en fait contrôlée par les Chevaliers Porte-Glaive.



Mais, en 1558, Ivan IV, premier tsar de Russie, déclenche la Guerre de Livonie car il veut accéder, et au-delà dominer, la Mer Baltique. La Russie emporte des succès initiaux, et envahit la Confédération livonienne. Affaibli, le Maître de l’Ordre livonien, Gothard Kettler, doit se résoudre, en 1559, à demander l’aide de Sigismond II Auguste,Roi de Pologne Grand-duc de Lituanie, moyennant des concessions. Parallèlement, Gothard Kettler, conscient des progrès du luthéranisme parmi ses sujets, se convertit et sécularise à son profit les terres de l'Ordre (attitude qui ressemble à celle d'Albert de Brandebourg, dernier Grand-maître de l’Ordre Teutonique en Prusse, en 1525).

Gothard Kettler

Le Traité de Vilnius est signé le 28 Novembre 1561Par ce Traité, la Confédération livonienne résiduelle reconnaît la suzeraineté du Roi de Pologne – Grand-duc de Lituanie (Pacta subiectionis). Gothard Kettler, dernier Maître de l’Ordre livonien, devient Duc héréditaire de Courlande et de Sémigalle, vassal de Sigismond II Auguste ; le reste du pays est placé sous administration lituanienne. La capitale du Duché passe de Riga, restée polonaise, à Mitau (aujourd’hui Jelgava).  


Le 5 Mars 1562, Gothard Kettler dépose solennellement à Rīga le manteau des Chevaliers Porte-Glaive, en faisant allégeance au Roi de Pologne, représenté par Nicolas IV Radziwiłł, Palatin de Vilnius et Gouverneur de la Livonie. Il épouse en 1566 la princesse Anne von Mecklembourg-Schwerin et il s’ensuit une dynastie Kettler jusqu’en 1737. Le 25 Juin 1570, il publie les « Privilegium Gotthardium », la première Constitution de Courlande.

Château de Mitau / Jelgava

dimanche 8 octobre 2017

La LITPOLUKRBRIG portera le nom de Kostanty Ostrogski



L'idée d'une Brigade multinationale lituano-polono-ukrainienne (LITPOLUKRBRIG) remonte à juin 2007. Il faut toutefois attendre le 19 septembre 2014 pour que la Brigade soit formée de facto, suite à l'occupation et à l'annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie. Le PC de la Brigade a été inauguré à Lublin (est de la Pologne) le 25 janvier 2016. La Brigade a participé à son premier exercice d'entraînement, « Brave Band », en février 2016.



C'est ce 5 octobre 2017 que la Brigade a reçu le nom de Kostanty Ostrogski

Kostanty Iwanowicz Ostrogski (en lituanien Konstantinas Ostrogiškis) était un magnat du Grand-duché de Lituanie, né vers 1460 à  Ostroh, dans l'ouest de l'actuelle Ukraine. Il commença sa carrière militaire sous le règne du Roi de Pologne / Grand-duc de Lituanie Jean 1er Albert (Jan I Olbracht – règne de 1492 à 1501) et prit part à plusieurs guerres contre les Tatars et contre la Moscovie.

C'est après sa victoire près d'Ochakiv contre le Khan de Crimée Mukhamad Khan Girai qu'il reçut le titre de Grand Hetman de Lituanie le 11 septembre 1497. Lorsqu'en 1512 commence la 4ème guerre entre le Grand-duché de Lituanie et la Moscovie, Kostanty Ostroski est le commandant en chef de toutes les forces polono-lituaniennes, environ 35 000 hommes. Le 8 septembre 1514 il remporte à Orsha une victoire significative contre les forces supérieures en nombre (80 000 hommes) du Grand-prince de Moscou Vasili III Ivanovitch, aux ordres du Prince Mikhail Golitsin.

Kostanty Ostroski

A sa mort le 10 août 1530, c'est un chef de guerre très respecté. Bien que loyal au monarque catholique polono-lituanien, il était de religion orthodoxe et fut enterré à la Pecherska Lavra de Kyiv, dans la cathédrale de la Dormition. La ville de Starokostiantyniv dans l'ouest de l'Ukraine, dont il avait fait construire la forteresse, porte son nom. Comme il était locuteur de langue ruthène, il est considéré comme un précurseur de la langue ukrainienne et est à ce titre considéré comme un héros en Ukraine.

On constate donc que le choix du nom de Kostanty Ostroski pour la Brigade lituano-polono-ukrainienne est judicieux dans la mesure où, son son commandement, ont été fédérées les armées lituano-ruthènes et polonaises pour battre le Mocovite !

