Suite aux récentes tensions entre la Lituanie et l'oblast russe de Kaliningrad, certains médias – pour ne pas dire tous – ont manifestement découvert le territoire. Certains rédacteurs (je n'ose pas parler ici de journalistes) ne se sont toutefois même pas, a priori, donné la peine d'ouvrir Wikipédia !
Au palmarès des plus belles bourdes, je pense qu'on peut inscrire « Kaliningrad possède une frontière terrestre avec la Lituanie, la Biélorussie et la Pologne » (Le Parisien) ou encore « L’enclave de Kaliningrad est approvisionnée par un couloir de 35 kilomètres la reliant à la Russie » (Cnews). NB : je ne traiterai pas ici du fond du problème.
Au chapitre des erreurs les plus courantes, il y a le fait de parler d'enclave de Kaliningrad. Une enclave est un territoire complètement entouré par une seule autre entité territoriale (région ou pays). Ce n'est pas le cas de l'oblast de Kaliningrad, bordé au nord par la Lituanie, au sud par la Pologne et à l'ouest par la mer Baltique. En l’occurrence, il convient de parler d'exclave, morceau de terre sous souveraineté d'un pays du territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers.
Deuxième erreur généralement constatée : dire que Kaliningrad a une population d'un demi-million d'habitants. C'est vrai de la ville (475 100 habitants en 2013), mais l'oblast doit approcher le million d'habitants (976 439 en 2016). Certains rédacteurs n'ont peut-être pas fait le distinguo entre ville et territoire.
Je passe sur l’obstination bien franchouillarde de continuer à appeler Biélorussie, nom porté à l'époque soviétique, un État dont le nom officiel en français est Bélarus depuis septembre 1991 ……..
Autre erreur parmi celles les plus couramment constatées : le corridor ou couloir de Suwałki. C'est un terme utilisée principalement dans un contexte militaire pour qualifier la bande de terre qui assure, seule, la continuité territoriale entre les trois États baltes et les autres pays de l'OTAN. Le couloir mesure 65,4 km de large à son point le plus étroit, entre l'oblast de Kaliningrad et le Bélarus, et non pas 100 km ou 35 km comme on le voit ici ou là.
Confusion est faite en outre avec le corridor ferroviaire qui relie Minsk à Kaliningrad à travers la Lituanie, via Vilnius et Kaunas, corridor qui a fait l'objet d'un accord en avril 2004 entre la Russie et l'Union Européenne.
Dernier point, en marge. Certains réclament le retour de Kaliningrad/Königsberg à l'Allemagne. Si Königsberg a bien été la capitale de la Prusse Orientale depuis 1255, c'est à la conférence de Postdam (17 juillet - 2 août 1945), réunissant Staline, Truman et Churchill, que fut agréé le principe du transfert de Königsberg à l'URSS. Le 14 novembre 1990 était in fine signé à Varsovie le Traité sur la frontière germano-polonaise qui fixait les limites de l'Allemagne réunifiée avec la Pologne sur la ligne Oder-Neiβe, frontière effective depuis 1945. L'Allemagne renonçait donc définitivement aux anciennes provinces situées à l'est de ces deux rivières, en particulier à la Prusse Orientale. Il est indéniable qu'aux yeux de la loi internationale, l'URSS est le propriétaire légal du territoire de Königsberg. Au passage, au moins deux reprises (1945 et 1963), le territoire avait été proposé à la RSS de Lituanie qui avait judicieusement décliné l'offre.
Il y aurait eu en 2001 des pourparlers secrets entre le chancelier allemand Gerhard Schröder et le (déjà) président Vladimir Poutine, en vue d'un retour de Kaliningrad/Königsberg dans le giron allemand ou, du moins, dans la sphère économique allemande. L'ambassade d'Allemagne en Russie a parlé de « délire complet » et le gouverneur de l'oblast a nié avoir eu la moindre information. Mais, en tout état de cause, si pourparlers il y a eu, ils n'ont pas débouché et les Allemands se félicitent sans doute aujourd'hui de ne pas avoir récupéré un « Département d'Outre-Terre » peuplé d'un million de Russes !
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