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mercredi 20 mars 2019

Napoléon en Lituanie




Ce mardi 19 mars 2019, Madame l'ambassadrice de France Claire Lignières-Counathe et Monsieur le Maire de Kaunas Visvaldas Matijošaitis ont inauguré sur la Colline Napoléon (Napoleono kalnas) une plaque pour rappeler les étapes du franchissement du Niémen par la Grande Armée le 24 juin 1812, prélude à la campagne de Russie. A été également construit un escalier en bois pour faciliter l'accès au sommet, d'où l'Empereur surveillait le franchissement.



C’est une bonne occasion pour revenir brièvement sur le passage, à deux reprises, de l'Empereur Napoléon 1er dans ce qui était, quelques années auparavant, le Grand duché de Lituanie.

Napoléon 1er est venu dans la région dès 1807 à l’occasion de la signature des traités de Tilsit. Après l’écrasante défaite des troupes russes du Général Bennigsen le 14 juin 1807 à Friedland (aujourd’hui Pravdinsk), les Français atteignirent le Niémen le 19 juin 1807. Ce sont les généraux russes qui supplièrent le Tsar de solliciter un armistice.

Le 25 juin 1807, entre 13H et 14H30, le Tsar de toutes les Russies et l’Empereur des Français vont se rencontrer au milieu du Niémen sur un radeau de luxe construit par le Général comte Lariboisière. Alexandre 1er aurait dit à Napoléon « Je hais autant les Anglais que vous », ce à quoi l’Empereur aurait répondu « En ce cas, la paix est faite » !  



Le premier traité de Tilsit est signé en secret le 7 juillet 1807 entre les deux empereurs. Il associe la Russie au blocus continental, mais lui laisse les mains libres pour s’emparer de la Finlande et démembrer l’Empire ottoman. Le second traité, celui-ci public, est signé le 9 juillet 1807 avec la Prusse et consacre le démembrement de celle-ci. Il est notamment créé le Duché de Varsovie à partir de terres polonaises et lituaniennes (Užnemunė). Les traités de Tilsit ressemblent à un partage de l’Europe. Mais l’accord est mal accueilli à Saint-Pétersbourg, car on subodore que l’application du blocus continental va ruiner l’économie russe. 

Napoléon 1er va revenir dans la région en 1812. Accusant le Tsar Alexandre 1er de ne pas respecter l’accord de Tilsit, il décide d’attaquer la Russie. Il faut dire qu’au début 1812, Napoléon est au faîte de sa gloire, gouvernant directement un tiers de l’Europe, de Hambourg à Barcelone, d’Amsterdam à Dubrovnik.



La Grande Armée commence à franchir le Niémen dans la nuit du 23 au 24 juin 1812. Le 24 Juin, Napoléon s’installe dans Kaunas au couvent de la Sainte-Croix, qu’il quittera le 27 juin à 4 heures du matin par une rue qui est encore aujourd’hui la Prancūzų gatvė, la rue des Français ; il passe la nuit dans un château 4 km à l’ouest de Vievis et arrive le 28 juin midi devant Vilnius, prise le matin par Murat et entre dans la ville par la Porte de l’Aurore.

Napoléon 1er a personnellement séjourné du 28 Juin au 16 Juillet 1812 dans le palais épiscopal de Vilnius, devenu en 1795 le palais du gouverneur russe et qui, après transformations au cours du XIXe siècle, deviendra l’actuel palais présidentiel. Au cours de ce séjour de 19 jours, que certains trouveront trop long (mais facile à dire après……), l’Empereur a mis en place la structure administrative du Grand-duché de Lituanie, mais surtout a fait de Vilnius un point essentiel de ses opérations futures. Napoléon avait notamment besoin de temps pour se réapprovisionner et pour réorganiser les territoires occupés.

