dimanche 26 janvier 2014

Janvier 1920 : des Français à la bataille de Daugavpils


A la fin de la Première Guerre mondiale, les Alliés s’étaient accordés sur la reconstitution d’un Etat polonais indépendant, formé à partir de territoires appartenant, depuis les trois partages de 1772, 1793 et 1795, aux Empires russe, austro-hongrois et allemand. Le Traité de Versailles (signé le 28 Juin 1919) ne déterminait toutefois pas avec précision le tracé de la frontière orientale de la Pologne.

La jeune République polonaise va rapidement être confrontée à la volonté d’expansion de la Russie bolchevique qui cherche à exporter par la force la révolution prolétarienne vers l’ouest. Les premiers succès seront polonais car la guerre civile russe fait rage et les blancs de Denikine marchent sur Moscou. Le 19 Avril 1919, les Polonais prennent Vilnius, le 2 Octobre ils atteignent la Daugava après plusieurs mois de combat contre la 15e Armée soviétique.

En Décembre 1919, la Pologne conclut une alliance militaire avec la Lettonie, seul Etat de la région avec lequel elle ne soit pas en conflit. Le Général Rydz-Śmigły reçoit le commandement d’un groupe opérationnel pour s’emparer de Daugavpils (en Polonais Dyneburg, en Allemand Düneburg).

Le Général, futur Maréchal polonais Rydz-Śmigły

A ce point, il est nécessaire de faire un état des lieux de l’armée polonaise. Elle fut en effet créée à partir d’unités et d’individuels polonais servant en Russie, en France, en Autriche-Hongrie et en Allemagne, avec des équipements différents et des méthodes différentes.

Par décret du 4 Juin 1917 (publié au Journal Officiel du 5 Juin 1917) est créée en France une armée polonaise autonome, placée sous les ordres du haut commandement français et combattant sous le drapeau polonais. La majorité des recrues sont des Polonais servant dans l’armée française et des Polonais de l’armée austro-hongroise et de l’armée allemande faits prisonniers.

A partir du 4 Octobre 1918, cette Armée est commandée par le Général polonais Józef Haller de Hallenburg, d’où son nom d’Armée Haller ou encore d’Armée Bleue, en référence à son uniforme bleu horizon. Car l’équipement et une partie de l’encadrement étaient fournis par la France.
 
Char Renault FT-17
Le 20 juillet 1918, l’Ordre Général n° 72 crée le 505ème régiment d’Artillerie Spéciale français qui, comme son nom ne l’indique pas, est un Régiment de chars, mais dépendant de l’arme de l’Artillerie. Il est formé de trois bataillons à trois compagnies chacun, équipées de chars légers Renault FT-17. Le 8 mars 1919, le 505ème Régiment d’Artillerie Spéciale est désigné pour former 5 compagnies de chars blindés polonaises. Equipé par la France de 120 chars FT-17, transporté par train en Pologne entre le 1er et le 16 Juin 1919, le 1er Régiment compte à son arrivée 34 Officiers et 354 Sous-officiers et hommes du rang français, et 11 Officiers et 442 Sous- officiers et hommes du rang polonais. Son chef de corps est le Lieutenant-colonel Macé, l’ancien chef de corps du 505ème RAS.



C’est la 2ème compagnie qui entrera la première en action, le 19 Août 1919, contre les forces bolcheviques défendant Bobrouisk (aujourd’hui au Bélarus), en appui du 58ème Régiment d’Infanterie polonais. La compagnie de chars entrera le 28 Août à Bobrouisk. Elle est commandée par le Capitaine Jean Dufour et tous ses Officiers sont Français.

Pour en revenir à la bataille de Daugavpils, le groupe opérationnel du Général Rydz-Śmigły, qui va reprendre la ville aux bolcheviques, comprend les unités suivantes :
Ø  Les 1ère et 3ème Division d’Infanterie « Légionnaires » polonaises, soit 30 000 soldats polonais ;
Ø  La 3ème Division d’Infanterie lettone, soit 10 000 soldats lettons
Ø  La 2ème Compagnie de chars du 1er Régiment de chars, toujours aux ordres du Capitaine Dufour.

 
Chars FT-17 du 1er Régiment de Chars polonais à Daugavpils
L’ « Operacji Zima » (Opération Hiver) était prévue d’être déclenchée au 15 Décembre 1919. Mais des problèmes subsistent : pas de communication directe entre Lettons et Polonais (à cause des soviétiques et Lituaniens hostiles) ; pas de plan de coopération présenté par le gouvernement letton ; peur des Lettons de voir les Polonais s’emparer de la Latgale, mais surtout une armée lettone qui ne voulait pas obéir aux Polonais. Un accord sera finalement trouvé au 30 décembre et le début des opérations est fixé au 3 Janvier 1920.

Ce 3 Janvier 1920, les unités polonaises traversent la Daugava gelée (il fait – 25° et il y a 1 mètre de neige). Les combats sont difficiles, mais la ville est rapidement conquise, les Polonais attaquant par le sud et les Lettons par le nord. Malheureusement, la glace se brise sous le poids des canons d’artillerie, ce qui entraîne d’importantes pertes polonaises. Les défenseurs bolcheviques (et parmi eux des tirailleurs lettons rouges) se retirent de Dyneburg / Daugavpils et se rendent aux troupes lettones qui étaient postées à l’ouest de la ville. Les Polonais auront environ 3 000 tués, blessés et disparus, la principale raison de ces pertes étant une préparation insuffisante pour se battre en hiver. Mais la victoire sur la garnison bolchevique de Daugavpils permettra au moral des « légionnaires » polonais de remonter.

Fin Janvier 1920, les Polonais se retirent au sud de la Daugava et les troupes lettones prennent leur place, à l’exception de la citadelle de Daugavpils, où la garnison polonaise continuera de stationner jusqu’en Juillet, en raison d’une possible contre-offensive des bolcheviques.

La forteresse de Daugavpils




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire