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jeudi 31 juillet 2014

La Pologne au début de la Première Guerre mondiale


Le Royaume de Pologne, tout comme le Grand-duché de Lituanie, avait été rayé de la carte d’Europe lors des trois partages de 1772, 1793 et 1795, au profit de la Prusse, de l’Autriche-Hongrie et de la Russie. Napoléon 1er ressuscitera un éphémère Duché de Varsovie à partir de 1807, mais lequel ne survivra pas à sa chute (occupation par les Russes à partir de mars 1813). Lors du Congrès de Vienne (1815), la plus grande partie du Duché de Varsovie devient le Royaume de Pologne, dit Royaume du Congrès, Etat autonome sous tutelle russe, dont le souverain est le Tsar, en l’occurrence Alexandre 1er.

Suite à l’échec de l’insurrection de 1863, l’unité administrative avec la Russie est établie et le Russe devient langue officielle. En 1868, les territoires du Royaume du Congrès sont incorporés comme provinces de l’Empire russe, sous le nom de « Pays de la Vistule ». La russification se poursuit sous les règnes d’Alexandre II (règne de 1855 à 1881) et d’Alexandre III (règne de 1881 à 1894). Le début du règne de Nicolas II (1894 – 1917) connaît un relâchement sensible, qui permet l’apparition de grands partis politiques.

Roman Dmowski

Ainsi, lors des élections de 1906 à la Douma russe, qui ont suivi la Révolution de 1905, sur les 36 députés auxquels le « Pays de la Vistule » a droit, 34 provenait du Parti National-Démocrate (Stronnictwo Narodowo-Demokratyczne  - SND) de Roman Dmowski. Mais l’Assemblée, qui réclamait des réformes vigoureuses, sera dissoute au bout de deux mois !

Durant la période plutôt répressive qui suit, le Parti Socialiste Polonais (Polska Partia Socjalistyczna - PPS) de Józef Piłsudski (exilé en Sibérie de 1887 à 1892) va jouer un rôle important dans l’action clandestine. C’est en fait le seul parti politique qui prônait la violence pour obtenir l’indépendance de la Pologne, au contraire des autres partis, dont le SND, qui adoptait une position de conciliation pour obtenir une autonomie limitée. Il forma des organisations paramilitaires sous le couvert de clubs sportifs.

Józef Piłsudski

Dès avant le déclenchement de la guerre, Piłsudski avait déclaré que, pour que la Pologne recouvre son indépendance, il fallait que la Russie soit battue par les Empires centraux (Autriche-Hongrie et Empire allemand). Par contre son rival, Roman Dmowski, considérait que le meilleur moyen d’obtenir une Pologne unifiée et indépendante était de soutenir la Triple-Entente (France, Royaume-Uni, Russie) contre les Empires centraux. On trouvera donc des Polonais dans les armées des trois empires qui les occupaient.

Ce n’est donc pas une surprise, au début de la guerre, de retrouver Józef Piłsudski combattant dans l’Armée austro-hongroise à la tête des Légions polonaises de Galicie. Les Légions polonaises compteront un total de 20 000 hommes répartis en trois Brigades, Piłsudski étant à la tête de la 1ère et la 2ème par le Général Józef Haller de Hallenburg (que l’on retrouvera en 1918 en France à la tête de l’Armée bleue).

Général Józef Haller

Roman Dmowski, pour qui l’ennemi le plus dangereux était l’Allemagne, sera, lui, obligé d’attendre la révolution de février 1917 pour créer des unités polonaises, dans la mesure où les Russes bloquaient toute constitution d’un mouvement national. Début avril 1917, un Comité National Polonais s’installe à Paris sous la direction de Roman Dmowski et du pianiste Ignacy  Paderewski, comité qui sera  reconnu par la France, le Royaume-Uni, l’Italie et les Etats-Unis. Mais, dès août 1914, la diaspora polonaise avait créé en France un Comité des Volontaires Polonais et nombreux seront les Polonais à s’engager dans la Légion Etrangère et à combattre à partir du printemps 1815 en Artois, en Picardie et en Champagne.


