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Le Prince Michel Barclay de Tolly (devant Montmartre ?) , peinture de George Dawe |
(NB :
toutes les dates du présent post sont données suivant le calendrier grégorien,
c’est-à-dire actuel).
En
cette année 2012, on a beaucoup parlé de la Campagne de Russie de 1812. A mes
yeux (mais heureusement pas qu’aux miens), le vrai vainqueur de Napoléon
pendant cette campagne ce n’est pas le « général hiver », c’est
encore moins (en dépit de l’hagiographie officielle russe) le Maréchal
Koutouzov, mais le Maréchal Michel Barclay de Tolly (1761
– 1818).
Les
origines de la famille Barclay remonteraient au XIe siècle en Ecosse. C’est
Johann Stephan Barclay qui s’installe à Riga
en 1664 (alors en Livonie suédoise), est admis au barreau de
Riga et signe alors Johann Barclay de Tolli. Michel, quatrième génération des
Barclay en Livonie, est né le 24 Décembre 1761 au domaine de Pamušis,
aujourd’hui en Lituanie, mais son père, admis dans la noblesse russe, ayant des
problèmes financiers, il est envoyé dès l’âge de 3 ans chez une tante
maternelle à St Petersbourg.
Comme
il était d’usage dans la noblesse, il est inscrit à 6 ans dans un régiment de
Cuirassiers. Il rejoint de facto le service actif à l’âge de 15 ans, au
régiment de Fusiliers de Pskov, et, à 17 ans (1778), il est promu cornette
(officier le moins gradé de chaque escadron dans la cavalerie).
Par
la suite il s’illustrera contre les Turcs (notamment à la bataille d’Ochakov –
17 Décembre 1788), puis en Finlande du nord (1790) et prendra part aux
campagnes de 1792 et 1794 contre l’insurrection de Tadeusz Kościuszko. Il
reçoit même l’Ordre de St-Georges 4eclasse pour une action décisive
lors de la prise de Vilnius.
Le
25 Mars 1799, Michel Barclay de Tolly est nommé Major-Général. Il est le 2
Décembre 1805 à Austerlitz où le Tsar Alexandre 1er accuse
Koutouzov de couardise et de « passion pour la retraite ». Barclay,
par contre, s’illustre à la bataille de Pultusk (26 Décembre 1806) et à celle
d’Eylau (7-8 Février 1807), où Napoléon demande le nom de ce général
« qui barre sa route avec tant de courage et une telle parfaite
compétence ».
Blessé
à Eylau, Barclay est en convalescence à Memel (l’actuelle
Klaipėda) et y reçoit, début Avril 1807,
la visite du Tsar. C’est le tournant de sa carrière. Car, ayant eu le temps de
réfléchir pendant sa convalescence, il expose, sans la flatterie habituelle de
l’entourage du Tsar, son plan pour attirer
Napoléon dans les profondeurs de la Russie, de plus en plus loin de ses bases,
ne lui infligeant que de brefs engagements mais un maximum de harcèlement, lui
faisant consommer ses stocks, avant de lui infliger un « nouveau
Poltava », grâce à une armée russe bien préservée et avec l’aide du climat.
Mais,
le 14 Juin 1807,
c’est la défaite de Bennigsen à Friedland,
qui oblige Alexandre à rencontrer Napoléon,
puis à signer le traité de Tilsit le 7 Juillet 1807. Barclay va alors
partir s’illustrer en Finlande (1808 – 1809), traversant à pied avec ses
troupes le golfe de Botnie gelé, entre la Finlande et la Suède. A la mi-Avril
1809, il est nommé, à 47 ans, à la fois Commandant
en chef et Gouverneur général du Grand-duché de Finlande, devenu russe (et ce jusqu’en 1917).
Lorsqu’éclate
la campagne de Russie, Barclay est Ministre
de la Guerre depuis le 13 Janvier 1810. Il a eu le temps de restructurer l’armée russe,
de faire des propositions pour la défense des frontières de l’ouest et de
s’intéresser au renseignement. Le Tsar signe son « Règlement » (qui
restera en vigueur jusque dans les années 1860) le 8 Février 1812. Le 12 Avril,
le Tsar nomme Barclay commandant de la 1ère Armée
de l’ouest (en plus de sa charge de Ministre).
