La Lettonie a elle aussi connu une dispute semblable autour du district d’Abrene, devenu district de Pytalovo, au nord-est de la Lettonie. Pour en comprendre la raison, il faut remonter à la fin de la Première Guerre mondiale.
La zone, point de friction entre les Finno-ougriens, les Baltes et les Slaves, était une partie de la Livonie depuis les années 1270. Elle subit les diverses occupations de la dite-Livonie par les Polono-lituaniens (1561 – 1629), les Suédois (1629 – 1721) et les Russes (1721 – 1917). Lors de l’indépendance, l’accord frontalier entre la Lettonie et la Russie soviétique ne fut finalisé que le 7 Avril 1923. La frontière ainsi tracée laissait des communautés lettones côté russe et des communautés russes et biélorusses côté letton. Les habitants côté letton reçurent tous la citoyenneté lettone, quelle que fut leur ethnicité.
Avec la deuxième occupation soviétique, les « députés » du soviet suprême de la RSS de Lettonie entérinèrent, dès le 6 Octobre 1944 à Daugavpils, une proposition « suggérée » par Moscou de rattacher la ville d’Abrene et les six communes voisines, formellement lettones depuis 1923, a la RSFS de Russie. Cela représentait 1 293 km2 de territoire et 52 000 habitants (avant la guerre).
Or, après la restauration de son indépendance, la question d’Abrene est devenue un problème constitutionnel pour la Lettonie. En effet, l’article 3 de la Constitution de 1922, renouvelée en 1990, stipule « Le territoire de la Lettonie, défini dans ses frontières par des traités internationaux, comprends les provinces de Vidzeme, de Latgale, de Kurzeme et de Zemgale ». Selon le Traité de Paix de Riga, conclu le 11 Août 1920 avec l’Union soviétique, Abrene est bien incluse dans le territoire de la Lettonie.
Les experts juridiques considèrent ainsi que l’annexion de facto du territoire d’Abrene ne doit pas entrer en contradiction avec la Constitution, donc avec le principe de continuité de la République de Lettonie (qui a bien continué à exister de jure pendant la période d’occupation). Une déclaration unilatérale, comme souvent dans les négociations internationales, a donc été jointe au Traité sur les frontières proposé au gouvernement russe en 2005. Cette déclaration précisait : « La Lettonie ne subordonne pas cet accord au problème plus vaste de la liquidation des conséquences de l’occupation illégale de la Lettonie ».
Le problème est que la Russie d’aujourd’hui ne reconnaît ni la continuité de la République de Lettonie, ni même son occupation ! Car reconnaître l’occupation serait ouvrir la porte à des demandes de compensations matérielles pour les dommages subis. La Russie a donc refusé de signer le traité en 2005, le Président Poutine clamant, malgré les dénégations du Ministère letton des Affaires Etrangères, que la Lettonie voulait reprendre le contrôle de la région et qu’une telle revendication était contraire à l’esprit de l’Europe !
(NB : On notera que le Congrès des députés du Peuple de l’URSS prit, le 24 Décembre 1989, une décision - http://www.letton.ch/lvriben2.htm - reconnaissant l’illégalité des protocoles secrets du Pacte Molotov – Ribbentrop et mentionnant § 5 le Traité de Paix de Riga du 11 Août 1920……)
Finalement, la Cour constitutionnelle lettone statua, le 29 Novembre 2007, que le Traité, signé entre les deux parties à Moscou le 27 Mars 2007, et ratifié en Mai par le Parlement letton, ne violait pas la Constitution lettone. Ce même 29 Novembre, The Baltic Times titrait « So long, Abrene ». La région, totalement russifiée depuis des décennies (il n’y avait déjà plus, en 1945, que 12,5 % de Lettons), devenait définitivement le district de Pytalovo dans l’oblast russe de Pskov.
Il existe encore en Europe quelques mines non neutralisées, abandonnées par les soviétiques. La plus importante est celle de Crimée, cadeau de Nikita Khrouchtchev à la RSS d’Ukraine en 1954, et qui pourrait bien exploser un jour ……