Au final, ce sont entre 2,5 et 3,4 millions de Polonais qui combattront sur tous les fronts d’Europe durant la Première guerre mondiale : 1,2 millions dans l’armée russe, 250 000 dans l’armée austro-hongroise, 800 000 dans l’armée allemande et 200 000 dans l’armée française. Les pertes militaires s’élèveront à 500 000 morts (dont 50 000 sur le territoire français) et 700 000 blessés.


mercredi 30 juillet 2014

30 juillet 1914 : mobilisation générale en Russie


(NB : les dates sont données suivant le calendrier grégorien)

Le 28 juillet 1914, l’Empire austro-hongrois a déclaré la guerre au Royaume de Serbie et, dès le lendemain, a bombardé Belgrade (cf. http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2014/07/28-juillet-1914-lautriche-hongrie.html)

Dès le 25 juillet, date de l’expiration de l’ultimatum autrichien à la Serbie, l’Empire russe avait annulé des grandes manœuvres prévues de longue date et, le 26 juillet, il avait lancé des mesures de pré-mobilisation. Le 29 juillet, le Tsar Nicolas II (« Nicky ») et l’Empereur d’Allemagne Guillaume II (« Willy »), qui étaient cousins au troisième degré, échangèrent des télégrammes en anglais pour essayer, officiellement, d’éviter la guerre.

"Willy" (à gauche) et "Nicky"

Finalement, le Tsar signe le décret de mobilisation générale le 30 juillet 1914 à 16H30, prévoyant le début de la mise sur pied pour le lendemain 31 juillet. Le 1er août à 17H00, l’Empereur d’Allemagne décrète à son tour la mobilisation générale pour le 2 août. Toujours le 1er août, à 19H00, le chancelier allemand Theobald von Bethmann-Hollweg transmet au Ministre russe des Affaires Etrangères, Sergueï Sazonov, la déclaration de guerre en Français : « Sa Majesté l’Empereur, mon Auguste Souverain, au nom de l’Empire, relève le défi et Se considère en état de guerre avec la Russie ».

Fantassins russes

En temps de paix, l’armée impériale russe compte 1 423 000 hommes. Mais, compte tenu des dimensions de l’empire et de la faiblesse des transports ferroviaires, il faudra trois mois pour que la mobilisation soit achevée, à comparer avec les 16 jours de l’armée allemande et les 17 jours de l’armée française. Compte tenu de cette lenteur, seules les grandes unités d’active, déjà formées dès le temps de paix, seront disponibles à la fin du mois d’août !

L’armée russe est composée de deux groupes d’armées, le Front du sud-ouest chargé de combattre l’armée austro-hongroise, avec pour mission d’envahir la Galicie, et le Front du nord-ouest chargé de combattre l’armée allemande, avec pour mission d’envahir la Prusse orientale. C’est à ce Front nord-ouest que je vais particulièrement m’intéresser, car il concerne les Etats baltes.

Le Front du nord-ouest est commandé depuis Lida (ville du Grand-duché de Lituanie, puis chef-lieu d’un district dans le gouvernement de Wilna/Vilnius) par le Général Yakov Jilinski qui sera relevé de ses fonctions après la bataille de Tannenberg (26 – 30 août 1914) et remplacé le 3 septembre 1914 par le Général Nikolaï Rouzski. Le Front est constitué de deux Armées :

      # La 1ère Armée, commandée depuis Vilnius par le Général Paul von Rennenkampf (noble germano-balte né dans l’actuelle Estonie) puis, demis de ses fonctions pour incompétence et trahison, à compter du 5 décembre 1914 par le Général Alexandre Litvinov. La 1ère Armée comprend trois Corps d’Armée à Vilnius (3e), Minsk (4e) et Riga (20e), une Brigade de Fusiliers à Suvalkai, 5 Divisions et une Brigade de Cavalerie, plus 6 Divisions d’Infanterie de réserve.

Le Général Paul von Rennenkampf


      # La 2ème Armée, commandée depuis Volkosyski (en Lituanien Valkaviskas, dans la région de Grodno) par le Général Alexandre Samsonov. L’Armée est dissoute le 30 août suite à sa destruction lors de la bataille de Tannenberg et au suicide de son chef.  

L’armée impériale ne se déploie pas uniquement face à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie, mais aussi face à la Roumanie et à l’Empire ottoman, ainsi qu’en Asie centrale et le long de certains littoraux.

Le commandement est théoriquement assuré par le Tsar Nicolas II, mais celui-ci délègue ses pouvoirs à partir du 2 août 1914 à son oncle, le Grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, qui commandait depuis 1905 le district de Saint-Pétersbourg. La Stavka (Etat-major général) s’installa à Baranavitchy (aujourd’hui dans l’oblast de Brest ex-Litovsk au Bélarus).

Le Grand-duc Nicolas Nicolaïevitch

 (Pour mémoire, Le Grand-duc Nicolas Nicolaïevitch se réfugia en France après la révolution bolchevique, s’installant au château de Choigny, à Santeny (Val-de-Marne). Il décéda le 5 janvier 1929 dans sa villa Thénard à Antibes et est inhumé dans l’église Saint-Michel Archange de Cannes)

(à suivre)



lundi 28 juillet 2014

28 juillet 1914 : l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie


Le 28 juin 1914, un étudiant serbe de Bosnie, Gavrilo Princip, assassinait à Sarajevo  l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg-Este, héritier du trône de l’Empire austro-hongrois, et son épouse.
(cf. http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2014_06_01_archive.html)

Le centenaire de la Première Guerre mondiale sera le fil rouge de ce blog dans les mois voire les années qui viennent, mais, par delà les faits majeurs, j’essaierai de mettre un accent particulier sur ce qui s’est passé dans les Pays baltes qui, depuis la fin du XVIIIe siècle, étaient des entités de l’Empire russe.

Les coupables, membres de l’organisation « Jeune Bosnie » sont accusés d’être liés à la « Main noire » serbe, qui aurait fourni les armes (royaume indépendant depuis 1878). La « Main noire », société secrète nationaliste serbe avait pour objectif de réunir au sein d’un unique Etat serbe l’ensemble des territoires, qu’ils fassent partie de l’Empire austro-hongrois, de l’Empire ottoman ou du Monténégro (royaume indépendant depuis 1910), habités par des Serbes, même si ceux-ci n’y étaient pas majoritaires.

L’Autriche-Hongrie part du principe que la Serbie est responsable de l’attentat de Sarajevo, sans être en mesure de le prouver. Il faut dire que les déclarations de condoléances des officiels serbes sont en décalage avec l’enthousiasme de la population à la nouvelle de l’assassinat.

Les alliances en 1914

Les 5 et 6 juillet 1914, aux entretiens de Potsdam, l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne se mettent d’accord pour régler par les armes la question serbe, au risque de voir la Russie intervenir, au nom du panslavisme (doctrine qui préconise l’union politique des slaves au nom de leur identité commune).

Du 20 au 23 juillet, le Président de la République française, Raymond Poincaré, et son Président du Conseil, René Viviani, ont des entretiens à Saint-Pétersbourg avec le gouvernement russe. Mais il n’arrivent apparemment pas à obtenir des Russes qu’ils fassent preuve de modération dans le conflit naissant.

Le Président français Raymond Poincaré et le Tsar Nicolas II

En tout état de cause, c’est durant ce voyage de l’exécutif français que l’Autriche envoie, le 23 juillet 1914, un ultimatum à la Serbie, expirant sous 48 heures. L’ultimatum exige que la Serbie poursuive et punisse les auteurs de l’attentat de Sarajevo et leurs commanditaires supposés, qu’elle combatte les séparatistes agissant contre l’Autriche et surtout qu’elle intègre des forces policières et militaires de Vienne pour mener l’enquête en territoire serbe.

Le 25 juillet, le gouvernement serbe accepte huit des exigences de l’ultimatum et formule des réserves pour la dernière, proposant un avis de la Cour Internationale de Justice. Immédiatement après la réponse de la Serbie à son ultimatum, l’Autriche-Hongrie rompt ses relations diplomatiques avec celle-ci. Les deux Etats mobilisent partiellement leurs troupes et la Russie décide de soutenir la Serbie. La Bulgarie, alliée de l’Autriche-Hongrie, décide également de rompre les relations diplomatiques avec la Serbie le 26 juillet.

Le 28 juillet, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie et bombarde Belgrade le 29. Le Chancelier allemand, Theobald von Bethmann Hollweg soutient le gouvernement autrichien.