Pendant cette période dite française, la vie publique fut intense. Il y eut des spectacles, des soirées dansantes, des loteries, mais aussi des fêtes pour célébrer des événements divers. Le 14 Juillet, le général comte Liudvikas Mykolas Pacas donna un bal dans son palais du 7 rue Didžioji (où il hébergeait le Prince Murat), devenu l'Hôtel Pacai, bal au cours duquel Napoléon fit une apparition. Le 15 Août 1812, date anniversaire de la naissance de l’Empereur (en 1769), le Maire de Vilnius, Mykolas Römeris (1778 – 1853) fait rebaptiser la place devant le palais épiscopal en Place Napoléon.

Le retour sera plus rapide. L’Empereur quitte l’armée le 5 décembre à Smorgoni, avant de rejoindre Paris au plus vite car le Général Mallet y conspire. Le 6 décembre au petit matin, il rencontre Maret, Ministre des Affaires Étrangères, à Medininkai, atteint Vilnius à 10H15 sans y entrer, puis Kaunas le 7 décembre à 5H du matin, talonné par les cosaques. Il sera à Paris le 18 décembre à 23H45.

Pendant ce temps-là, jusqu’au 10 décembre, ce ne sera que panique et chaos à Vilnius, et le dernier à « fermer la porte » à Kaunas, le 14 décembre soir, sera le Maréchal Ney (ci-dessous) avec 30 soldats !




lundi 11 mars 2019

11 mars 1990 – 11 mars 2019 : rétablissement de l'indépendance lituanienne




En Lituanie, le 11 Mars est le « Lietuvos Nepriklausomybės Atkūrimo diena », le Jour de la restauration de l’Indépendance de la Lituanie. Il commémore ce soir du 11 Mars 1990 quand, à 22H44, le Soviet Suprême de Lituanie a adopté l’Acte de rétablissement de l’État indépendant de Lituanie.  



Dans la salle des sessions plénières du Parlement, le drapeau tricolore recouvre les armoiries soviétiques. Le Soviet, devenu Diète Reconstituante, proclame le retour en vigueur de la Constitution de 1938. Les mots sont importants et celui de « rétablissement » l'est particulièrement. Ce fait doit être interprété comme un moyen pour démontrer la continuité de la souveraineté de la Lituanie, interrompue par 50 ans d’occupation soviétique totalement illégale.

Le Grand-duché de Lituanie avait été un État souverain de 1253 à 1795, disparaissant dans les trois partages de la Pologne – Lituanie, au profit principalement de la Russie mais aussi de la Prusse. Le fait pour certains de dire que le 11 Mars 1990 serait une nouvelle indépendance, après celle de 1918 – 1940, accréditerait l’affabulation, encore en vigueur dans la Russie d’aujourd’hui, selon laquelle les États baltes auraient rejoint l’U.R.S.S. de leur plein gré et n’auraient pas été occupés !

On soulignera également que le rétablissement de l’indépendance date bien du 11 Mars 1990 et non pas d’un quelconque jour d’Août 1991 quand, après le bien étrange putsch de Moscou, la puissance occupante soviétique a daigné reconnaître cette indépendance. On rappellera d’ailleurs que l’Islande fut le premier État à reconnaître le retour à l’indépendance de la Lituanie dès le 11 Février 1991.



dimanche 3 mars 2019

Le 4 mars, c’est la Saint Casimir en Lituanie


Ce week-end, le plus proche du 4 mars, la Kaziuko Mugė (littéralement « Foire du petit Casimir ») va drainer à Vilnius des dizaines de milliers de personnes venues de très loin, y compris de Lettonie et de Pologne. Qu’est donc cette foire qui existe depuis 412 ans, mais d’abord, qui était ce petit Casimir qui déplace les foules ?

