La récente visite
controversée de dix parlementaires français en Crimée occupée, organisé par
l’occupant russe, a remis au goût du jour le terme de « villages
Potemkine ». Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Le 28 juin 1762, Catherine
II devient Impératrice de Russie après que son mari, le Tsar Pierre III (monté
sur le trône le 5 janvier 1762), eut été assassiné, probablement par l’amant
(un des amants) de Catherine, Alexeï Orlov.
Catherine II de Russie |
Le 25 juillet 1772, elle
conclut le traité de Saint-Pétersbourg avec la Prusse de Frédéric II et
l’Autriche de Marie-Thérèse, traité par lequel les trois prédateurs démembrent
le Royaume de Pologne/ Grand-duché de Lituanie sur le trône duquel Catherine
avait placé en 1764 un autre de ses amants, Stanisław Antoni Poniatowski
(Stanislas II). Au premier partage de 1772, succéderont ceux de 1793 et 1795.
Par ailleurs, la
guerre russo-ottomane de 1768 à 1774 aboutit le 21 juillet 1774 au traité de
Küçük Kaynarca par lequel, entre autres, l’indépendance est accordée au
Khanat de Crimée, lequel ne tarde pas toutefois à passer de facto sous le contrôle russe, le sultan ottoman ne
conservant qu’une ascendance religieuse sur les populations musulmanes, en
majorité tatares. Cette occupation du Khanat de Crimée par la Russie donnera
lieu à une nouvelle guerre déclenchée en 1787 par l’Empire Ottoman, à l’issue
de laquelle les Ottomans seront de nouveau défaits. Ils signeront le traité
de Jassy le 9 janvier 1792. Par ce traité, l’Empire Ottoman reconnaissait
l’annexion de la Crimée et de la province turque du Yédisan par la Russie,
ainsi que la fondation par Potemkine de la ville et de la base navale de
Sébastopol en 1784. Une partie des Tatars de Crimée fut expulsée vers l’Empire
ottoman et remplacée par des Russes et des Ukrainiens.
Grigori, prince Potemkine |
En janvier 1787,
Catherine avait visité la Crimée avec une imposante suite dans laquelle, entre
autres, le Prince de Ligne et le comte de Ségur (Ambassadeur de France) ont relaté ce voyage. L’objectif de Grigori
Potemkine (un autre amant et favori de Catherine II depuis 1774), qui avait
conquis ces territoires aux dépens du Sultan, était rien moins que de montrer à
l’Europe cette grande steppe sous-peuplée du sud de l’Ukraine à peine conquise
se peuplant tout à coup et se civilisant comme par enchantement pour acclamer
ses vainqueurs.
Quelques années plus
tard (1797), le diplomate saxon Adolf Helbig, lancera la légende selon laquelle
Potemkine aurait implanté des villages factices en carton-pâte le long du
parcours de l’Impératrice, voulant ainsi la flatter et la rassurer sur l’état
de sa paysannerie. Il s’agirait en fait d’un mythe colporté pour nuire à
Potemkine. Potemkine n’a jamais nié qu’il ait « arrangé » les
villages mais, a priori, il n’en a pas fait construire. Lesdits « Village
Potemkine » ne seraient que le fruit de la médisance, bien qu’il soit
évident qu’il avait été prémédité que ne soit présenté à l’Impératrice que les
plus belles facettes de ses contrées.
En tout état de
cause, depuis lors, l’expression « village Potemkine » désigne –même
si c’est historiquement à tort – des opérations de propagande visant à tromper les dirigeants et l’opinion
publique.
Maison Potemkine à Suzdal, en prévision de la visite de Vladimir Poutine (novembre 2013) |
On pense
immanquablement au voyage d’Edouard Herriot qui, du 26 au 31 août 1933 (en plein Holodomor
donc), parcourt l'Ukraine en découvrant une fausse URSS où il rencontre, à Kiev
comme à la campagne, des agents du NKVD déguisés en ouvriers et paysans. Sur le
passage de "l'idiot utile", tout est transformé en village Potemkine.
On pourra également
lire avec profit un rappel sur les « idiots utiles » :
http://gillesenlettonie.blogspot.fr/2014/11/opinion-les-idiots-utiles.html
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