François Joseph 1er, Empereur d'Autriche, Roi de Hongrie, de Bohême et de Croatie

Ce même 28 juillet, la Russie mobilise une partie de ses troupes, puis son armée entière le 30 juillet.
(A suivre)

NB : Les posts à venir, spécifiques à la Première Guerre mondiale seront repérés par le logo suivant : 







jeudi 24 juillet 2014

Lituanie : les modalités pratiques du passage à l’euro


Hier, 23 juillet 2014, les Ministres des Affaires Etrangères, réunis en Conseil de l’Union Européenne (Affaires Générales), ont approuvé la demande d’adhésion de la Lituanie à la zone euro. C’était le dernier feu vert nécessaire après, notamment, ceux de la Banque Centrale Européenne (14 juillet) et du Parlement Européen (16 juillet).

La Lituanie rejoindra donc la zone euro au 1er janvier 2015. Le Conseil d’hier a par ailleurs établi le taux de change fixe à 1 € = 3,4528 Litas, ce qui correspond au taux central actuel du litas dans le mécanisme de change de l’UE.

Le calendrier suivant sera suivi pour l’introduction de l’euro dans la vie courante :

      # Du 22 août 2014 au 30 juin 2015 : double affichage des prix, lias et en euro, dans les commerces

      # 1er octobre 2014 : début d’approvisionnement des banques commerciales en pièces en euro, depuis la Lietuvos Bankas

      # 1er novembre 2014 : début d’approvisionnement des banques commerciales en billets en euro

     # 1er décembre 2014 : début d’approvisionnement des commerces et des entreprises en billets et pièces en euro, depuis les banques commerciales

      # 1er décembre 2014 : début de vente des « starter kits » à la Lietuvos Bankas et dans les banques commerciales. Ils seront disponibles dans les bureaux de poste à partir du 4 décembre 2014

Ce seront a priori 900 000 kits de pré alimentation grand public (« starter kits ») qui seront mis en vente à partir du 1er décembre 2014. Ils devraient contenir 23 pièces (2 pièces de 5 cents et 3 pièces pour les autres valeurs) pour un total de 11,59 € soit 40 LTL.

   # 1er janvier 2015 : début de circulation de l’euro. Les comptes bancaires sont convertis automatiquement en euro

      # 16 janvier 2015 : Fin de la circulation du litas

      # 1er mars 2015 : Fin de la période d’échange des pièces et billets en litas dans les bureaux de poste

      # 30 juin 2015 : Fin de la période d’échange des pièces en litas dans les banques commerciales, et fin de la période d’échange des billets dans certaines banques commerciales

      # 31 décembre 2015 : Fin de la période d’échange des billets en litas dans les banques commerciales restantes

NB : Les pièces et billets en litas resteront échangeables à la Lietuvos Bankas « indéfiniment »


On rappellera que l’Estonie a l’euro comme monnaie depuis le 1er janvier 2011 et la Lettonie depuis le 1er janvier 2014. Je vais enfin pouvoir faire l’économie d’un porte-monnaie ! 






mardi 22 juillet 2014

Ukraine : ne les appelez plus jamais « séparatistes » !


Ceux qui me suivent savent que je donne une grande importance à la signification politique du vocabulaire. Cela m’a valu – et me vaut encore – des discussions épiques sur le distinguo entre Biélorussie et Bélarus.
Aujourd’hui, je voudrais dire combien le terme « séparatistes pro-russes », largement employé dans les médias français pour désigner les insurgés de l’est de l’Ukraine, est éloigné de la réalité et que celui d’ « envahisseur russe » serait le plus adapté.

Prenons pour exemple le pseudo gouvernement de la République populaire autoproclamée de Donetsk.

Son « premier ministre », tout autant autoproclamé le 16 mai 2014, est un dénommé Alexandre Borodaï. Né à Moscou, il est à partir de 1994 journaliste spécialisé dans les conflits sur le territoire de la Fédération de Russie pour notamment RIA-Novosti et la fameuse chaîne de télévision Perviy Kanal.  En 1999, il est au Daguestan pour le journal Zavtra avec Igor Strelkov que l’on retrouvera plus loin. En juillet 2002, la presse informe qu’il est devenu directeur-adjoint de l’information politique du …… FSB successeur du KGB). 

On retrouve Borodaï dans la « République populaire de Donetsk » (DPR), état sécessionniste autoproclamé le 7 avril 2014. Un référendum d’autodétermination se tient le 11 mai 2014, mais son résultat, portant vers l’indépendance du territoire, n’est reconnu par personne, même pas par la Russie ! Dans les jours qui suivent, Alexandre Borodaï se proclame donc premier ministre.

Alexandre Borodaï

Le « ministre de la défense » est Igor Girkin (son vrai nom), alias Igor Strelkov, lui aussi citoyen russe. Militaire de carrière, il a participé aux combats en Transnistrie, en Bosnie et, par deux fois, en Tchetchénie, la deuxième fois en tant que Spetsnaz. Ecrivant des articles pour Zavtra, c’est par l’intermédiaire de celui-ci qu’il fera la connaissance d’Alexandre Borodaï. 

On le retrouve en Ukraine en janvier 2014, apparemment Colonel du GRU, en charge de la protection des reliques provenant du Mont Athos, où il prend la mesure des événements de Maïdan. Puis, en mars 2014, Girkin/Strelkov est en Crimée, au service de la sécurité de Sergueï Aksionov, « élu » « premier ministre » de Crimée en février 2014. Dès le 12 avril, on le retrouve à Slaviansk, dans l’est de l’Ukraine, dont il dirige les « forces d’autodéfense ». Le 16 mai, il est nommé « ministre de la défense » de la DPR. Depuis quelques jours, on parle beaucoup de Giirkin/Strelkov pour avoir apparemment annoncé la destruction d’un Antonov-26 qui s’est révélé être le Boeing 777 MH-17 et pour en avoir discuté avec son supérieur du GRU, Igor Bezler.

Igor Girkin , alias Igor Strelkov

Le dernier arrivé, mais non des moindres, est Vladimir Antjufeev, « vice-premier ministre » de la DPR, en charge de la sécurité. Né à Novossibirsk (Russie), lui aussi militaire, il est bien connu à Riga où il est accusé d’avoir commandé les groupes militaires qui combattaient le nouveau gouvernement letton. Depuis cette période, un mandat international a d’ailleurs été lancé contre lui par le Procureur général de Lettonie et il est persona non grata dans l’Union européenne depuis 2004. Ce qui ne l’a pas empêché d’être pendant 20 ans (1992 – 2012) chef du KGB de la République auto proclamée de Transnistrie. Au printemps 2014, on le retrouve en Crimée où il participe à l’opération russe d’annexion. Son arrivée dans l’est de l’Ukraine est apparemment un soutien à Girkin/Strelkov, qui avait été accusé par certains cercles de Moscou d’avoir rendu « un peu trop rapidement » Slovyansk et Kramatorsk aux forces ukrainiennes légitimes.  

Vladimir Antjufeev

        
Quel rapport ont Borodaï, Girkin/Strelkov et Antyufeyev avec l’Ukraine ? Aucun ! Ils n’y sont pas nés, il n’y ont jamais vécu. Ils y sont juste envoyés en service commandé par la Russie. Car ces trois-là ont manifestement le don de se trouver impliqués dans les opérations militaires sécessionnistes dans l’ancienne URSS (ils étaient tous les trois simultanément en Transnistrie). Mais, comme leur présence devient de plus en plus voyante, Moscou va avoir du mal à continuer à nier son implication dans le conflit, persistant à le traiter de « guerre civile » ukrainienne.


lundi 21 juillet 2014

21 juillet 1940 : le soviet de Lettonie proclame la République socialiste soviétique


Depuis son indépendance, le 18 novembre 1918, la République de Lettonie avait signé, comme les autres Etats baltes, avec la République socialiste fédérative soviétique (RSFS) de Russie, puis, à partir du 30 décembre 1922, avec l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) un certain nombre de traités qui garantissaient en principe sa souveraineté. Il s’agit de :

      # Traité de paix de Riga du 11 août 1920 ;
      # Protocole Litvinov du 9 février 1929 ;
      # Traité de non-agression et de conciliation du 5 février 1932 ;
      # Convention de définition de l’agression du 3 juillet 1933 ;

Mais les protocoles secrets du pacte Molotov – Ribbentrop entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie du 23 août 1939 définirent le partage de la Pologne et des Etats baltes entre les deux dictatures, dont on n’oubliera pas qu’elles furent alliées sur le terrain pendant deux ans (1939 – 1941).

Staline et von Ribbentrop

Dès l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, le 1er septembre 1939, la Lettonie déclare sa neutralité. Mais cette déclaration est annulée par un Pacte d’assistance mutuelle imposé par l’URSS le 5 octobre 1939 et qui se concrétise par la cession de bases militaires avec des garnisons soviétiques d’un total de 25 000 hommes au total.

