(Une fois n’est pas
coutume : je sors de mes sujets et de ma zone de prédilection pour évoquer
la figure du Capitaine Louis Laurent François Hippolyte Dutertre, héros de
Sidi-Brahim, avec lequel je ne me connais pas de lien généalogique).
Le Capitaine Louis Laurent DUTERTRE |
Qu’ont en commun des
personnalités aussi diverses telles que Jean Amadou, Luc Besson, Roger
Frison-Roche, le Général de Gaulle, Christophe Lambert, Monseigneur Lustiger,
le Maréchal Pétain, Tino Rossi ou Henri Salvador ? A un moment ou à un
autre, ils ont été Chasseurs (à pied, alpins, portés ou mécanisés).
Caractérisés par leur tenue « bleu jonquille », les Chasseurs sont
des soldats « qui pigent et qui galopent » (Maréchal Lyautey).
10 Bataillons de Chasseurs
sont créés le 28 septembre 1840 par
Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans, fils aîné du Roi Louis-Philippe. C’est une
infanterie spéciale équipée (notamment de la carabine Delvigne-Pontcharra
modèle 1837), armée et instruite « en vue de la guerre la plus active ».
Le duc d'Orléans |
Cinq des 10 Bataillons
partent pour l’Algérie dès 1841 et se couvrent de gloire à plusieurs reprises face
aux troupes de l’émir Abd el-Kader ou du sultan du Maroc Mohammed IV, en
particulier à la bataille de l’Isly (14 Août 1844).
Suite à la défaite de l’Isly,
Abd el-Kader avait entrepris de soulever les tribus algériennes, dont beaucoup
s’étaient ralliées à la France. Le 21
Septembre 1845, le caïd Mohamed el-Trari appelle les Français au secours,
mais il s’agit en fait d’un traquenard. Le Colonel
Lucien de Montagnac, commandant les troupes basées à Djemmaa Ghazaouet
(jadis Nemours), se met à la tête d’une colonne constituée de 69 cavaliers du 2ème
Hussards et de 5 Compagnies du 8e Chasseurs d’Orléans, avec 2 jours
de vivres.
Le 23 septembre au matin,
le Colonel de Montagnac décide de se porter vers des cavaliers ennemis aperçus
la veille. Mais, surgissant des crêtes environnantes, 5 à 6 000 cavaliers
arabes fondent sur la petite colonne. Les hussards et 3 compagnies de Chasseurs
sont submergés, le Colonel de Montagnac est tué. La 2ème compagnie, avec
le Commandant Froment-Coste, sort du
bivouac pour se porter à leur secours, mais elle est à son tour submergée. Froment-Coste
est tué et le Capitaine Dutertre est
fait prisonnier.
Le Capitaine de Géreaux, qui avait la responsabilité du bivouac,
décide de s’installer à 1 000 mètres de sa position, dans la Koubba du
marabout de Sidi-Brahim pour se battre en attendant des secours. Réduits à 83
hommes, ils vont résister pendant 3 jours et 3 nuits, malgré la faim, le soleil
et la soif, coupant les balles en quatre pour faire durer le feu.
Le Capitaine Dutertre, devant le marabout de Sidi-Brahim |
Abd el-Kader envoie alors un
de ses prisonniers, le Capitaine Dutertre, promettre la vie sauve à tout le
monde si les retranchés consentent à mettre bas les armes. S’avançant entre
deux Arabes le sabre à la main, Dutertre va au contraire dire d’une voix forte :
« Mes amis, je
suis menacé d’être décapité si je ne parviens pas à vous persuader de mettre
bas les armes, et je viens vous dire de ne pas vous rendre ! Résistez
jusqu’à la mort. Vive la France ! » Il fut bien sûr décapité sur
le champ.
De même, lorsqu’Abd
el-Kader exigea du Clairon Rolland
qu’il sonne la retraite, celui-ci sonna la charge. Les survivants, n’ayant plus
de munitions, tentèrent une sortie à la baïonnette. Seuls 15, aux ordres du Caporal Lavayssière (celui qui avait réussi
à hisser au sommet du marabout un drapeau français constitué d’une ceinture et
de mouchoirs), réussirent à rejoindre les lignes françaises, mais 8 décédèrent
dans les jours qui suivirent.
L’anniversaire de ces
combats et de l’admirable résistance des combattants est devenu la fête
traditionnelle des Chasseurs à pied, alpins et mécanisés. Au sommet du monument
du souvenir français, à Calais, la Gloire couronne de lauriers le Capitaine
Dutertre (il était né à Coulogne, dans la banlieue de Calais, le 10 Août 1807). Il y a bien sûr une rue Dutertre à Coulogne (cf. ci-dessous) mais, plus surprenant, il y a aussi une place du Capitaine Dutertre à Bordeaux.