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dimanche 13 janvier 2019

13 Janvier 1991 : l’armée soviétique tue encore à Vilnius !



Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez le 13 Janvier 1991 ?

A moins d’un événement personnel exceptionnel, vraisemblablement pas. En ce qui me concerne, j’étais à l’État-major de la Force d’Action Rapide (FAR) à Maisons-Laffitte et nous étions en plein psychodrame international à propos de l’Irak : l’opération « Tempête du désert » allait se déclencher 3 jours plus tard !

En Lituanie, les Lituaniens, eux, se souviennent : un quart de la population était à Vilnius pour défendre sa liberté et son indépendance retrouvée, tout au moins proclamée le 11 Mars 1990, contre les chars soviétiques.

14 d’entre eux, civils lituaniens sans arme, y ont laissé leur vie, tués par les OMON près de la tour de télévision, des centaines d’autres (officiellement 702) ont été blessés. On ne me fera pas croire que, dans un système aussi verrouillé, aussi hiérarchisé que l’Union soviétique, le « bon » M. Gorbatchev, Président désigné (non élu) de l’URSS, chouchou des Occidentaux, n’était pas au courant. D’autant que, du 17 au 20 Janvier, les mêmes exactions se répétèrent à Riga (Lettonie). Le choix même de la date de l’attaque, alors que le monde entier avait les yeux tournés vers l’Irak, n'était en outre, ne pouvait pas être, un hasard.



Et pourtant, les Lituaniens ont gagné face au totalitarisme. Les soviétiques n’ont pas osé donner l’assaut au Parlement, protégé par des milliers de Lituaniens qui faisaient de leur corps un rempart. Dès le 13 Janvier, Boris Eltsine, Président élu de Russie, condamna l’attaque et reconnut la souveraineté des États baltes. A Moscou, 100 000 personnes descendirent dans la rue pour condamner la répression dans les Républiques baltes. On peut dire que, quelque tragique qu’il fut pour les Baltes, ce 13 Janvier 1991 marqua le début de la fin de l’URSS, et on ne peut que s’en réjouir.

Vytautas Landsbergis (à droite)


Finalement le 9 Février, les Lituaniens, toujours occupés par les soviétiques, votèrent à 90,4 % pour leur indépendance. Mais les soviétiques continuèrent à tuer, jusqu’au 31 Juillet 1991 lorsque  7 douaniers et gardes-frontières lituaniens, sans armes, seront assassinés à Medininkai.



Aujourd’hui, la Fédération de Russie refuse toujours de reconnaître qu’il y ait eu occupation des États baltes. Aujourd’hui, la Fédération de Russie refuse que Gorbatchev aille témoigner au procès des assassins de Janvier 1991. Aujourd’hui, certains (cf. Jirinovski) réclament même le retour des États baltes dans le giron de la Russie. Aujourd’hui, certains, propagandistes zélés face à des milliers de témoins, proclament que ce ne sont pas les OMON qui ont tiré, mais des « provocateurs ». La réécriture de l'histoire est définitivement le sport national russe !

On me dira que c’est le passé. Est-on sûr que ce passé ne se reproduira jamais ? La liberté a un prix. 14 Lituaniens, et quelques jours plus tard 5 Lettons, ont payé ce prix de leur vie. Soyons vigilants afin que de telles exactions ne se reproduisent pas.  Y compris chez nous.

La Lituanie sera libre !

 



vendredi 11 janvier 2019

En mémoire de Renata Lesnik (1949 - 2013)




Avec un peu de retard …… Souvenons-nous de Renata Lesnik, dissidente moldave russophone qui avait décidé de vivre librement dans un régime totalitaire, décédée en France il y a cinq ans déjà, le 29 décembre 2013.

Née en 1949 en Moldavie soviétique, dans une famille d’enseignants russophones, Renata Lesnik était diplômée de l’université Lomonossov de Moscou en philologie et en français. Guide-interprète, puis journaliste à Radio Moscou Internationale, elle découvre que son mari est un agent du KGB ! Prise dans l’engrenage de l’espionnage et de la violence, la dissidente échappe de justesse à la mort avant de se réfugier en 1981 en France, qui lui  accorde l’asile politique. En 1982, elle signe un best-seller, « Ici Moscou » (chez Hachette), qui dévoile ses conditions de travail à la radio d’État, entre les écueils de la censure et l’obsédante surveillance du KGB. La riposte ne se fait pas attendre : en 1983, elle est condamnée à mort, sous Andropov, pour haute trahison d’État. 

