Tous les ans, deux
batailles médiévales, qui se sont déroulées à 150 ans d’intervalle, sont
commémorées en Lituanie car fondamentales pour la création et le développement
de l’Etat lituanien. Il s’agit de :
# La bataille de Durbė, le 13 juillet
1260 ;
# La bataille de Žalgiris, le 15 juillet
1410.
Les chevaliers
Porte-glaive, fondés près de Riga en 1202 par l’archevêque Albert von
Buxhoeveden, afin de convertir au fil de l’épée les païens baltes. Mais dès
1236, ils avaient été anéantis par les Samogitiens de Vykintas et les
Lituaniens de Mindaugas à la bataille de
Saulė (21 septembre 1236), défaite qui avait entraîné
l’incorporation des restes de leur effectif dans les Chevaliers Teutoniques,
sous le nom de Chevaliers Livoniens.
La
Samogitie jouant un rôle crucial car elle bloquait l’extension des terres des
Teutoniques, la guerre entre les Samogitiens et les Chevaliers Livoniens reprit
en 1253. Ces derniers furent de nouveau défaits à la bataille de Skuodas (1259). Ce succès encouragea les Sémigaliens
(dans l’actuelle Zemgale lettone) à se rebeller.
Les
armées unies des Teutoniques et des Livoniens et décidèrent de mettre de l’ordre !
Ils rencontrèrent le 13 juillet 1260 les
Samogitiens, a priori commandés par Treniota, neveu et futur assassins de
Mindaugas, près du Lac Durbé, à 23
km à l’est de Liepāja. Le résultat fut le même !! Environ 150 Chevaliers
Teutoniques périrent, ainsi que des centaines d’autres chevaliers et soldats.
Cette
victoire de Durbé donna le signal d’une rébellion généralisée des tribus baltes,
notamment celle des Vieux-Prussiens ou Borusses dont la révolte dura de 1260 à
1274. La Zemgale (Sémigale) et la Kurzeme (Courlande) retrouvèrent leur
indépendance. Mais surtout, les Lituaniens purent bénéficier d’une relative tranquillité
pendant une vingtaine d’année, tranquillité qui leur permit de consolider leur
Etat naissant (fondé en 1253).
Les Teutoniques passèrent le XIVème siècle à batailler contre les Lituaniens. Mais, en 1386, la donne changea. Le Grand-duc de Lituanie Jogaila se maria avec la princesse « polonaise » Edwige d’Anjou, Roi de Pologne (Hedvig Rex Poloniæ), et devint lui-même co-Roi de Pologne. Pour ce faire, il dut se faire baptiser et baptiser la Lituanie, ce qui enlevait en principe le prétexte de la présence des Teutoniques. En 1404, l’Ordre Teutonique et la Pologne-Lituanie signent d’ailleurs une paix perpétuelle (sic).
Mais,
en 1409, la Žemaitija (nord-ouest de la Lituanie actuelle), toujours
païenne, prend les armes contre l’Ordre Teutonique qui l’occupe; l’Union
Pologne-Lituanie, qui considère la Žemaitija comme une partie de son
territoire, appuie sa révolte. Le 14 Août 1409, le Grand-maître des
Teutoniques, Ulrich
von Jungingen, déclare la guerre à l’Etat
polono-lituanien. Mais il propose également un armistice, car aucun des deux
camps n’était prêt à la guerre. Celui-ci dura du 8 Octobre 1409 au 24 Juin
1410, et fut prolongé de 3 semaines, car chaque camp, comprenant l’importance
capitale de la bataille à venir, regroupait ses forces.
Côté
Teutoniques, des chevaliers vinrent de toute l’Europe, notamment de France (on
parle de 120 chevaliers), de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. De l’autre côté se
trouvaient les chevaliers polonais du roi Władysław II
Jagiełło (Jogaila), les Lituaniens du grand-duc Vytautas, les mercenaires
tchèques ou moldaves, environ 3 000, commandés par Jan Sokol de Lamberk. Des
vassaux de la Lituanie, Smolensk et les Tatares, fournissent leur également
leurs contingents ukrainiens, des chevaliers de Bohème,
des Russes et des Tatars rejoignirent l’armée polono-lituanienne. Les
Polono-Lituaniens étaient les plus nombreux (45 000 à 50 000), mais les
Teutoniques (32 000 à 36 000) étaient mieux équipés et mieux entraînés.
Au matin du 15 Juillet 1410, le soleil se leva vers 4H30. Mais ce n’est
qu’à 8H30, alors que les Teutoniques transpiraient au soleil sous leurs
cuirasses, mais que les alliées étaient, eux, à l’ombre des bois, que Jogaila
accepta le combat. Celui-ci fut longtemps indécis. Le Grand-duc de Lituanie Vytautas était de facto le commandant
opérationnel sur le terrain, le Roi Jogaila observant depuis une colline à
l’écart.
Le Grand-duc Vytautas |
Les
Teutoniques furent prêts de l’emporter. Mais Jogaila avait gardé son infanterie
en réserve et ne l’engagea qu’à six heures du soir. Les paysans polonais et
lituaniens s’élancèrent fanatiquement, remplis de haine et de revanche contre
ces Teutoniques qui avaient détruit leurs villages et tué leurs amis.
A
19H20, le Grand-maître Ulrich von Jungingen fut tué. 28 000 Teutoniques et
leurs aides périrent dans cette bataille, dont 50 des 60 Commandeurs de l’Ordre
et 209 chevaliers. Seuls 1 400 réussirent à quitter le champ de bataille et à
rejoindre leur capitale Marienburg (aujourd’hui Malbork en Pologne). Les Alliés
polono-lituaniens comptèrent environ 20 000 tués, dont 12 chevaliers et les 2/3
des fantassins.
La bataille de Zalgiris par Jan Matejko. Au centre, en rouge, Vytautas |
La Paix de Toruń fut signée entre l’État polono-lituanien et l’Ordre
teutonique le 1er
Février 1411. Les pertes territoriales de l’Ordre
furent relativement minimes, les Polonais et les Lituaniens récupérant
toutefois la Žemaitija et une partie de la Poméranie. La rançon était par
contre colossale, équivalent à 20 tonnes d’argent pur et ruina totalement le
trésor teutonique pour deux siècles !
Mais
surtout, le plus important est que cette victoire permit à la Pologne et à la
Lituanie de ne pas subir le sort des malheureux Vieux-Prussiens, exterminés par
les Teutoniques, et de conserver leur indépendance et leur culture pour les
siècles à venir. Pas étonnant donc que ce qui est important en Lituanie, comme
une bière ou une équipe de basket, soit baptisé du nom de Žalgiris.
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