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mercredi 29 août 2018

Dorothée de Dino, de la Courlande à Rochecotte

Dorothée de Dino, duchesse de Courlande
Par le Second Traité de Vilnius (28 Novembre 1561), la Confédération Livonienne reconnaissait la suzeraineté du Roi de Pologne (Pacta subiectionis). En retour, le Roi s’engageait à protéger ses nouveaux sujets contre les armées du Tsar . Le territoire était scindé entre le duché de Courlande et le duché de Livonie.
Gotthard Kettler, dernier Landmeister livonien, converti au luthéranisme, sécularise alors ses moines-soldats, et devient duc héréditaire de Courlande et Sémigalle. La capitale est fixée à Mitau (aujourd’hui Jelgava). Le 5 Mars 1562, Gotthard dépose solennellement le manteau des chevaliers porte-glaives en prêtant hommage au Roi de Pologne Grand-duc de Lituanie, et il épouse en 1566 la princesse Anne von Mecklembourg-Schwerin. Les chevaliers de l’ordre imitent le duc, se taillant des fiefs nobiliaires dans le duché, créant la noblesse locale : les barons baltes.

Le dernier duc de Courlande, Peter von Biron, régna de 1769 à 1795, date à laquelle (28 Mars 1795) le duché fut annexé par la Russie et où il se retira en Silésie, à Sagan. Peter eut six filles de sa troisième épouse, Anna Charlotte Dorothea von Medem, dont quatre survécurent. La quatrième, Dorothée, bien qu’ayant été reconnue par le duc, a toutefois vraisemblablement comme père biologique un homme d’État polonais, le comte Aleksander Batowski. Elle est née à Friedrichsfelde, près de Berlin, le 21 Août 1793 et fut élevée au Palais de Courlande, 7 Unter den Linden. C’est elle qui nous intéresse.

Après les défaites prussiennes de Iéna et Auerstaedt, et l’entrée de Napoléon à Berlin, la famille s’exile brièvement à Mitau (Jelgava) en 1809 - 1807, endroit que la jeune Dorothée trouve « horrible, froid et inconfortable » ; mais elle y rencontre le comte de Provence, futur Louis XVIII.  

Lors du congrès d’Erfurt (27 Septembre – 14 Octobre 1808), réunion entre Napoléon 1er et Alexandre 1er pour réaffirmer l’alliance conclue lors du Traité le Tilsit l’année précédente, Talleyrand (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent), qui n’est plus Ministre des relations extérieure depuis Août 1807 mais qui conseille toujours Napoléon, et qui cherchait une riche héritière pour son neveu, obtient du Tsar que celui-ci intervienne auprès de la duchesse Anna Dorothea pour favoriser le mariage du dit-neveu, Edmond de Talleyrand-Périgord, avec Dorothée, âgée alors de 15 ans (et qui aurait préféré le prince Adam Czartotyski, de 25 ans son aîné). Le mariage est célébré à Francfort-sur-le-Main les 21 – 22 Avril 1809, alors que les hostilités viennent de reprendre entre la France et l’Autriche (12 Avril 1809 : début de la cinquième coalition). Dorothée, d’éducation allemande, devient donc comtesse Edmond de Périgord, mais est plongée en milieu français, donc ennemi ; ses trois sœurs aînées n’assistent d’ailleurs pas au mariage.


Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent

Bien qu’ayant eu trois enfants (Napoléon-Louis en 1811, Dorothée en 1812 et Alexandre en 1813), le couple aura un mariage malheureux, Edmond étant plus attiré par le jeu, la guerre et … les autres femmes. Leur vie conjugale s’arrête de facto avec le départ d’Edmond pour la campagne de Russie. Néanmoins, Dorothée mettra encore au monde, le 29 Décembre 1820, Joséphine Pauline, dont la paternité est souvent attribuée à Charles-Maurice de Talleyrand, l’oncle, et en 1825 Julie-Zulmé dont on ne sait pas exactement qui est le père !

Depuis le congrès de Vienne (1er Novembre 1814 – 9 Juin 1815), où Charles-Maurice de Talleyrand représente la France, Dorothée est entrée dans l’intimité de son oncle par alliance. C’est elle qui fait les honneurs du palais Kaunitz où Talleyrand donne des réceptions brillantes qui participeront certainement au fait que la France sorte intacte du congrès. En 1816, Dorothée s’installe chez Charles-Maurice à Paris et ils ne se quitteront plus. Ils partagent leur temps entre Paris (que Dorothée n’aime pas) et Valençay où Charles-Maurice a acheté un château en 1803. Le 2 Décembre 1817, le Roi de Sicile dote Talleyrand du duché de Dino, une île au large de la Calabre. Comme le titre est immédiatement transmissible à ses neveux, Dorothée devient duchesse de Dino.   