Politologue et criminologue, Renata Lesnik mène également une carrière d’auteur, de documentaliste et de traductrice. Elle est notamment la première à traduire en français un numéro intégral de « La Pravda » soviétique en 1986, puis de « L’Étoile Rouge », le journal de l’Armée, en 1987. La première aussi à publier une revue de la presse soviétique, « L’Autre Pravda », formule reprise par Courrier International, élargie au monde entier. 

Reconnue comme l’un des meilleurs spécialistes du soviétisme et du post-soviétisme, Renata Lesnik était régulièrement invitée par les médias français et étrangers en tant qu’analyste politique. Elle va notamment se consacrer au travers de ses livres à dévoiler les liens occultes en Russie entre l’État, les services secrets et la criminalité organisée, un sujet toujours d'actualité. « L'Empire de toutes les mafias », coécrit en 1996 avec Hélène Blanc, dénonçait les parrains, issus des services secrets, qui contrôlent 80 % de l'économie russe. En détaillant le KGB et ses méthodes, elle s'attire les foudres de Vladimir Poutine qui voue un culte absolu à Andropov (les deux ont la même communauté de destin : patron du KGB/FSB puis Chef de l’État URSS/Russie), lequel avait condamné à mort Renata.

Sa consœur et amie la plus proche, la russologue Hélène Blanc, co-auteur avec Renata Lesnik de nombreux ouvrages – dont  « Les prédateurs du Kremlin »(Le Seuil, 2009) et « Russia blues » (Ginkgo, 2012) - avait rendu hommage, dans « Le roman de Renata » (Ginkgo, 2017) , à celle qui était devenue l’un des plus brillants experts de l’URSS et de la Russie post-soviétique, et qui n’avait jamais accepté de compromis avec la vérité. 

Aujourd'hui, que ce soit sur le scène internationale comme en France, la Vérité est mise à mal par les réseaux sociaux et par certains médias. Elle a plus que jamais besoin de défenseurs de la trempe de Renata Lesnik.




vendredi 4 janvier 2019

Il y a trois ans, Nathalie Pasternak nous quittait




Le 4 janvier 2016, après une longue lutte conte la maladie, Nathalie Pasternak « Natalka », nous a quitté. Elle avait promis à ses enfants, Demian, Lilia, Ivan, de passer les vacances de Noël avec eux. Ce matin du 4 janvier, c'était la rentrée des classes : elle avait tenu parole …….

Car Natalka était une femme d'honneur, une femme d'exception. Présidente du Comité représentatif de la Communauté Ukrainienne de France (CRCUF), elle a « incarné la fierté ukrainienne face à l'arbitraire, la résistance face à la lâcheté, le courage face au cynisme. »

Pour mieux la connaître et surtout mieux connaître son action, je recommande la lecture d'une biographie en forme d'hommage qui sort ces jours-ci : « L'Ukraine au coeur » d'Hélène Blanc. Elle y raconte « la singulière histoire d'une femme exceptionnelle dont la vie ne fut pas un long fleuve tranquille ».

Si je me permets de l'appeler familièrement Natalka, c'est que je la connaissais. Notre premier contact date de 2010. Par l'entremise de la Coordination France – Lituanie, j'avais participé à une conférence à deux voix dans un restaurant de Montmartre. J'y présentais la résistance lituanienne à l'occupation soviétique, un autre conférencier traitant en parallèle de la résistance ukrainienne. Nous n'avions pu que souligner la convergence de nombreux points communs. Si, très récemment, un sondage indiquait que la Lituanie était considérée par les Ukrainiens comme leur meilleur soutien, ce n'est donc pas une surprise !

Entre temps, en 2014, la Russie a occupé et annexé la Crimée, au mépris des lois internationales, et entretient une agitation violente dans le Donbass. Militante intègre et pugnace au service des justes causes, Natalka s'est multipliée dans les médias et auprès des parlementaires français et européens, sans oublier les organisations de manifestations pour la défense de la cause ukrainienne. Hélas, il faut reconnaître qu'aujourd'hui, depuis la disparition de son porte-parole, plus personne ne défend l'Ukraine dans les médias ou auprès des institutions.

Mais Natalka avait aussi le cœur sur la main. « Elle voulait toujours aider tout le monde » dit son mari Jean-Pierre. J'ai bénéficié de cette aide quand Jean-Pierre et elle m'ont prêté leur appartement sur la butte Montmartre pendant une semaine, alors qu'ils étaient en vacances en Ukraine, pour que je puisse faire visiter Paris à moindre coût à mon ami letton. Ou encore quand un guide montmartrois nous a fait visiter les endroits secrets de la butte pendant quatre heures, sans bourse délier.

Ce soir, 4 janvier 2018, à 19H00, un hommage sera rendu à Nathalie Pasternak au Centre Culturel et d'Information de l'Ambassade d'Ukraine, 22 avenue de Messine, Paris 8e .

