Dorothée de Dino, duchesse de Courlande |
Gotthard
Kettler, dernier Landmeister livonien, converti au
luthéranisme, sécularise alors ses moines-soldats, et devient duc
héréditaire de Courlande et Sémigalle. La capitale est fixée à
Mitau (aujourd’hui Jelgava). Le 5 Mars 1562, Gotthard dépose
solennellement le manteau des chevaliers porte-glaives en prêtant
hommage au Roi de Pologne Grand-duc de Lituanie, et il épouse en
1566 la princesse Anne von Mecklembourg-Schwerin. Les chevaliers de
l’ordre imitent le duc, se taillant des fiefs nobiliaires dans le
duché, créant la noblesse locale : les barons baltes.
Le dernier duc de Courlande, Peter von Biron, régna de 1769 à 1795, date à laquelle (28 Mars 1795) le duché fut annexé par la Russie et où il se retira en Silésie, à Sagan. Peter eut six filles de sa troisième épouse, Anna Charlotte Dorothea von Medem, dont quatre survécurent. La quatrième, Dorothée, bien qu’ayant été reconnue par le duc, a toutefois vraisemblablement comme père biologique un homme d’État polonais, le comte Aleksander Batowski. Elle est née à Friedrichsfelde, près de Berlin, le 21 Août 1793 et fut élevée au Palais de Courlande, 7 Unter den Linden. C’est elle qui nous intéresse.
Après
les défaites prussiennes de Iéna et Auerstaedt, et l’entrée de
Napoléon à Berlin, la famille s’exile brièvement à Mitau
(Jelgava) en 1809 - 1807, endroit que la jeune Dorothée trouve
« horrible, froid et inconfortable » ; mais elle y
rencontre le comte de Provence, futur Louis XVIII.
Lors
du congrès d’Erfurt (27 Septembre – 14 Octobre 1808), réunion
entre Napoléon 1er et Alexandre 1er pour
réaffirmer l’alliance conclue lors du Traité le Tilsit l’année
précédente, Talleyrand (Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,
prince de Bénévent), qui n’est plus Ministre des relations
extérieure depuis Août 1807 mais qui conseille toujours Napoléon,
et qui cherchait une riche héritière pour son neveu, obtient du
Tsar que celui-ci intervienne auprès de la duchesse Anna Dorothea
pour favoriser le mariage du dit-neveu, Edmond de
Talleyrand-Périgord, avec Dorothée, âgée alors de 15 ans (et
qui aurait préféré le prince Adam Czartotyski, de 25 ans son
aîné). Le mariage est célébré à Francfort-sur-le-Main les 21 –
22 Avril 1809, alors que les hostilités viennent de reprendre entre
la France et l’Autriche (12 Avril 1809 : début de la
cinquième coalition). Dorothée, d’éducation allemande, devient
donc comtesse Edmond de Périgord, mais est plongée en milieu
français, donc ennemi ; ses trois sœurs aînées n’assistent
d’ailleurs pas au mariage.
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent |
Bien
qu’ayant eu trois enfants (Napoléon-Louis en 1811, Dorothée en
1812 et Alexandre en 1813), le couple aura un mariage malheureux,
Edmond étant plus attiré par le jeu, la guerre et … les autres
femmes. Leur vie conjugale s’arrête de facto avec le départ
d’Edmond pour la campagne de Russie. Néanmoins, Dorothée mettra
encore au monde, le 29 Décembre 1820, Joséphine Pauline, dont la
paternité est souvent attribuée à Charles-Maurice de Talleyrand,
l’oncle, et en 1825 Julie-Zulmé dont on ne sait pas exactement qui
est le père !
Depuis
le congrès de Vienne (1er Novembre 1814 – 9 Juin
1815), où Charles-Maurice de Talleyrand représente la France,
Dorothée est entrée dans l’intimité de son oncle par alliance.
C’est elle qui fait les honneurs du palais Kaunitz où Talleyrand
donne des réceptions brillantes qui participeront certainement au
fait que la France sorte intacte du congrès. En 1816, Dorothée
s’installe chez Charles-Maurice à Paris et ils ne se quitteront
plus. Ils partagent leur temps entre Paris (que Dorothée n’aime
pas) et Valençay où Charles-Maurice a acheté un château en 1803.
Le 2 Décembre 1817, le Roi de Sicile dote Talleyrand du duché de
Dino, une île au large de la Calabre. Comme le titre est
immédiatement transmissible à ses neveux, Dorothée
devient duchesse de Dino.
En
1824, Dorothée, qui avait déjà obtenu la séparation de biens,
divorce d’Edmond, ce qui prête à la critique parisienne. En 1828,
elle achète le château de Rochecotte, à Saint-Patrice (à l’ouest
de Langeais), afin de se sentir vraiment chez elle. Elle s’y plaît
beaucoup, et elle est en outre plus proche de son amant du moment,
Théobald Piscatory dont elle avait eu une fille, Antonine-Dorothée,
née en 1827 et qui acheta au même moment le château de Chérigny
dans la Sarthe. Elle suit toutefois Charles-Maurice de Talleyrand à
Londres de 1830 à 1834, où il avait été nommé ambassadeur.
Talleyrand meurt le 17 Mai 1838, entouré de Dorothée et de Pauline.
Le château-hôtel de Rochecotte |
Un
mot au passage sur Pauline. Elle épouse Henri de Castellane en 1839.
Ils ont deux enfants : Marie Dorothée Elisabeth (1840 – 1915)
qui épouse en 1857 le Prince Antoine Radziwill ; et Antoine
(1844 – 1917) qui sera lui-même le père du fameux dandy Boni de
Castellane (lequel passe son enfance au château de Rochecotte).
Veuve en 1847, Pauline vit le plus souvent à Rochecotte où elle
mène une vie simple et dévote. Elle décédera en 1890. Le souvenir
de ses bienfaits reste encore vivace aujourd’hui à Saint-Patrice.
Il
y aurait encore beaucoup à dire sur Dorothée de Dino. A partir de
1838, elle se partage entre Paris, Berlin, Rochecotte et Sagan
qu’elle rachète en 1844 à son neveu, Constantin de Hohenzollern.
En 1847, elle donne Rochecotte à sa fille Pauline de Castellane et
résidera alors dans la principauté de Sagan, en Basse-Silésie, où
elle possède 5 villes, 171 villages et 8 000 âmes et où son
règne sera un bienfait. Venant encore parfois à Paris et à Berlin,
elle finit toutefois sa vie dans la solitude et la mélancolie le 19
Septembre 1862, des suites d’un accident de voiture en Juin
1861.
A
l’occasion des Journées du patrimoine 2012 (15 et 16 Septembre),
il sera possible de suivre des visites commentées du château
de Rochecotte, aujourd’hui hôtel-restaurant de grande qualité,
à 10H00, 11H30, 14H00, 15H30 et 17H00.
La chapelle du château de Rochecotte, qui était auparavant la chambre de Talleyrand |