En 1824, Dorothée, qui avait déjà obtenu la séparation de biens, divorce d’Edmond, ce qui prête à la critique parisienne. En 1828, elle achète le château de Rochecotte, à Saint-Patrice (à l’ouest de Langeais), afin de se sentir vraiment chez elle. Elle s’y plaît beaucoup, et elle est en outre plus proche de son amant du moment, Théobald Piscatory dont elle avait eu une fille, Antonine-Dorothée, née en 1827 et qui acheta au même moment le château de Chérigny dans la Sarthe. Elle suit toutefois Charles-Maurice de Talleyrand à Londres de 1830 à 1834, où il avait été nommé ambassadeur. Talleyrand meurt le 17 Mai 1838, entouré de Dorothée et de Pauline.   


Le château-hôtel de Rochecotte

Un mot au passage sur Pauline. Elle épouse Henri de Castellane en 1839. Ils ont deux enfants : Marie Dorothée Elisabeth (1840 – 1915) qui épouse en 1857 le Prince Antoine Radziwill ; et Antoine (1844 – 1917) qui sera lui-même le père du fameux dandy Boni de Castellane (lequel passe son enfance au château de Rochecotte). Veuve en 1847, Pauline vit le plus souvent à Rochecotte où elle mène une vie simple et dévote. Elle décédera en 1890. Le souvenir de ses bienfaits reste encore vivace aujourd’hui à Saint-Patrice.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Dorothée de Dino. A partir de 1838, elle se partage entre Paris, Berlin, Rochecotte et Sagan qu’elle rachète en 1844 à son neveu, Constantin de Hohenzollern. En 1847, elle donne Rochecotte à sa fille Pauline de Castellane et résidera alors dans la principauté de Sagan, en Basse-Silésie, où elle possède 5 villes, 171 villages et 8 000 âmes et où son règne sera un bienfait. Venant encore parfois à Paris et à Berlin, elle finit toutefois sa vie dans la solitude et la mélancolie le 19 Septembre 1862, des suites d’un accident de voiture en Juin 1861.  

A l’occasion des Journées du patrimoine 2012 (15 et 16 Septembre), il sera possible de suivre des visites commentées du château de Rochecotte, aujourd’hui hôtel-restaurant de grande qualité, à 10H00, 11H30, 14H00, 15H30 et 17H00.

La chapelle du château de Rochecotte, qui était auparavant la chambre de Talleyrand







jeudi 23 août 2018

Le 23 août, jour important pour les Etats baltes




Le 23 Août 2008, le Parlement Européen proclamait le 23 Août « journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme » :
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2F%2FEP%2F%2FTEXT+TA+P6-TA-2008-0439+0+DOC+XML+V0%2F%2FFRC’est un euphémisme de dire que les commémorations (si elles ont lieu) de ce 23 Août 2018 sont, en France, très discrètes !

Heureusement qu’en Europe, d’autres États se souviennent. C’est le cas notamment des États baltes qui ont eu à souffrir dans leur chair de ces deux totalitarismes.

En effet, tous les 23 août, les Baltes célèbrent un double événement : l’un, tragique dans ses conséquences, le Pacte Molotov – Ribbentrop du 23 août 1939, l’autre, synonyme de révolte et d’espoir, la Voie Balte du 23 août 1989

Après leur retour (Lituanie) ou leur accession (Lettonie, Estonie) à l’indépendance en 1918, les États baltes avaient signé avec la Russie soviétique des traités de paix et des pactes de non-agression. Pressentant le conflit européen, ils avaient adopté, début novembre 1938, des textes de lois destinés à manifester leur volonté de rester neutres, à l’écart d’un éventuel conflit.

De son côté l’URSS, inquiète des projets d’expansion à l’est de l’Allemagne cherchait à conclure des accords d’alliance, y compris d’entraide militaire, avec la France et la Grande-Bretagne. Mais ces derniers, faisant preuve d’atermoiements, les soviétiques vont se détourner des démocraties occidentales pour se rabattre sur un accord avec l’Allemagne nazie.