NB : le commandant actuel de la LITPOLUKRBRIG est le Colonel polonais Zenon Brzuszko.







mercredi 23 août 2017

23 août 1939 : Le pacte Molotov–Ribbentrop - 23 août 1989 : La Voie Balte


Tous les 23 août, les Baltes célèbrent un double événement : l’un, tragique dans ses conséquences, le Pacte Molotov – Ribbentrop du 23 août 1939, l’autre, synonyme de révolte et d’espoir, la Voie Balte du 23 août 1989

Après leur retour (Lituanie) ou leur accession (Lettonie, Estonie) à l’indépendance en 1918, les États baltes avaient signé avec la Russie soviétique des traités de paix et des pactes de non-agression. Pressentant le conflit européen, ils avaient adopté, début novembre 1938, des textes de lois destinés à manifester leur volonté de rester neutres, à l’écart d’un éventuel conflit.

De son côté l’URSS, inquiète des projets d’expansion à l’est de l’Allemagne cherchait à conclure des accords d’alliance, y compris d’entraide militaire, avec la France et la Grande-Bretagne. Mais ces derniers, faisant preuve d’atermoiements, les soviétiques vont se détourner des démocraties occidentales pour se rabattre sur un accord avec l’Allemagne nazie.

Le 23 août 1939, l'Union soviétique, représentée par son Ministre des Affaires Étrangères, Viatcheslav Molotov, et l'Allemagne nazie, représentée par son homologue, Joachim von Ribbentrop, signent à Moscou un Traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union des républiques socialistes soviétiques, plus communément appelé Pacte Molotov-Ribbentrop.



Le traité proclamait un renoncement au conflit entre les deux pays, ainsi qu'une position de neutralité dans le cas où l'un des deux pays signataires serait attaqué par une tierce partie.

Mais le traité comportait également plusieurs protocoles restés longtemps secrets qui déterminèrent le destin des États Baltes pour 50 ans. Dans ces protocoles, les deux puissances totalitaires s’entendaient pour se partager la Pologne et pour désigner la frontière nord de la Lituanie comme ligne de partage entre leurs « sphères d’influence ». Ainsi, la Finlande, l’Estonie et la Lettonie tombaient dans la sphère d’influence soviétique, la Lituanie dans celle de l’Allemagne.

Ayant les mains libres à l’est, Hitler envahit donc « tranquillement » la Pologne le 1er septembre 1939, ce qui conduisit à la Deuxième Guerre mondiale par l’intervention, le 3 Septembre, de la France et de la Grande-Bretagne volant au secours de leur allié polonais. De son côté, l’URSS envahit la Pologne par l’est le 17 septembre 1939, sans même de déclaration de guerre préalable. Le 28 septembre 1939, les deux puissances totalitaires signèrent un nouvel accord de délimitation des frontières, avec un accord secret complémentaire par lequel la Lituanie tombait, à présent, dans la sphère des intérêts soviétiques.


On n’oubliera pas également que, suite au pacte, l’URSS approvisionna largement l’Allemagne en matières premières (notamment pétrole, caoutchouc, céréales), ce qui permit à celle-ci de constituer des stocks nécessaires à son armée et à son industrie pour la suite de la guerre. C'est ainsi grâce à de l'essence russe que l'Allemagne put envahir la France en mai 1940 ! (Ci-dessous, fraternisation de soldats nazis et russes).



Aujourd’hui, la Fédération de Russie ne fait commencer la seconde Guerre Mondiale qu’en 1941, revendiquant même le titre de principal vainqueur. C’est « oublier » un peu rapidement que, pendant deux ans, elle fut un allié fidèle du régime nazi. Ça en serait presque cocasse si, dans le même temps, elle n'accusait pas les États baltes d'encourager la résurgence du nazisme chez eux ! 

Cinquante ans après, le 23 août 1989, en signe de protestation contre l’occupation dont ils étaient victimes, 2 millions de Baltes (donc un quart de la population totale) se donnèrent la main sur 675 km, entre Vilnius et Tallinn via Riga. Ce fut la Voie Balte, destinée à attirer l'attention de l'Occident sur le sort des États baltes. Les participants demandaient la reconnaissance des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop, mais surtout le rétablissement de leur indépendance et de leur liberté.



Au passage, le logisticien que je fus ne peut qu’être admiratif devant l’organisation d’un tel événement, au nez et à la barbe de l’occupant ! Le parcours exact fut LT: Vilnius – Širvintos – Ukmergė – Panevėžys – Pasvalys – LV: Bauska – Iecava – Ķekava – Rīga – Vangaži – Sigulda – Līgatne – Drabeši – Cēsis – Lode – Valmiera – Jēči – Lizdēni – Rencēni – Oleri – Zasi – Rūjiena – Koniņi – EE:  Nuija  Karksi Viljandi – Türi – Rapla – Tallin.

Depuis 2009, le 23 août est la Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme.

Aujourd'hui, 23 août 2017, des bruits de bottes, toujours les mêmes, se font encore entendre dans la région, en préambule à la manoeuvre „Zapad-2017“ qui va amener des milliers de soldats russes et bélarusses aux frontières des Etats baltes.