Je laisserai le dernier mot au Président ukrainien, Petro Porochenko : « Le décès prématuré de Madame Pasternak constitue une perte irréparable pour sa famille, ses proches, ses amis, ses collègues et, au-delà, toute la société ukrainienne. »

Chère Natalka, repose en paix. Mais que le combat pour l'Ukraine continue !

NB : les citations entre guillemets sont extraites de « L'Ukraine au cœur » d'Hélène Blanc



jeudi 3 janvier 2019

Lituanie : 2019, année du Général Jonas Žemaitis – Vytautas



S’il est quasiment inconnu en France, le Général Jonas Žemaitis est un héros en Lituanie. Le gouvernement lituanien vient de décider que 2019 serait son année. C'est l’occasion de rappeler sa carrière et son destin, et de souligner que certains en France auraient – au moins - une raison de le connaître.

Jonas Žemaitis  est né le 15 Mars 1909 à Palanga. Il étudie à l’École Militaire de Kaunas à partir de 1926 et en sortira le 23 Novembre 1929 avec le grade de Lieutenant. En 1936, il réussit un concours et part en France. De 1936 à 1938, Jonas Žemaitis est Officier stagiaire à l’Ecole d’Application d’Artillerie de Fontainebleau.

Monument à Palanga


Installée initialement à Metz depuis 1802, l’École d’Application de l’artillerie et du génie est recréée à Fontainebleau le 11 Décembre 1871 suite à la défaite de 1871. En 1912, l’École d’Application du génie est créée à Versailles et l’École de Fontainebleau est rebaptisée École d’Application d’Artillerie. Lorsque le Lieutenant Jonas Žemaitis y effectue son stage, le commandant de l’École est le Général Joseph de la Porte du Theil qui sera, en Juillet 1940, le fondateur et le chef des chantiers de la jeunesse française.  

Jonas Žemaitis sort Capitaine de l’École de Fontainebleau. Après l’occupation de la Lituanie par les troupes soviétiques, il continue son service actif. Par contre, il se retire lorsque l’Allemagne attaque l’URSS, ne voulant pas servir les nazis.

En Février 1944, les Allemands autorisent la création par le Général Povilas Plechavičius d’une force territoriale lituanienne de défense (Lietuvos vietinė rinktinė), espérant en faire une unité supplétive des SS. Refusant toutes les tentatives allemandes de phagocyter son unité forte de 20 à 30 000 hommes, Plechavičius fut arrêté par les Allemands le 15 Mai 1944, avec un millier de cadres et de soldats. Environ une moitié des effectifs réussit à s’enfuir dans les forêts et constitua l’Armée Lituanienne de la Liberté (Lietuvos laisvės armija ou LLA), s’attaquant aux forces d’occupation soviétiques.

Partisans lituaniens. Jonas Žemaitis-Vytautas est le deuxième en partant de la gauche. 

  
La résistance en Lituanie était organisée comme une véritable armée, avec des combattants en uniforme et une chaîne de commandement, contrôlant l’ensemble du territoire de la Lituanie en dehors des villes, organisée en trois régions militaires et neuf districts, jusqu’en 1949.  

En Février 1948, les leaders de la résistance se réunirent dans le village de Minaičiai et établirent un commandement central, l’Union lituanienne des combattants de la Liberté (Lietuvos laisvės kovos sąjūdis ou LLKS). Jonas Žemaitis (nom de code « Vytautas ») en fut élu le chef. Le 16 Février 1949, date du 31ème anniversaire de l’indépendance de la Lituanie, le bureau du LLKS signa une déclaration fixant que la Lituanie, une fois sa souveraineté restaurée, sera un État démocratique, fondé sur la Liberté et les valeurs démocratiques, où tous les citoyens auront les mêmes droits. En 1999, le Seimas (Parlement) reconnut formellement ce document comme une déclaration d’indépendance. 

Mais, en Décembre 1951, Žemaitis est frappé par une hémorragie cérébrale et devint paralysé. Le 30 Mai 1953, sa cachette est découverte et il est arrêté par des agents soviétiques. Il est transporté à Moscou et y est interrogé par le Ministre de l’Intérieur, Lavrentiy Beria lui-même. Jonas Žemaitis-Vytautas est exécuté, dans la prison de Butyrka, le 26 Novembre 1954.


Dernière photo connue (1953) 


Jonas Žemaitis sera nommé Général de brigade à titre posthume. Le 11 Mars 2009, il fut officiellement reconnu comme quatrième Président de la République de Lituanie.

Buste du Général Jonas Žemaitis devant le Ministère de la Défense à Vilnius