Le 23 août 1939, l'Union soviétique, représentée par son Ministre des Affaires Étrangères, Viatcheslav Molotov, et l'Allemagne nazie, représentée par son homologue, Joachim von Ribbentrop, signent à Moscou un Traité de non-agression entre l'Allemagne et l'Union des républiques socialistes soviétiques, plus communément appelé Pacte Molotov-Ribbentrop.

Staline et von Ribbentrop


Le traité proclamait un renoncement au conflit entre les deux pays, ainsi qu'une position de neutralité dans le cas où l'un des deux pays signataires serait attaqué par une tierce partie.

Mais le traité comportait également plusieurs protocoles restés longtemps secrets qui déterminèrent le destin des États Baltes pour 50 ans. Dans ces protocoles, les deux puissances totalitaires s’entendaient pour se partager la Pologne et pour désigner la frontière nord de la Lituanie comme ligne de partage entre leurs « sphères d’influence ». Ainsi, la Finlande, l’Estonie et la Lettonie tombaient dans la sphère d’influence soviétique, la Lituanie dans celle de l’Allemagne.

Ayant les mains libres à l’est, Hitler envahit donc « tranquillement » la Pologne le 1er septembre 1939, ce qui conduisit à la Deuxième Guerre mondiale par l’intervention, le 3 Septembre, de la France et de la Grande-Bretagne volant au secours de leur allié polonais. De son côté, l’URSS envahit la Pologne par l’est le 17 septembre 1939, sans même de déclaration de guerre préalable. Le 28 septembre 1939, les deux puissances totalitaires signèrent un nouvel accord de délimitation des frontières, avec un accord secret complémentaire par lequel la Lituanie tombait, à présent, dans la sphère des intérêts soviétiques.

On n’oubliera pas également que, suite au pacte, l’URSS approvisionna largement l’Allemagne en matières premières (notamment pétrole, caoutchouc, céréales), ce qui permit à celle-ci de constituer des stocks nécessaires à son armée et à son industrie pour la suite de la guerre. C'est ainsi grâce à de l'essence russe que l'Allemagne put envahir la France en mai 1940 ! (Ci-dessous, fraternisation de soldats nazis et russes).



Aujourd’hui, la Fédération de Russie ne fait commencer la seconde Guerre Mondiale qu’en 1941, revendiquant même le titre de principal vainqueur. C’est « oublier » un peu rapidement que, pendant deux ans, elle fut un allié fidèle du régime nazi. Ça en serait presque cocasse si, dans le même temps, elle n'accusait pas les États baltes d'encourager la résurgence du nazisme chez eux ! 

Cinquante ans après, le 23 août 1989, en signe de protestation contre l’occupation dont ils étaient victimes, 2 millions de Baltes (donc un quart de la population totale) se donnèrent la main sur 675 km, entre Vilnius et Tallinn via Riga. Ce fut la Voie Balte, destinée à attirer l'attention de l'Occident sur le sort des États baltes. Les participants demandaient la reconnaissance des protocoles secrets du pacte Molotov-Ribbentrop, mais surtout le rétablissement de leur indépendance et de leur liberté.

Au passage, le logisticien que je fus ne peut qu’être admiratif devant l’organisation d’un tel événement, au nez et à la barbe de l’occupant ! Le parcours exact fut LT: Vilnius – Širvintos – Ukmergė – Panevėžys – Pasvalys – LV: Bauska – Iecava – Ķekava – Rīga – Vangaži – Sigulda – Līgatne – Drabeši – Cēsis – Lode – Valmiera – Jēči – Lizdēni – Rencēni – Oleri – Zasi – Rūjiena – Koniņi – EE:  Nuija  Karksi – Viljandi – Türi – Rapla – Tallin.



Depuis 2008, le 23 août est donc la Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme. La France est-elle encore en Europe ?

mardi 21 août 2018

L'étrange putsch de Moscou (19 – 22 août 1991)



Vingt sept ans après, nous n'avons toujours pas fini d'apurer les comptes suite à l'étrange putsch qui s'est déroulé à Moscou du 19 au 22 août 1991. Après être revenu, dans une première partie, sur les faits, je mettrai en exergue, dans la deuxième partie, les incohérences de ce putsch et j'essaierai d'en tirer des conclusions.

1ère partie : Les faits

Le 19 Août 1991 au matin, les Russes, et au-delà les soviétiques, qui avaient appris à lire entre les lignes, se doutèrent qu’il se passait quelque chose car leur télévision passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet, ce 19 Août à 6H du matin, un « Comité d’État pour l’état d’urgence » s’approprie le pouvoir au Kremlin. Parmi les comploteurs, il y a du beau monde. A commencer par Guennadi Ianaïev, Vice-président de l'URSS, Valentin Pavlov, Premier Ministre de l'URSS, Vladimir Krioutchkov, Président du KGB, Boris Pugo, Ministre (letton) de l'Intérieur et Dmitri Iazov, Ministre de la Défense.

C'est la publication du projet de traité de l'Union, le jeudi 15 août, qui a précipité l'instauration de cet état d'urgence, opération envisagée depuis quelque temps. Alors que six des quinze républiques soviétiques (les trois républiques baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient à l'écart d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur aspiration à l'indépendance, les neuf autres avaient accepté de participer à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS. Mais, même pour celles-ci, les dispositions sont floues, ambiguës, voire contradictoires et ne satisfont personne. Ainsi, comment concilier la disposition qui fait de chaque république "un État souverain" et celle qui qualifie la nouvelle Union des Républiques soviétiques souveraines d'"État fédéral démocratique et souverain" ?

Mikhaïl Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et Président de l’Union soviétique,  est depuis le 4 août en vacances en Crimée dans sa somptueuse datcha de Foros. Le 18 août, une délégation des conjurés arrive là-bas, le relevant de ses fonctions et le séquestrant.  Ils justifient le « départ » du Président par une incapacité d'exercer ses fonctions pour des raisons de santé, argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev en 1964, déjà en séjour sur les bords de la Mer Noire…….  



Les huit putschistes du « Comité d’État pour l'état d'urgence », représentant un éventail des principaux intérêts menacés par la politique de réformes de Mikhaïl Gorbatchev,proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à Moscou.

Très rapidement, des manifestations importantes contre les dirigeants du coup d'État se déroulent à Moscou et à Leningrad (ancien nom de Saint-Pétersbourg) et le président de la Russie, Boris Eltsine,  dirige la résistance depuis la Maison Blanche, le parlement russe. Un assaut planifié du bâtiment par la force ALFA, force spéciale du KGB, échoue après que les troupes eurent unanimement refusé d'obéir. Durant l'une des manifestations, Eltsine se tint debout sur un blindé pour condamner la « junte ». L'image, diffusée dans le monde entier à la télévision, devint l'une des images les plus marquantes du coup d'État et renforça très fortement la position de Eltsine. Le 21 août 1991, une large majorité des troupes envoyées à Moscou pour soutenir le putsch se rangea au contraire ouvertement aux côtés des manifestants ou firent défection.



Dès le 22 août 1991, tout était terminé, l'armée avait fraternisé avec la foule, après que Boris Eltsine, monté sur un char, ait appelé à défendre le pouvoir légitime de Gorbatchev. Mikhaïl Gorbatchev put regagner Moscou. Les putschistes furent arrêtés.



2ème partie : Les incohérences du putsch

Ce fut sans doute un des coups d’État les plus mal préparés de l’histoire. En effet, la vraie surprise viendra du degré d’impréparation des putschistes qui n’arrivèrent pas à empêcher les manifestations. Parmi les incongruités, on relèvera :

# S’il fut destitué comme Président, Gorbatchev conserva le Secrétariat général du parti communiste et, à ce titre, contrôla toujours, du moins sur le papier, l’armée et le KGB.
# Le « Comité pour l’état d’urgence » censura la télévision, mais laissa diffuser des images de Boris Eltsine fraternisant avec les tankistes.
# De même, le Comité laissa diffuser des appels de Chevardnadze et de Iakovlev appelant à constituer des comités de soutien à Gorbatchev.
# Plus généralement, Eltsine bénéficia d’une totale liberté de déplacement et d’expression, se forgeant ainsi une carrure de héros démocrate.
# Le Comité resta d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant pas utiliser la force (la Division Taman fera même allégeance à Boris Eltsine), et n’ayant pas non plus recours à la structure du pouvoir : le parti communiste.

A qui profita le "crime" ?

Ce putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a donné lieu à toutes les hypothèses.

La plus couramment admise fut celle du premier degré, un putsch des conservateurs qui échoua du fait notamment de l’opposition de la population qui ne voulait pas revenir en arrière sur les acquis de la perestroïka.  

Une autre version affirma que Boris Eltsine, Président démocratiquement élu de la Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé faire en vue de le récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est indubitablement lui qui a été le bénéficiaire de ce putsch.