Casimir est né au palais royal de Cracovie le 3 octobre 1458, deuxième fils du Roi de Pologne Grand-duc de Lituanie Casimir IV (Kazimieras Jogailaitis). Il était le petit-fils du Grand-duc lituanien Jogaila, fondateur de la dynastie polonaise des Jagellon, par son père et de l’Empereur du Saint-Empire Romain Germanique Albrecht II de Habsbourg, par sa mère. Son précepteur principal est Jan Długosz de Wieniawa, historien, diplomate et futur archevêque de L'viv (alors Lwów).

Saint Casimir


En 1471, alors qu’il n’est donc âgé que de 13 ans, ses parents l’envoyèrent avec une armée pour occuper le trône de Hongrie sur lequel sa mère réclamait des droits de succession. Mais cette expédition fut un échec et Casimir retourna à Cracovie en 1472 pour terminer son éducation.

A partir de l’âge de 16-17 ans, il commença à voyager à travers le royaume avec son père, afin de gagner de l’expérience dans les affaires de l’État. Quand il eut atteint 22 ans, son père lui délégua un certain nombre de tâches, notamment administratives, dans les domaines de la justice, de l’armée et des finances. En 1481-1483, c’est même lui qui dirigea de facto le Royaume depuis Cracovie, alors que son père résidait en Lituanie.

Mais, parallèlement à ces tâches difficiles à remplir, Casimir menait une vie d’ascèse stricte qui affaiblit sa santé. Il contracta la tuberculose. Casimir fut alors relevé de ses tâches par son père qui lui ordonna de venir à Vilnius en 1483. Il y fut chargé de la Chancellerie du Grand-duché de Lituanie. Quand son père retourna en Pologne, Casimir resta avec sa mère à Grodno (Gardinas) pour passer l’hiver 1483-84. Mais sa santé se détériora rapidement et il mourut le 4 mars 1484, âgé seulement de 25 ans et 5 mois.

La vie sainte du jeune Prince Casimir avait attiré l’attention dès son vivant. Après sa mort, les gens commencèrent à venir prier sur sa tombe dans la cathédrale de Vilnius et, à peine 17 ans plus tard, le Pape Alexandre VI notait que de nombreux miracles avaient déjà eu lieu autour de son cercueil. En 1517, le Pape Léon X nomma une commission pour procéder à sa canonisation. Cette commission, dirigée par un évêque bénédictin, Zacharias Ferrerri, mit en exergue dans ses conclusions que le Prince avait réussi à résister aux plaisirs d’une vie terrestre de luxe, dormant sur le sol, se mortifiant, faisant l’aumône aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, déterminé à préserver une chasteté parfaite, refusant de se marier.

Il est admis que Casimir a été canonisé en 1521 par le Pape Léon X. Mais ce n’est qu’une bulle du Pape Clément VIII, du 7 novembre 1602, qui proclama que Saint Casimir a été canonisé par Léon X et que la Lituanie et la Pologne étaient autorisées à célébrer une liturgie solennelle à cette occasion. C’est ainsi que la première de ces fêtes eut lieu du 10 au 12 mai 1604. Le cercueil du nouveau Saint fut ouvert et l’on constata que son corps était miraculeusement conservé après 120 ans.

Une nouvelle chapelle fut construite en 1636 sur le côté de la cathédrale de Vilnius. Les restes du Saint furent déposés dans un cercueil en argent, placé au-dessus de l’autel. En relation avec ce transfert, le pape Urbain VIII déclara Saint Casimir Saint patron de la Lituanie, dont la fête serait souhaitée le 4 mars. Ce n’est qu’en 1948 que le Pape Pie XII en fit le Saint patron de la jeunesse.

Mais la foire de Saint Casimir dans tout ça ? On a vu que, dès sa mort, les pèlerins furent nombreux à venir se recueillir sur la tombe de Casimir. Ce pèlerinage prit de l’ampleur avec sa canonisation, et il fallait bien nourrir tous ces pèlerins. On date donc de 1604, date de l’arrivée de la bulle du Pape Clément VIII à Vilnius, la première foire de Casimir.

Kaziuko muge