Le 30 octobre 1939, la Lettonie doit signer avec le Reich allemand, « un accord de transfert des citoyens lettons d’origine allemande vers l’Allemagne, celle-ci « désirant regrouper les personnes d’origine allemande sur le territoire de l’Allemagne ».

Le 12 juin 1940, la flotte soviétique de la Baltique impose un blocus aux Etats baltes. Le 14 juin 1940, profitant de l’entrée des troupes allemandes à Paris (ce qui n’était pas un hasard……), l’URSS déclencha des incidents, montés de toutes pièces par le NKVD, aux frontières des Etats baltes. Le 16 juin 1940, l’URSS prétexte que le Traité d’alliance défensive avec l’Estonie de 1923 et que le Traité d’Entente baltique de 1934 (qui ne comportait pourtant aucun accord militaire) menace sa sécurité, pour adresser un ultimatum à la Lettonie. Celui-ci demandait que soit formé « immédiatement » en Lettonie un gouvernement qui soit favorable à l’URSS et que les unités de l’armée soviétiques soient libres d’entrer sur le territoire letton.

Le gouvernement letton fut bien obligé d’accepter l’ultimatum qui expirait le 16 juin à 23H et, dans la nuit du 16 au 17 juin 1940, les chars soviétiques pénétrèrent en Lettonie et prirent possession des principaux points stratégiques. Trois jours plus tard, un gouvernement fantoche dirigé par un chercheur en biologie, Augusts Kirchenšteins, fut mis en place.

Augusts Kirchenšteins


Le 15 juillet 1940 eurent lieu des « élections » à liste unique (celle du parti communiste), l’abstention étant considérée comme une « trahison envers le peuple », ce qui viole clairement la Constitution lettone. Les candidats adoubés par l’occupant sont sans surprise élus par 97,8 % des votants, le taux de participation étant de 94,8 %.

L’Assemblée ainsi « élue » se réunit le 21 juillet 1940 et vote trois résolutions, pourtant absentes du programme du parti unique :

      # Proclamation de la République socialiste de Lettonie ;
      # Nationalisation des entreprises et des banques ;
     # Demande d’admission de la Lettonie au sein de l’URSS (procédure là aussi non constitutionnelle). Celle-ci fut acceptée le 5 août 1940.

Commence alors « l’année des horreurs », en Letton « Baigais Gads ». Le Président Kārlis Ulmanis est d’ailleurs arrêté ce même 21 juillet et est déporté en Union soviétique, d’abord à Stavropol, puis à Krasnovodsk (actuel Turkménistan). Il y décédera le 20 septembre 1942.

Le Président Kārlis Ulmanis



NB : Toute ressemblance avec des faits récents s’étant déroulés en Ukraine, et notamment en Crimée, ne serait pas fortuite……

mercredi 16 juillet 2014

Le « nouveau » gouvernement lituanien



Ce mercredi 16 juillet matin, le Président de la République de Lituanie, Dalia Grybauskaitė, a approuvé  la composition du « nouveau » Gouvernement :

Algirdas Butkevičius : Premier ministre
Virginija Baltraitienė : ministre de l'Agriculture (N)
Dailis Alfonsas Barakauskas : ministre de l'Intérieur 
Juozas Bernatonis : ministre de la Justice 
Šarūnas Birutis : ministre de la Culture 
Evaldas Gustas : ministre de l'Économie
Linas Antanas Linkevičius : ministre des Affaires étrangères 
Jaroslav Neverovič : ministre de l'Énergie
Juozas Olekas : ministre de la Défense 
Algimanta Pabedinskienė : ministre de la Protection sociale et du Travail
Dainius Pavalkis : ministre de l'Éducation et des Sciences
Rimantas Sinkevičius : ministre des Transports
Rimantas Šadžius : ministre des Finances 
Rimantė Šalaševičiūtė : ministre de la Santé (N)
Kęstutis Trečiokas : ministre de l'Environnement (N)

Seuls trois postes, marqués d’un (N) dans la liste ci-dessus, ont changé de mains. Le gouvernement avait restitué ses mandats le 12 juillet, après l’entrée en fonction du « nouveau » Président, conformément à la Constitution.

