Hier 7 Mai 2012 s’est déroulé le xième épisode du pas de deux (pour ne pas dire du sketch) Poutine – Medvedev à la tête de la Fédération de Russie.
Elu une première fois en 2000 par 52,94 % des voix, après que le Président Boris Eltsine l’ait intronisé comme dauphin, réélu en 2004 avec 71,2 %, Vladimir Poutine ne pouvait pas se représenter une troisième fois d’affilé, conformément à la Constitution.
En 2008, il a donc choisi Dmitri Medvedev pour lui succéder, en fait pour lui garder la place au chaud. L’impétrant avait obtenu 70,28 % des voix. D’aucuns y avaient vu une alternance démocratique, d’autant que Medvedev était rapidement devenu le chouchou des dirigeants occidentaux qui voyaient en lui un réformateur. Pensez, il utilisait Twitter ! Ceux qui, dans mon genre, osaient dire que le nouveau Président n’était qu’une marionnette de son prédécesseur, se faisaient clouer au pilori.
Pourtant, la vérité a éclaté le 24 Septembre 2011 lorsque, lors du congrès du parti au pouvoir «Russie Unie», le Président Medvedev et le Premier Ministre Poutine se sont auto-proposés d’échanger leur rôle en 2012. Cerise sur le gâteau : les protagonistes ont admis que cette décision avait été prise 4 ans auparavant, dès la prise de fonction de Medvedev. Comme, entre temps, le mandat présidentiel était passé opportunément de 4 à 6 ans, chacun a conclu que Poutine était au pouvoir au moins jusqu’en 2024.
Mais ça risque de ne pas être si simple. Le jeu de chaises musicales n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde en Russie. Comme, de plus, de nombreux cas de fraudes en faveur de « Russie Unie » ont été dénoncés par l’opposition et des médias indépendants lors des législatives du 4 Décembre 2011, d’importantes manifestations ont eu lieu dans tous le pays dans les jours qui ont suivi.
En outre, la corruption est plus que jamais vivace dans la maison Russie. L’ex-Président Medvedev a lui-même reconnu que les résultats de son « combat » contre elle ont été modestes (sic). Les grands chantiers, dont particulièrement celui des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, sont emblématiques des trous noirs qui engloutissent le budget de l’Etat. Aussi, on peut sourire quand, quelques heures après avoir repris son fauteuil au Kremlin, Poutine a décrété de multiplier «d'ici à 2018 les salaires réels par 1,4-1,5», d'équiper l'armée à 70% de systèmes militaires modernes, ou encore de créer «25 millions d'emplois à haute valeur ajoutée d'ici à 2020»... Il a ordonné que tout soit fait pour que la Russie passe de la 120e place à la 20e dans le classement de la Banque mondiale du climat des affaires. Enfin, pour l’anecdote, il s’est même engagé à ce que personne ne passe plus de 15 minutes dans les files d'attente des administrations publiques !
Cet état mafieux tenu par les héritiers du KGB, ne survit que grâce à la vente des matières premières, notamment le gaz et le pétrole. Mais les Russes ne supportent plus l’arbitraire d’une justice aux ordres et de la corruption généralisée. Un livre raconte leur révolte, il s’agit de « Russia Blues » de Renata Lesnik et Hélène Blanc (éditions Ginko), écrit à partir de documents et d’enquêtes d’un des rares journaux russes encore indépendant, Novaya Gazeta. S’il en était besoin, la liste des journalistes de Novaya Gazeta, dont Anna Politkovskaïa, dont l’assassinat est resté non élucidé témoigne de son indépendance. « Russia Blues » est donc à lire si l’on veut échapper au politiquement correct et au journalisme fast food, pour connaître la vérité sur la Russie d’aujourd’hui.