La
suite est mieux connue. La Grande Armée franchit le Niémen
dans la nuit du 23 au 24 Juin 1812.
Conformément au plan Barclay, l’armée russe (qui, à partir du 17 Juillet, n’a
plus de commandement unifié, le Tsar Alexandre ayant quitté le théâtre) se
dérobe. A Vitebsk (26 Juillet),
la Grande Armée avait déjà perdu 100 000 hommes. Mais, avec l’abandon de Smolensk
(17 Août), la révolte gronde chez les alter egos (Bagration) et les
subordonnés de Barclay (Grand-duc Constantin). On accuse même celui-ci de traîtrise
puisque Livonien (donc pas vraiment Russe) et parlant avec un accent allemand
…… Finalement le Tsar, pressé par son entourage et ébranlé par l’entreprise de
dénigrement vis-à-vis de Barclay, nomme le vieux Maréchal
Koutouzov pour prendre le commandement général
(avec le encore plus vieux Bennigsen comme Chef d’Etat-major) et remplace
Barclay par Gortchakov comme Ministre de la guerre (27 Août).
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Conseil de guerre à Fili, tableau d'Aleksei Kivshenko (1882) |
A
la bataille de Borodino (7 Septembre, appelée bataille de la Moskova par les Français),
Koutousov (« décrépit et fatigué ») et Bennigsen font de grosses
erreurs de commandement et ce sont Barclay (1ère Armée)
et Bagration (2ème Armée), réconciliés, qui sauvent la situation. Après
la bataille, Koutouzov tient un conseil de guerre à Fili et décide …… de
continuer à reculer, en abandonnant Moscou. Mais, dans le même temps, Bagration
ayant été mortellement blessé à Borodino, Koutouzov décide d’amalgamer la 1ère et
la 2ème Armées, aux ordres du remplaçant de Bagration.
Mortifié et malade, Barclay demande (et obtient) une permission de maladie (30
Septembre). Il sera de retour sur ses terres de Beckhof (aujourd’hui Jōgeveste
en Estonie, près de Valga / Valka) le 24
Novembre 1812.
Mais,
mis au courant de la réalité des faits, le Tsar lui-même restaure l’honneur
d’homme et de soldat de Barclay de Tolly. Celui-ci, recevant le commandement de
la 3ème Armée le 18 Février 1813, s’illustrera de nouveau en
prenant la forteresse de Thorn (début Avril 1813) et sera nommé, le 31 Mai
1813, Commandant en chef de toutes les armées ; brusquement, il devient
très à la mode d’être pro-Barclay ! Il dirige la prise de Paris
le 30 Mars 1814, jour même où le Tsar le nomme Feld-maréchal.
L’apothéose
surviendra le 7 septembre 1814 où, à l’occasion de la
grande parade de la victoire à Vertus, en Champagne (sud d’Epernay), il sera
nommé Kniaz,
titre de Prince en principe réservé aux vieilles familles (comme, par exemple,
les Bagration). Comme devise, il choisit « Loyauté
et patience ».
Malade,
du fait de toutes les souffrances physiques, et peut-être morales, endurées, il
meurt le 23 Mai 1818 près d’Insterburg (Prusse orientale)
alors qu’il se rendait aux eaux en Bohême. Premier prévenu, le Roi de Prusse
Fréderic Guillaume III lui fait donner une escorte d’honneur. Le cortège
funèbre atteint Riga le 11 Juin, où une cérémonie militaire a lieu avant
l’inhumation provisoire dans l’église luthérienne St Jacques (actuelle
cathédrale catholique St Jacques). Il sera ré-inhumé en 1823 dans un
mausolée situé près de son domaine de Beckhof / Jōgeveste (ci-dessous).
(d’après
notamment "The Commander: A life of Barclay de
Tolly" de Michael et Diana Josselson)
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Statue de Barclay de Tolly à Riga |