D’autres encore pensèrent que c’est Gorbatchev qui avait tout monté, dans une partie de billard à plusieurs bandes visant à discréditer les « durs ». Auquel cas, il s’est planté puisque supplanté par Eltsine, et l’U.R.S.S. a bel et bien implosé le 21 Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour au cours du putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que d’augmenter leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui suivirent.
   
(NB : les putschistes furent arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1994. Ils eurent une fin de vie paisible, à l’exception de Boris Pougo qui s’est suicidé …… ou qui a été suicidé).

Aujourd’hui, la Russie est dirigée par un ancien Lieutenant-colonel du KGB qui a déclaré que la chute de l’URSS était la plus grande catastrophe du XXe siècle et qui n’a de cesse de faire revenir, y compris par la coercition, l’étranger proche dans le giron de la Russie. 

Alors, tout ça pour ça ?   




lundi 20 août 2018

21 août 1968 : l'Union soviétique écrase le Printemps de Prague






Le « printemps de Prague » avait commencé le 5 janvier 1968 par l'élection d'Alexander Dubček (1921 - 1992) comme secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, puis par l'élection du Général Lulvik Svoboda à la présidence de la République.

Alexander Dubček

Dubček prônait un « socialisme à visage humain » ; il avait aboli la censure, autorisé les voyages à l'étranger et fait même arrêter le chef de la police ! Ce mouvement est très vite acclamé par la population, les médias osent parler librement et de nombreux Tchécoslovaques se ruent vers l'Occident. Dubček parle avec ses concitoyens, descend dans la rue et se mêle à la foule : l'antithèse de Brejnev qui est en train de mettre au point la « doctrine Brejnev » qui limite l'autonomie des États soviétiques !

Mais très vite le Kremlin veut reprendre le contrôle de ectte République socialiste qui semble s'éloigner du « droit chemin ». Le 3 août, Dubček est fermement invité à rejoindre les représentants soviétiques, y compris Brejnev, à Bratislava et doit signer une vague promesse de lutter contre les « forces anti-socialistes » après des discussions orageuses.

Les armées du Pacte de Varsovie, composé de l'URSS, de la Pologne, de la Bulgarie, de la Hongrie et de la RDA, font irruption en Tchécoslovaquie dans la nuit du 20 au 21 août 1968. Les moyens militaires mis en œuvre sont énormes : 28 divisions blindées comptant 6300 tanks, 800 avions, 2000 canons de tous calibres et, dès la première journée, près de 100 000 soldats. Ils seront 750 000 dans les jours suivants. 



Quand les chars investissent les villes du pays, la population s'abstient de toute résistance armée. Elle tente de dialoguer avec les tankistes soviétiques. Dans un dérisoire effort de résistance passive, elle enlève les plaques des rues pour désorienter l'occupant. En certains endroits, des tankistes perdent leur sang-froid face à l'audace des manifestants et ouvrent le feu. On compte le soir du 21 août quelques poignées de morts.



Les 23 - 26 août, des dirigeants tchécoslovaques internés furent conduits en train sous bonne escorte à Moscou. , soumis à des pressions psychologique et même physique, ils furent contraints de signer un protocole annulant le processus de renouveau. Le bloc socialiste devait rester sans changement et sous le diktat soviétique. Tous les dirigeants finirent par capituler, à une exception près : Frantisek Kriegel, qui a refusé de signer le honteux protocole.

Leonid Brejnev

A partir de là, les choses se déroulèrent suivant la mise en scène de Moscou. Les hommes du Printemps de Prague furent éliminés de leurs fonctions. La nouvelle réalité fut scellée en octobre 1968, lorsque l'Assemblée nationale vota le traité sur le séjour temporaire des troupes soviétiques. Gustav Husak fut installé à la direction du pays devenu satellite de Moscou.   

L'invasion a marqué la vie du pays et de ses habitants pour 22 longues années. L'occupation soviétique a fait 72 morts et plus de 700 blessés. L'étouffement du processus de démocratisation a provoqué, tout comme ça avait été le cas en 1948, une vague d'émigration que seule la fermeture des frontières, en 1969, a arrêté. Lors de la période dite de normalisation, dans le cadre des purges communistes, 326 000 membres du PCT, des intellectuels notamment, ont été exclus du parti. Plus de 300 000 personnes ont été écartées de la vie publique. 350 000 autres ont été licenciées ou déplacés à des postes subalternes.