Source : le Service de presse du Président


M. Dalius Čekuolis, futur Ambassadeur de Lituanie en France


Après cinq ans passés à Paris, Madame Jolanta Balčiūnienė a quitté son poste d’Ambassadeur de Lituanie en France pour rejoindre à Rome celui d’Ambassadeur de Lituanie en Italie. Elle est remplacée à ce poste par M. Dalius Čekuolis qui a reçu hier, 15 Juillet 2014, ses lettres de créances des mains de Madame Dalia Grybauskaitė, Président de la République de Lituanie.


Tout d’abord, il ne faut pas confondre M. Dalius Čekuolis avec son frère jumeau M. Giedrius Čekuolis (ils sont nés tous les deux le 29 mars 1959) qui a été Ambassadeur de Lituanie en France de 2003 à 2009 !

Diplômé de l’Institut des relations Internationales de Moscou en 1982, M. Dalius Čekuolis est devenu en 1990 Chef du département de l’information au Ministère lituanien des Affaires Etrangères. Puis, à partir de 1992, il fut successivement Ambassadeur au Danemark-Norvège-Islande, puis en Belgique-Pays-Bas-Luxembourg, en enfin au Portugal. Le 2 mars 2006, il est nommé Représentant de la Lituanie auprès des Nations Unies. A ce titre, il fut élu en 2007 pour un an Président de l’ECOSOC (Conseil Economique et Social des Nations Unies)

Avant sa nomination comme Ambassadeur de Lituanie en France, M. Dalius Čekuolis occupait le poste de Directeur politique du Ministère lituanien des Affaires Etrangères. Comme tout « bon » Lituanien, il parle plusieurs langues : Anglais, Français, Espagnol, Russe et Portugais en plus, bien sûr, du Lituanien. Il est marié à Jūratė Čekuolienė et est père d’une fille.


Dans le discours qu’elle a prononcé à l’occasion de la remise des lettres de créances à l’Ambassadeur Dalius Čekuolis, le Président Grybauskaitė a particulièrement insisté sur deux axes de ce que devrait être sa future action en France : rechercher la plus grande coopération possible avec la France dans le domaine de la défense et encourager l’exportation des produits lituaniens en France tout en invitant les entreprises françaises à investir en Lituanie.  


mardi 15 juillet 2014

Saulė et Žalgiris, deux batailles médiévales essentielles pour la Lituanie


Tous les ans, deux batailles médiévales, qui se sont déroulées à 150 ans d’intervalle, sont commémorées en Lituanie car fondamentales pour la création et le développement de l’Etat lituanien. Il s’agit de :

      # La bataille de Durbė, le 13 juillet 1260 ;
      # La bataille de Žalgiris, le 15 juillet 1410.

Les chevaliers Porte-glaive, fondés près de Riga en 1202 par l’archevêque Albert von Buxhoeveden, afin de convertir au fil de l’épée les païens baltes. Mais dès 1236, ils avaient été anéantis par les Samogitiens de Vykintas et les Lituaniens de Mindaugas à la bataille de Saulė (21 septembre 1236), défaite qui avait entraîné l’incorporation des restes de leur effectif dans les Chevaliers Teutoniques, sous le nom de Chevaliers Livoniens.  


La Samogitie jouant un rôle crucial car elle bloquait l’extension des terres des Teutoniques, la guerre entre les Samogitiens et les Chevaliers Livoniens reprit en 1253. Ces derniers furent de nouveau défaits à la bataille de Skuodas (1259). Ce succès encouragea les Sémigaliens (dans l’actuelle Zemgale lettone) à se rebeller.

Les armées unies des Teutoniques et des Livoniens et décidèrent de mettre de l’ordre ! Ils rencontrèrent le 13 juillet 1260 les Samogitiens, a priori commandés par Treniota, neveu et futur assassins de Mindaugas, près du Lac Durbé, à 23 km à l’est de Liepāja. Le résultat fut le même !! Environ 150 Chevaliers Teutoniques périrent, ainsi que des centaines d’autres chevaliers et soldats.

Cette victoire de Durbé donna le signal d’une rébellion généralisée des tribus baltes, notamment celle des Vieux-Prussiens ou Borusses dont la révolte dura de 1260 à 1274. La Zemgale (Sémigale) et la Kurzeme (Courlande) retrouvèrent leur indépendance. Mais surtout, les Lituaniens purent bénéficier d’une relative tranquillité pendant une vingtaine d’année, tranquillité qui leur permit de consolider leur Etat naissant (fondé en 1253).  


