Les Ukrainiens appellent Holodomor (голодомо́р = extermination par la faim) le fléau qui s’abattit sur l’Ukraine soviétique au début des années 1930 et qui atteignit son paroxysme pendant l’hiver 1932 – 1933. Suivant les historiens (sachant que les sources soviétiques étaient souvent falsifiées), elle aurait fait entre 2,8 (sources russes) et 7 à 10 millions de morts (sources ukrainiennes).
Après des décennies de négation en URSS et en Occident, la responsabilité des autorités soviétiques, et notamment de Staline, dans cette famine est aujourd’hui largement reconnue. Elle est en effet incontestablement due à la collectivisation forcée, à la « dékoulakisation », au pillage de l’Ukraine (« grenier à blé de l’URSS ») via les réquisitions excessives, et à la limitation des déplacements des paysans (Des barrages avaient été installés par l'armée sur les routes d'Ukraine afin d'empêcher l'exode de paysans fuyant la famine). Mais, là encore, des divergences apparaissent, entre la version officielle russe qui met en avant, dans les raisons de la famine, la sécheresse avant les excès de la collectivisation forcée des terres, et ceux qui, comme l’opposition ukrainienne et le Parlement européen parlent de famine artificielle.
L'actuel président ukrainien, Viktor Ianoukovytch, à l’encontre de son prédécesseur Viktor Iouchtchenko, a déclaré en Avril 2010 à Strasbourg qu'il serait injuste d'affirmer que la grande famine des années 1930 était le génocide d'un seul peuple. Il rappelle ainsi que la famine a touché la plus grande partie de l’URSS, notamment le Kazakhstan. Mais la mortalité en Ukraine a été indubitablement plus élevée. Ainsi, le taux de mortalité annuel pour mille habitants dans les campagnes passe de 100 en 1926 à 188,6 en 1933 dans l'ensemble de l'URSS, mais atteint 367,7 en Ukraine cette même année.
Le fond du problème actuel est la reconnaissance ou non de l’Holodomor comme génocide. Il semblerait que, contrairement aux autres famines qui ont précédé en URSS (1921-23, 1924-26, 1927-28), et à celle qui a suivi (1946-47), celle de 1932-33 se soit distinguée par la volonté d’éradiquer le nationalisme ukrainien et de punir les paysans ayant un certain niveau d’aisance, les Koulaks. A ce titre, il s’agirait bel et bien d’un génocide. 16 pays ont d’ailleurs reconnu l’Holodomor comme génocide, dont l’Estonie et la Lituanie, mais pas la Lettonie. Ni la France. La Fédération de Russie a opposé son veto aux Nations-Unis en 2008 à une demande de célébration du 75ème anniversaire de l’Holodomor …… Egalement en 2008, le Parlement européen a reconnu l’Holodomor en Ukraine comme « un crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité », sans pour autant lui donner une qualification de « génocide ».
Hier 27 Novembre (je cite RIA-Novosti), « le président ukrainien Viktor Ianoukovitch et le premier ministre du pays Nikolaï Azarov ont rendu hommage samedi aux millions d'Ukrainiens victimes de la grande famine des années 1932-1933 en URSS ». Une façon comme une autre de souligner que c'était une « tragédie partagée » par tous les peuples de l'Union soviétique, donc de ne pas se fâcher avec Moscou !
Soixante-dix ans après cette tragédie, la communauté ukrainienne attend toujours que justice soit rendue par :
# Le rétablissement de la mémoire longuement occultée par le régime communiste ;
# La reconnaissance de sa nature réelle ;
# Les leçons à tirer de cette catastrophe humaine, un pouvoir étant toujours susceptible d’utiliser des moyens répressifs extrêmes contre sa propre population.
Certains ne sont manifestement pas encore prêts à effectuer cette démarche.