Le 19
Août 1991 au matin, les soviétiques, qui avaient appris à lire entre
les lignes, se doutèrent qu’il se passait quelque chose car la télévision
passait en boucle le « Lac des cygnes » ! En effet, ce 19 Août à
6H du matin, un « Comité d’Etat pour l’état d’urgence » s’était approprié
le pouvoir au Kremlin. Parmi les comploteurs, il y a du beau monde. A
commencer par Guennadi Ianaïev, le vice-président, Vladimir Krioutchkov, le
responsable du KGB, Boris Pougo, le ministre (letton) des Affaires étrangères
et Dmitri Iazov, le ministre de la Défense.
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Les putschistes du "Comité d’Etat pour l’état d’urgence" |
C'est
la publication, le 15 août, du projet de traité de l'Union qui
a officiellement précipité l'instauration de cet état d'urgence, car il devait
être signé le 20 août. Alors que six des quinze républiques soviétiques
(les trois républiques baltes, la Moldavie, la Géorgie et l'Arménie) restaient
à l'écart d'une négociation qui leur paraissait incompatible avec leur
aspiration à l'indépendance, les neuf autres, qui avaient accepté de participer
à l'élaboration des nouvelles règles du jeu de l’URSS, trouvaient les
dispositions floues, ambiguës, voire contradictoires.
Mikhaïl
Gorbatchev, Secrétaire général du parti communiste et Président de l’Union
soviétique, est depuis le 4 août en
vacances en Crimée dans sa somptueuse datcha de Foros. Le 18 août, une
délégation des conjurés arrive là-bas, le relevant de ses fonctions et le
séquestrant. Ils
justifient le « départ » du Président par une incapacité d'exercer
ses fonctions pour des raisons de santé, argument déjà invoqué pour destituer Khrouchtchev
en 1964……. Ils
proclament l'état d'urgence, rétablissent la censure et font entrer les chars à
Moscou.
Mais,
dès le 21 août 1991, tout était terminé, l'armée – y compris le KGB
- ayant fraternisé avec la foule. Boris Eltsine, le plus farouche opposant de
Gorbatchev, monté sur un char, avait même appelé à défendre le pouvoir légitime
de celui-ci. Mikhaïl Gorbatchev put donc regagner Moscou et les putschistes furent
arrêtés.
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Retour de Gorbatchev le 22 août |
Au
passage, on notera que le Président français, François Mitterrand, commettra
une grave erreur politique en déclarant vouloir attendre les intentions des «
nouveaux dirigeants» soviétiques, reconnaissant de facto le
« gouvernement » issu du coup d'Etat. Après ne pas avoir vu venir la
réunification de l’Allemagne et s’être opposé à l’indépendance des Baltes, ce
manque de vision commençait à faire désordre et préfigurait une longue
incompréhension de ce qui se passe à l’est de la Porte de Bagnolet……
Les
incohérences du putsch
Ceci dit, ce fut sans doute un des coups d’Etat les plus mal préparés de l’histoire.
En effet, la vraie surprise viendra du degré d’impréparation des putschistes
qui n’arrivent pas à empêcher les manifestations. Pire encore, une grande
partie des troupes envoyées à Moscou se rangent du côté des insurgés ou font
défection. Parmi les incongruités, on
relèvera :
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S’il est destitué comme Président, Gorbatchev conserve le Secrétariat général
du parti communiste. A ce titre, il contrôle toujours l’armée et le KGB.
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Le « Comité pour l’état d’urgence » censure la télévision, mais laisse
diffuser des images de Boris Eltsine fraternisant avec les tankistes.
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De même, le Comité laisse diffuser des appels de Chevardnadze et de Iakovlev,
tous deux artisans de la perestroïka, appelant à constituer des comités de
soutien à Gorbatchev.
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Plus généralement, Eltsine bénéficie d’une totale liberté de déplacement et
d’expression, se forgeant ainsi une carrure de héros démocrate.
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Le Comité reste d’ailleurs muet, enfermé au Kremlin, n’osant pas utiliser la
force (la Division Taman fera même allégeance à Boris Eltsine), et n’ayant pas
non plus recours à la structure du pouvoir : le parti communiste.
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Boris Eltsine sur "son" char |
A
qui profite le "crime" ?
Ce
putsch version Pieds Nickelés, dont l’échec
a eu une grande influence sur l’Histoire mondiale, a donné lieu à toutes les hypothèses.
La
plus couramment admise est celle du premier degré, un putsch des conservateurs
qui échoue du fait notamment de l’opposition de la population qui ne veut pas
revenir en arrière sur les acquis de la perestroïka.
Une
autre version affirme que Boris Eltsine, Président démocratiquement élu de la
Russie, était au courant du putsch et qu’il a laissé faire en vue de le
récupérer (ce qui est de facto arrivé). C’est indubitablement lui qui a été le
bénéficiaire de ce putsch.
D’autres
encore pensent que c’est Gorbatchev qui a tout monté, dans une partie de
billard à plusieurs bandes visant à discréditer les « durs ». Auquel
cas, il s’est planté puisqu’il a été supplanté par Eltsine, et que l’U.R.S.S. a
bel et bien implosé le 21 Décembre 1991. Mais, après avoir réclamé son retour
au cours du putsch, les Occidentaux ne purent pas faire autrement que
d’augmenter leur aide économique et financière à l’URSS dans les mois qui
suivirent.
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Gorbatchev et Eltsine |
Alors,
ce putsch n’a-t-il été qu’une vaste comédie ?
(NB :
les putschistes ont été arrêtés, condamnés, puis amnistiés en 1994. Ils ont eu
une fin de vie paisible, à l’exception de Boris Pougo qui s’est suicidé …… ou
qui a été suicidé).