Les Teutoniques passèrent le XIVème siècle à batailler contre les Lituaniens. Mais, en 1386, la donne changea. Le Grand-duc de Lituanie Jogaila se maria avec la princesse « polonaise » Edwige d’Anjou, Roi de Pologne (
Hedvig Rex Poloniæ), et devint lui-même co-Roi de Pologne. Pour ce faire, il dut se faire baptiser et baptiser la Lituanie, ce qui enlevait en principe le prétexte de la présence des Teutoniques. En 1404, l’Ordre Teutonique et la Pologne-Lituanie signent d’ailleurs une paix perpétuelle (sic).  

Mais, en 1409, la Žemaitija (nord-ouest de la Lituanie actuelle), toujours païenne, prend les armes contre l’Ordre Teutonique qui l’occupe; l’Union Pologne-Lituanie, qui considère la Žemaitija comme une partie de son territoire, appuie sa révolte. Le 14 Août 1409, le Grand-maître des Teutoniques, Ulrich von Jungingen, déclare la guerre à l’Etat polono-lituanien. Mais il propose également un armistice, car aucun des deux camps n’était prêt à la guerre. Celui-ci dura du 8 Octobre 1409 au 24 Juin 1410, et fut prolongé de 3 semaines, car chaque camp, comprenant l’importance capitale de la bataille à venir, regroupait ses forces.

Côté Teutoniques, des chevaliers vinrent de toute l’Europe, notamment de France (on parle de 120 chevaliers), de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. De l’autre côté se trouvaient les chevaliers polonais du roi Władysław II Jagiełło (Jogaila), les Lituaniens du grand-duc Vytautas, les mercenaires tchèques ou moldaves, environ 3 000, commandés par Jan Sokol de Lamberk. Des vassaux de la Lituanie, Smolensk et les Tatares, fournissent leur également leurs contingents ukrainiens, des chevaliers de Bohème, des Russes et des Tatars rejoignirent l’armée polono-lituanienne. Les Polono-Lituaniens étaient les plus nombreux (45 000 à 50 000), mais les Teutoniques (32 000 à 36 000) étaient mieux équipés et mieux entraînés.

Au matin du 15 Juillet 1410, le soleil se leva vers 4H30. Mais ce n’est qu’à 8H30, alors que les Teutoniques transpiraient au soleil sous leurs cuirasses, mais que les alliées étaient, eux, à l’ombre des bois, que Jogaila accepta le combat. Celui-ci fut longtemps indécis. Le Grand-duc de Lituanie Vytautas était de facto le commandant opérationnel sur le terrain, le Roi Jogaila observant depuis une colline à l’écart.

Le Grand-duc Vytautas

Les Teutoniques furent prêts de l’emporter. Mais Jogaila avait gardé son infanterie en réserve et ne l’engagea qu’à six heures du soir. Les paysans polonais et lituaniens s’élancèrent fanatiquement, remplis de haine et de revanche contre ces Teutoniques qui avaient détruit leurs villages et tué leurs amis.

A 19H20, le Grand-maître Ulrich von Jungingen fut tué. 28 000 Teutoniques et leurs aides périrent dans cette bataille, dont 50 des 60 Commandeurs de l’Ordre et 209 chevaliers. Seuls 1 400 réussirent à quitter le champ de bataille et à rejoindre leur capitale Marienburg (aujourd’hui Malbork en Pologne). Les Alliés polono-lituaniens comptèrent environ 20 000 tués, dont 12 chevaliers et les 2/3 des fantassins.

La bataille de Zalgiris par Jan Matejko. Au centre, en rouge, Vytautas

La Paix de Toruń fut signée entre l’État polono-lituanien et l’Ordre teutonique le 1er Février 1411. Les pertes territoriales de l’Ordre furent relativement minimes, les Polonais et les Lituaniens récupérant toutefois la Žemaitija et une partie de la Poméranie. La rançon était par contre colossale, équivalent à 20 tonnes d’argent pur et ruina totalement le trésor teutonique pour deux siècles !

Mais surtout, le plus important est que cette victoire permit à la Pologne et à la Lituanie de ne pas subir le sort des malheureux Vieux-Prussiens, exterminés par les Teutoniques, et de conserver leur indépendance et leur culture pour les siècles à venir. Pas étonnant donc que ce qui est important en Lituanie, comme une bière ou une équipe de basket, soit baptisé du nom de Žalgiris.