mardi 8 mars 2016

Mort et résurrection de Staline (1ère partie)


Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit Joseph Staline, est déclaré mort le 5 mars 1953 à 6 heures du matin, dans sa datcha de Kountsevo près de Moscou.

En fait, c’est dans la nuit du 28 février au 1er mars, après une réunion au Kremlin consacrée au « complot des blouses blanches » et un dîner à la Datcha avec Lavrenti Beria, Gueorgui Malenkov, Nikita Khrouchtchev et Nikolaï Boulganine, tous membres du Praesidium du Soviet suprême (encore appelé Politburo), que Staline eut vraisemblablement une attaque cérébrale. Mais les faits ne sont pas clairement établis et les témoins se contredisent.

Lavrenti Beria
Durant toute la journée du 1er mars, les gardes attendirent en vain d’être appelés par Staline. Mais celui-ci diffusait une telle terreur dans son environnement que ce n’est qu’avec le prétexte d’apporter un paquet de courrier que les gardes entrèrent dans la chambre du dictateur le 1er mars à 22H30 ! Ils le découvrirent en pyjama, inconscient, gisant sur le sol dans une mare d’urine. Première incongruité, les gardes avaient comme ordre, en cas de nécessité, d’appeler immédiatement les médecins. Or, ils appelèrent les membres du Politburo, pourquoi ? Beria et Malenkov, puis Khrouchtchev et Boulganine, finirent par arriver vers 3 heures du matin mais pour dire de ne pas déranger le camarade Staline qui dormait profondément (sic).

Ce n’est que le 2 mars à 7 heures du matin que les médecins procédèrent au premier examen ! En tout état de cause donc, quel qu’eut été le déroulement exact des événements, Staline a été laissé sans assistance médicale durant de longues heures, avec la complicité des principaux membres du Politburo.

La grave maladie du camarade Staline ne fut annoncée au pays que le 4 mars à 06H30. Le dictateur mourut le 5 mars à 21H50. Entre temps, le bureau du Praesidium s’était réuni, en fait pour entériner les dispositions déjà prise par le tandem Beria – Malenkov, ce dernier devenant chef du gouvernement. La thèse d’un assassinat par empoisonnement, fomenté par Lavrenti Beria (qui savait sa vie menacée), est la plus communément admise, mais, s’il est un jour avéré, l’assassinat n’a pu avoir été commis qu’avec la complicité de Malenkov, Mikoïan et Khrouchtchev. 
  
(Pour plus de détails, voir notamment « Beria, le Janus du Kremlin » de Françoise Thom.)

Le 9 mars 1953, à 10h05, Malenkov, Beria, Molotov, Vorochilov, Khrouchtchev, Boulganine, Kaganovitch et Mikoïan portent le corps de Staline.
Les obsèques du « petit père des peuples » ont lieu le 9 mars 1953. Elles donnent lieu à des scènes d’hystérie collective qui font des centaines de morts (sur les 5 millions de personnes, volontaires ou réquisitionnées, présentes ce jour-là). A Paris, le siège du PCF est drapé de noir et la Chambre des députés observe une minute de silence (à la seule exception de deux députés qui restent assis).



En Allemagne de l’est, par contre, la mort de Staline entraînera un soulèvement à Berlin-Est à partir du 16 juin, soulèvement bien sûr sévèrement réprimé.

Après une assez longue période d’incertitude (qui verra quand même l’exécution de Béria et de ses proches collaborateurs le 26 juin 1953), c’est Nikita Khrouchtchev qui émarge comme le vainqueur de la guerre de succession. Le 25 février 1956, à l’issue du XXe congrès du Parti communiste de l’URSS, il prononce le « discours secret », dénonçant les excès et le culte de la personnalité de la période du stalinisme.

Nikita Khrouchtchev (et sa chaussure) à l'ONU en 1960

En 1961, le corps embaumé de Staline est retiré du mausolée où il cohabitait avec celui de Lénine. Stalingrad devient Volgograd. Les rescapés commencent à être libérés du goulag.

L’affaire semblait donc entendue. Sauf que ……

(A suivre)




1 commentaire:

  1. Étonnamment, la libération du Goulag n'est pas due à Khrouchtchev mais à ... Beria !
    ***
    Beria, nommé ministre de l'Intérieur réunifié avec la Sécurité d'État et vice-président du Conseil des ministres, dispose d'atouts pour succéder à Staline. Il sait qu'il existe d'autres ambitions. Il a une tactique et un programme. Il se rapproche de Malenkov. Pendant les trois mois où il a les mains libres, l'incarnation de la terreur policière stalinienne se révèle paradoxalement un champion de la libéralisation du régime. Dès le 4 avril, il relâche les victimes du complot des blouses blanches et fait savoir que leurs aveux avaient été extorqués par la torture, première fois que l'État soviétique reconnaît une faute. Il ferme les grands chantiers du socialisme alimentés par la main-d'œuvre pénitentiaire. Il fait promulguer une amnistie qui libère un million de détenus du Goulag, tous des droits communs - rien n'ayant été préparé pour les réinsérer, cette masse d'anciens condamnés va déferler sur le pays en commettant une vague traumatisante de vols, de viols et de meurtres. Il restitue le Goulag au ministère de la Justice, limitant ainsi en partie l'arbitraire qui y régnait, et il dénonce en connaissance de cause son inutilité économique ainsi que son hypertrophie. Il fait voter au Politburo l'enlèvement des portraits de dirigeants dans les défilés et manifestations, mesure qui ne lui survivra pas. Il se prononce à l'intérieur pour un meilleur traitement des minorités nationales, et à l'extérieur pour une politique résolue de Détente avec l'Occident, fût-elle payée de l'abandon de la RDA et de la réunification de l'Allemagne en échange de sa démilitarisation.

    À peine trois mois après la mort de Staline, et dans les trois jours qui suivront l'écrasement de la révolte berlinoise, le chef du NKVD est piégé, arrêté le 26 juin 1953, transféré dans le bunker de l'état-major de l'armée et exécuté six mois plus tard avec six de ses collaborateurs.
    Il existe au moins trois versions, avec chacune des variantes, de l'élimination de Beria. Deux thèses connues sont celles de Soudoplatov (le tueur patenté de Staline) et du fils de Beria.
    Les raisons politiques et les modalités exceptionnelles de son arrestation dans l'enceinte du Kremlin sont narrées de façon circonstanciée par Soudoplatov. Selon des méthodes qu'il connaît bien, Beria est condamné à mort le 23 décembre 1953 par un tribunal spécial de la Cour suprême de l'URSS dirigé par le maréchal de l'Union soviétique Ivan Koniev. Il est exécuté le même jour d'une balle dans la tête à l'intérieur d'une cellule du bunker du Quartier général dans la banlieue de Moscou.
    ***
    Quant au "discours secret" de Khrouchtchev, celui-ci n'y dénonçait que les crimes de Staline "envers les membres du Parti". Le tout venant, l'immense majorité des victimes, n'était même pas évoqué.

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